Le Père Olivier ABIVEN,
1856-1934


Le Père Olivier-Marie Abiven sera toute sa vie un homme courageux, humble et réaliste, qui a su s'adapter à toutes les circonstances, et faire le bien sans cesse durant sa longue vie.

Né à Plabennec le 5 janvier 1856, dans une famille chrétienne de cultivateurs, il fit ses études secondaires à Lesneven et entra au séminaire de Quimper. Il n'y resta qu'une année, demanda son admission dans la congrégation et passa au scolasticat de Langonnet en 1878.

Dans sa lettre d'admission à la profession, il est d'une sincérité touchante : " Mon caractère taciturne, mélancolique et irascible, m'a fait beaucoup souffrir. A certains moments, je me suis senti insupportable aux autres, et surtout à moi-même. Mais je ne me suis jamais découragé, et je crois avoir, en grande partie, surmonté mes défauts."

Il dit ensuite l'histoire de sa vocation : "Depuis presque mon âge de raison j'ai eu le désir d'être missionnaire. Le passage du Père Horner dans le collège de Lesneven me fit connaître la congrégation. Depuis, plus j'avance et plus j'aime ma nouvelle famille religieuse. Mes attraits sont toujours pour les fonctions les plus humbles. J'aimerais, par exemple, à être chargé d'une léproserie ou de quelque oeuvre de ce genre. Je ne suis guère capable d'être employé près des riches et des grands. J'aurai tout au plus le suffisant pour être employé au saint ministère."

Prêtre en 1882, le P. Abiven fut envoyé au Sénégal et débarqua à Dakar en novembre de la même année. Il avait 26 ans. Avec l'âge il se développa merveilleusement, apprit le wolof et le malinké, écrivit des ouvrages en ces deux langues, et fit face à toutes les situations, même parmi les "Grands" qu'il craignait tant autre fois d'aborder.

Directeur des petits séminaristes à Ngasobil, vicaire un temps à Dakar, il fonda la mission de Thiès en 1886. Il y créa une école pour les petits esclaves Bambaras, achetés à 200 fr l'unité. ; un dispensaire tenu par les Soeurs bleues de Castres ; un pénitencier pour le relèvement des jeunes délinquants, et une école d'agriculture.

A cette époque, il écrivait: "La charrue de Brabant a labouré nos champs. C'est sa première apparition au Sénégal. Son travail est parfait ; le potager se transforme de plus en plus. Grâce à nos confrères des Antilles, nous espérons posséder bientôt une belle variété des arbres fruitiers des pays chauds. Multipliés ici par semis et par greffe, ces arbres précieux iront se répandre, non seulement dans tout le Sénégal, mais encore dans tout l'ouest africain." C'est précisément ce qui est arrivé, les greffes des manguiers de Thiès sont allées, partout en A.O.F. et en A.E.F.

En 1889, ses Supérieurs l'envoient au Soudan. En l'espace de 11 ans, il fonde trois missions. En 1890, la mission de Kita, où trois confrères meurent à ses côtés. En 1892, la mission de Kayes ; à ce moment il est nommé Vicaire général du Soudan. Il explore le pays jusqu'à Siguiri (actuellement en Guinée). En 1895, fondation de la mission de Dinguira. A cette époque, il reçoit les palmes académiques des mains du Gouverneur du Sénégal pour sa grammaire et le dictionnaire malinké qu'il vient de faire paraître. Comme toujours dans ces missions, il fait marcher de pair la civilisation avec l'évangélisation, créant des dispensaires, des écoles, sans négliger le travail de cultivateur et de planteur.

En 1901, nos missions du Soudan, proches de celles des Pères Blancs leur sont remises, en échange de leur nouvelle implantation à Kissidougou en Guinée française. Sensible le Père Abiven souffrit de quitter le Soudan, mais accepta courageusement ce sacrifice. Venu en Guinée, il arriva à Kissidougou le 22 janvier 1902. L'année suivante, il mit en terre le Père Devante, premier supérieur de la station, le 8 février 1903, mort d'insolation au poste de Bouyé. Lui-même inadapté à la forêt kissienne, fut bientôt appelé à descendre sur la côte. Il exerça son ministère pastoral à Conakry, Boffa, Boké et Kindia, dans la langue locale, le Soso, surveillant les écoles des missions, d'où sortirent en grande partie les premiers fonctionnaires et les ouvriers du pays.

A sa demande, en 1909, il obtint de revenir au Sénégal, où il se remit au travail, comme au printemps de sa jeunesse. On le revit à Abouko, Carabane, Gorée, Rufisque, Kaolack, Dakar et enfin à Ngasobil. C'est là qu'il se retira quand la surdité naissante lui rendit la conversation difficile. Dans la solitude, il s'adonna aux archives de la mission. En 1931, il y célébra son jubilé de cinquante ans de sacerdoce ; et le 15 mars 1933, ce fut le grand tralala à Ngasobil, où Mgr Grimault vint le complimenter et le Gouverneur du Sénégal le décorer comme chevalier de la légion d'honneur.

Quoiqu'il l'avait fort bien méritée, le P. Abiven fut le seul étonné de la recevoir et y resta indifférent. Il écrivait à ce propos : "Je ne suis pas un homme à décorer. Les félicitations que je reçois de droite et de gauche, je les regarde comme des plaisanteries amicales, permises entre confrères ou amis, et qu'il faut savoir accepter sans trop se fâcher, mais je ne les prends pas au sérieux."

Usé par le travail, affaibli par le retour des fièvres tropicales, le P. Abiven offrit sa vie pour l'Afrique et remit son âme au Maître qu'il eut tant de plaisir à servir toute sa vie, dans la simplicité spiritaine. C'était le 18 septembre 1934. Il avait 78 ans.

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