Le Père Charles BELLET,
1877-1942.


Charles Germain Bellet naquit le 11 avril 1877, à Lapeyrière en la commune de Lisle-sur-Tarn. Il fit ses classes au petit séminaire de Lavaur et entra au grand séminaire en 1896, après le baccalauréat ès lettres (1'- partie). Il fit un an de service militaire au 143e régiment d'infanterie, à Albi, puis entra au noviciat d'Orly où il prononça ses vœux religieux le 27 septembre 1898. Prêtre en 1902, il reçut son obédience pour les missions du Portugal.

Le 6 octobre, il s'embarquait à Lisbonne pour Huila. Dans la grande communauté de Saint-Joseph, siège du grand séminaire et de nombreux ateliers où travaillaient 13 Frères, le P. Bellet assura durant deux années les fonctions de procureur, tout en apprenant le portugais et la langue locale. Il fut ensuite affecté à Tyipélongo et Kihita, deux missions parmi les plus pénibles et les plus insalubles de cette circonscription du Counène, au sud-ouest de l'Angola.

On connaît le désastre qu'essuya, sur la rive gauche du Counène, une expédition portugaise, en septembre 1905. Plus de 300 soldats furent massacrés à l'occasion d'une reconnaissance, et le reste de la colonne, battant précipitamment en retraite, repassa le Counène en trois heures et demie, pour se retirer au fort de Humbé, quand elle avait mis plus de deux jours à son premier passage. Les Couamatouis se contentèrent pour le moment de leur victoire et ne poursuivirent pas ; ils disaient que les fusils et les canons des Blancs ne sont pas plus terribles que leurs casse-tête ou leurs sagaies, et que ces Blancs eux-mêmes ne sont que de maigres "planches", comme ils les ont appelés dans leur dédain. Et de là une agitation orgueilleuse et plus turbulente encore parmi eux. Ils menacent de passer le Counène et de venir attaquer la forteresse du Humbé.

Les indigènes de cette localité, toujours remuants, ne manqueraient pas de faire chorus avec les Couamatouis. De là pourrait résulter une conflagration, dont nous.pourrions bien avoir à souffrir Nous avons confiance toutefois que, si ces événements se produisent, ils n'arrêteront pas l'œuvre de la Providence, à cause de la fidélité de nos Ndimbas, sur lesquels nous croyons pouvoir compter.

Au début de 1915, le Gouvernement portugais organisa une expéditon contre les Couanyamas ; elle comprenait un corps de 6.000 hommes et était commandée par le colonel Roçadas. Mais en même temps, arrivait du sud sur les bords du Counène une force allemande, bien armée, qui a surpris et défait les troupes portugaises dispersées à Naulila dans le Couamatoui. Les allemands se sont retirés ensuite dans leur territoire de Namibie. Mais en même temps les tribus noires se révoltaient ouvertement, du Counène au Coubango, s'emparaient des forts, des armes, des munitions, des vivres, et poussaient devant eux les Européens, militaires et commerçants, qui se réfugiaient d'un côté à la mission de Tyipélongo, où ils ont été reçus par les PP.. William et Bellet, et de l'autre à notre mission d'Evalé, où, heureusement, se trouvait le P. Keiling, avec les FF. Devis et Bieira ; seuls, par leur sang-froid et leur courage, ils ont fait face aux indégènes et sauvé la vie des Européens. Il a même fallu que le F. Devis, avec 40 de ses jeunes gens -armés, dirige leur retraite sur Cassinga, pendant que le P. Keiling allait parlementer avec Modoumbi, le chef des Couarnyamas.

Chose intéressante à noter : parmi les officiers qui figuraient dans cette retraite peu brillante, se trouvait un de ceux qui se montrèrent les plus vaillants dans la prise de notre maison de Canarie et conduisirent nos Pères et scolastiques dans les prisons de la Rotonde. La fortune a de ces revers !

Cependant nos missions du sud de l'Angola restent très exposées l'ascendant moral de nos missionnaires peut seul les sauver.

Nous en sommes, pourrait-on dire, à la pêche à la ligne quand d'autres pêchent au filet ; beaucoup de nos confrères appellent au secours parce que leur filets rompent dans la surcharge de leurs prises ; mais ils furent d'abord et longtemps comme nous des pêcheurs à la ligne. Plus tard aussi nos successeurs ramèneront au port leur barque pleine ; cette vision d'avenir nous donne courage quand, malgré notre patience, nous n'avons rien ou presque rien pris.

Ce n'est qu'en 1930, après 28 années consécutives en Afrique, dont 18 dans la mission de Tyulu, la plus éloignée du district, avec les peines et les privations que comportent deux déménagements dans un pays durement éprouvé par la famine, la guerre et la révolte des populations, qu'il put enfin prendre un congé en France.

Après une visite à sa famille, il passa une année à Saint-Ilan (Côtes d'Armor) et retourna courageusement reprendre sa place en Angola. Il y est mort le 13 juin 1942, à Nova Lisboa, à l'âge de 65 ans.

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