Le Père Arthur d'AGRAIN,
1910-1990


Arthur de Pradier d'Agrain naît à Nice, le 6 février 1910, d'une vieille famille, alliée à bien des noms connus de la région. En 1932, après une licence ès lettres, il entre, pour le compte du diocèse de Nice, au Séminaire français de Rome dont, en 1938, il sort avec un baccalauréat en philosophie, une licence en théologie et... la vocation spiritaine.

Il fait profession le 27 novembre 1939 et, après la drôle de guerre, est professeur d'Écriture Sainte à Cellule. Parti au Sénégal en 1941, il est mobilisé à Dakar et devient jeune aumônier des forces terrestres. En 1945, il reprend l'enseignement de la théologie d'abord à Ngazobil, puis à Poponguine où il a comme étudiant l'actuel Cardinal Thiandoum. En 1951, il devient procureur du diocèse de Dakar ; les finances étaient plutôt modestes, l'hôte accueillant et la table plus abondante que raffinée ; aussi les jeunes d'alors, nous parlions irrespectueusement de la "crèmerie d'Agrain". En 1956, le Père d'Agrain est économe de la maison provinciale, à Paris, puis en 1957 économe d'Allex. Cette rapidité de changements correspond chez lui à une "recherche" qui le mène à tenter la vie contemplative chez les Cisterciens de Lérins. L'essai ne dura pas très longtemps : le Père d'Agrain était peu fait pour une vie sédentaire et puis, il l'avouait lui même, il souffrait... de la faim ! de même que ce fut le cas, quelque cinquante ans auparavant, du Père Brottier dans les mêmes lieux et avec les mêmes résultats ! Comme quoi, le rêve de pure contemplation n'est pas toujours capable de nourrir le Spiritain. Après une année de repos à Grasse, il repart au Sénégal en 1962 et y est professeur au petit séminaire de Ngazobil. Rentré en France en 1967, il passe un an à Bletterans, puis plus de dix ans à Marseille (il y est chapelain à Notre-Dame de la Garde, lui qui fut toujours très priant de la "Bonne Mère"). En 1979, il prend sa retraite à Grasse, puis à Vence en 1986.

Le Père d'Agrain n'était pas un progressiste. Il ne s'accorda guère de facilités liturgiques ou vestimentaires. Mais il fut toujours très respectueux de ce qu'il aurait sans doute souhaité autre. Grand ami des éléments : l'air, le soleil, la montagne (il connaissait les moindres recoins du Haut-Pays niçois), la mer (très jeune il pratiqua déjà la plongée sous-marine et à Ngazobil il avait un petit canot à moteur : le Saint-Joseph), il était également un mélomane averti, amateur de grande musique classique plus que de "pop". Très sensible et discret, il était du genre "faux bourru", capable de toutes les délicatesses et parfois d'un volcanisme aussi soudain que fugace. Mais au cours des ans, sa native impétuosité sut faire place à une vertueuse placidité.

Les dernières semaines nous le vîmes progressivement miné par le cancer qui se développait : cancer généralisé y compris au cerveau. En même temps, conscient de son état, il fut admirable, non point de résignation, mais d'acceptation sereine, de "communion" à sa maladie, dans un remarquable esprit chrétien et sacerdotal.

Le Père d'Agrain avait accepté la rédaction du journal de la communauté de Vence et il le tenait, de sa splendide écriture, avec ponctualité et précision. Voici les derniers mots qu'il y nota, quinze jours avant sa mort : "Le Docteur Philippe d'Agrain, l'un de mes neveux, est venu me visiter en suite de mon passage au scanner le 2 novembre... Nunc dimittis servum tuum in pace. Me voici. Le Seigneur a rempli mes jours. Amen ! " Transporté en ambulance à Chevilly, il s'éteignit paisiblement au matin du 23 novembre 1990.
G. H. Thibault c.s.sp.

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