Le Frère Adrien BERTRAND,
1819-1882.


Adrien Bertrand est né le 12 mars 1819 à Cayssac-Lioujas, près de Rodez. Son curé, l'abbé Loubière, le recommandait avec assurance à la congrégation : " Il s'est toujours conduit de la manière la plus édifiante. Il appartient à une des familles honnêtes du pays. Il sait lire et écrire, comme le commun des enfants de nos propriétaires. Il connaît parfaitement sa religion ; il est bien disposé à faire ce à quoi vous Femploirez. Si on l'emploie au travail, il est fort laborieux, le travail ne lui fait point de peine. Soyez assuré que votre congrégation se félicitera un jour de le posséder; sa vocation paraît venir du ciel.

Adrien n'était pourtant pas un enfant de chœur : il avait participé à l'expédition de l'armée française en Algérie et s'était trouvé sous les ordres du prince de Joinville à plus d'une attaque sérieuse. Il vécut ensuite trois ans comme militaire en Guyane. De retour au pays, il retrouva sa paroisse et s'y fit apprécier. Son curé le dit : " Ce n'est pas sans regret que je le vois partir, il était l'édification de la paroisse, membre du conseil de la fabrique et marguillier du très saint-sacrement ; Dieu sait avec quelle ponctualité il s'acquittait de ces emplois. On peut bien lui appliquer les paroles du prophète zelus domus tuœ comedit me."

Reçu au postulat en 1855, il fit son noviciat et prononça ses premiers vœux le 22 septembre 1857. Il reçut son obédience pour la Martinique et la charge de portier au grand collège de Saint-Pierre. C'est de là qu'il écrivait le 26 juin 1860 au Supérieur général :

" Voilà bientôt mes trois années de vœux temporaires finis, c'est le 22 septembre prochain. C'est avec le plus grand désir que je vous prie de m'admettre aux vœux perpétuels, car je suis très conte-nt dans la congrégation, et j'espère que le bon Dieu me fera la grâce de n'en jamais sortir. Et si j'avais à recommencer, je ne balancerais pas un seul instant à mettre la main à l'œuvre. Je finis ma lettre en vous embrassant de tout mon cœur et suis pour la vie votre très attaché et dévoué Frère Adrien Bertrand."

En 1863 il parle de ses fonctions : " Pour ce qui est de mon emploi, c'est toujours le même, je suis toujours à la porte. Mais je m'y plais bien ; ce n'est pas cependant toujours des roses, car il y a bien de temps en temps quelques petites contrariétés avec les élèves. Ainsi pour mon travail ordinaire de tous les jours, c'est de nettoyer les lampes pour les trois études ainsi que pour le réfectoire ; de tenir en ordre le cabinet de physique et d'aider le Père Dulmann quand il a besoin de moi. Quand j'ai du temps de libre dans la journée j'apprends le catéchisme à nos petits domestiques. Et quand il me reste encore du temps, je vais à la bibliothèque pour passer les livres en revue et empêcher que les termites ne les dévorent. Le matin je me lève à quatre heures, ensuite je m'en vais appeler quelques-uns des Pères qui désirent se lever à quatre heures, ensuite je me rends à la chapelle pour mon oraison ; je sers une messe et quelquefois deux et même trois ; ensuite je me rends à mon poste de la porterie."

En décembre 1870, il parle de la guerre : " Quand je pense à cet envahissement de notre pauvre France par un ennemi formidable qui saccage, pille, brûle, massacre les pauvres habitants et qui met la famine dans tout le pays où il pas se, et que vous avez dû vous cacher au fond de la Bretagne pour votre sûreté personnelle ainsi que pour celle de nos confrères et pour pouvoir correspondre avec toutes les maisons de la congrégation. Je ne puis penser à tous ces désastres et ces horreurs sans que mon cœur en frémisse. Toute ma consolation est que la volonté de Dieu s'accomplisse, que le bon Dieu châtie la France de ses crimes et qu'après l'avoir châtiée il faut espérer qu'il lui fera miséricorde, et qu'après la pluie le beau temps, et qu'après la guerre la paix."

Le 25 septembre 1882, le F. Adrien Bertrand s'est éteint doucement au collège de Saint-Pierre à la Martinique, à l'âge de 63 ans, après avoir, pendant une vingtaine d'années, par une vie pieuse et régulière édifié les membres de la communauté, ainsi que les nombreuses personnes du dehors avec lesquelles le mettait en rapport son emploi de portier.

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