Mgr Paul BIÉCHY,
décédé à Strasbourg, le 8 juillet 1960,
à l'âge de 73 ans.


Paul Biéchy est né à Hattstat (Haut-Rhin), le 28 juin 1887. Il fait profession le 6 octobre 1908, est ordonné prêtre le 28 octobre 1912 et, à la Consécration à l’apostolat du 13 juillet 1913, il reçoit son obédience pour la Nigeria. Il embarque à Liverpool, le 15 octobre suivant, accompagné du P. Grandin, futur vicaire apostolique de l’Oubangui

Après un court séjour à Calabar, le P. Biéchy est désigné pour la nouvelle mission de Anwa : « Lorsque le provisoire fut fait, les PP. Treich et Biéchy furent chargé de l’évangélisation. Suivant le système adopté en Nigeria, on commença par l’école. C’est pour nous, en effet, le plus sûr moyen d’occuper la pays, les chefs donnant la place au premier arrivé. Le nombre des écoles ouvertes depuis 1914 jusqu’en 1917, est monté à 70. Ces écoles sont groupées en 9 centres principaux, possédant église, maison pour le Père, et un terrain suffisant pour subvenir aux frais de l’église et du Père. À la tête de chacun de ces centres est placé un maître catéchiste instituteur, ayant toujours près de lui quelques jeunes gens capables, le cas échéant, d’occuper une place vacante dans le groupement. Tous les mois une visite est faite dans chaque groupe. »
(BG, t. 29, p. 191-192). Nous ne donnerons pas d’autres détails sur cette période de la vie du P. Biéchy, bien qu’il y puisera toujours ses souvenirs de prédilection.

En 1930, il rentre en France : il est désigné comme maître des novices-frères et, à la fin de 1933, supérieur de la maison de Chevilly.

Le 16 juin 1934, il est nommé Visiteur des missions spiritaines de la côte occidentale d’Afrique. Parti le 9 octobre, il est encore en Afrique quand il apprend, au début de l’année 1936, qu’il devient vicaire apostolique de Brazzaville. Son sacre a lieu à Saverne, le 4 juin 1936. Il s’embarque à Bordeaux pour le Congo le 10 décembre 1936.

Succédant à deux grandes figures congolaises, Mgr Prosper Augouard et Mgr Firmin Guichard, Mgr Paul Biéchy arrivait à Brazzaville à une époque à laquelle un immense courant de foi orientait des milliers d'âmes vers le Christ. Nous étions à la veille des grandes fêtes qui, en 1938, devaient marquer le cinquantenaire de la fondation de la paroisse du Sacré-Cœur à Brazzaville. En cette circonstance, Mgr Biéchy eut la très grande joie de conférer le sacerdoce aux deux premiers prêtres de sa juridiction : MM. les abbés Eugène Kakou et Auguste Nkounkou. La joie de l'évêque fut doublée par la réception des vœux des deux premières Sœurs congolaises de Saint-Joseph de Cluny : Sœurs Madeleine et Thérèse.

Venu de l'une des régions les plus peuplées d'Afrique, le Nigeria, si riche de vitalité et d'esprit de foi, Mgr Biéchy comprit très vite que les missionnaires, écrasés par leur tâche apostolique, devaient se faire aider par un laïcat généreux et bien formé. Il développa l'œuvre des catéchistes, ces hommes dont la foi et l'humble dévouement permettaient de porter le message évangélique jusqu'aux points les plus reculés de son immense juridiction. Il fut l'homme des écoles qu'il suscita et contrôla souvent de ses visites sur l'ensemble de son diocèse. Il sut montrer à tous que l'apostolat n'était pas seulement l'affaire du prêtre, mais que tous les chrétiens devaient assistance aux missionnaires tant par la prière que par l'offrande du denier du culte.

En 1936, Brazzaville était bien la capitale de l'ancienne AÉF, mais elle était loin de l'ampleur et de la population dont elle s'enorgueillit aujourd'hui. Néanmoins, le développement des œuvres; des écoles et de l'apostolat tout entier fit bien vite comprendre à Mgr Biéchy qu'une décentralisation s'imposait. En 1937, il ouvrit la paroisse Saint-François qui procura aux chrétiens de Bacongo les bienfaits d'une église à proximité de leur agglomération. Peu après, la création de la paroisse de Sainte-Anne fut décidée et le P. Moysan fut désigné pour l'organiser, jusqu'à l'installation définitive, à Poto-Poto, en 1944.

Possédant à un rare degré le don d'initiative fondé sur un optimisme jamais en défaut, Mgr Biéchy eut la sagesse clairvoyante de prévoir l'expansion de notre cité et les besoins urgents qui se feraient bientôt sentir. Il sut prévoir tout un réseau de paroisses, pour doter la ville d'un équipement spirituel incomparable à cette époque dans toute l'Afrique d'expression française. Ses multiples démarches auprès d'une administration compréhensive lui permirent d'ériger, coup sur coup, après la guerre, les paroisses de Notre-Dame du Rosaire, à Bacongo, en 1949 ; de Sainte-Marie de Ouenzé, en 1950 ; du Saint-Esprit à Mongali et de Saint-Pierre Claver à Bacongo, en 1951. Sept paroisses pour Brazzaville, sans compter le secours apporté par les chapelles, comme celle des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny, de Saint-Pie X sur la colline du Djoué et Notre-Dame de Fatima, à Mpila.

Mais la sollicitude du grand évêque ne se limita pas à Brazzaville. Un gros effort devait être accompli surtout dans l'actuel diocèse de Fort-Rousset. La mission de Lékana fut ouverte en 1937, celle de Ouesso en 1940, puis Fort-Rousset et Kellé en 1949. Enfin la mission de Sainte-Radegonde sur l’Alima fut réouverte après 25 ans de mise en sommeil.

L'œuvre de prédilection de Mgr Biéchy fut celle des vocations sacerdotales. Inlassablement, il encouragea ses prêtres à découvrir les nombreuses vocations. Il donna donc le meilleur de son cœur de Père à la formation spirituelle et intellectuelle des petits séminaristes puis des jeunes lévites. Il dota son diocèse d'un petit séminaire qui, à l'époque de sa construction, en 1950, était sans doute l'un des plus beaux d'Afrique. Pour montrer son attachement à ce petit séminaire de Mbamou, il le confia à la protection de son grand patron, saint Paul.

Déjà, en 1947, il avait pourvu les juridictions de l'ancienne AÉF d'un grand séminaire régional, capable de recevoir tous les futurs prêtres venus du Congo, du Gabon et de l'Oubangui, doté aussi d'un corps professoral qualifié pour l'enseignement des sciences ecclésiastiques comme tous les grands séminaires de France.

A cette œuvre primordiale de la fondation d'une Église pour la formation de prêtres saints et instruits, il faut ajouter le souci de Mgr Biéchy de susciter de nombreuses et ferventes vocations religieuses. Toujours, il encouragea les l’œuvre des Frères africains et celle des Sœurs. Ses plus grandes joies furent certainement celles qu'il goûta dans les ordinations sacerdotales de ses jeunes prêtres et dans la profession religieuse des fils et des filles qu'il chérissait.

Que dire de son inlassable charité pendant la guerre 1939-1945 ? Il accepta la lourde charge d'être président général de la Croix-Rouge. A ce titre, il se dépensa sans compter pour rétablir de modestes mais fructueuses relations avec la Métropole dont nous étions séparés. A maintes reprises, il visita ceux que l'on appelait les internés et leur apporta comme à toutes les familles éprouvées le réconfort de sa paternelle sollicitude et de son généreux dévouement.

Ami personnel du Gouverneur général Félix Éboué, qui ne lui ménagea pas son bienveillant appui, Mgr Biéchy contribua largement à maintenir dans notre pays du Congo et même au-delà, un climat de confiance et d'espoir jusqu'à la libération de 1945. En récompense de ses nombreux services et de son inlassable dévouement, il reçut la Croix de la Légion d'honneur, dignité à laquelle s'ajouta, il y a quelques mois, une promotion méritée au grade de commandeur de l'Ordre du Congo parmi d'autres distinctions.

En 1954, il obtint de Rome d'être déchargé de ses fonctions d'évêque. Mais, comme il voulait donner ses dernières forces au Congo, il obtint du Supérieur général la permission de venir travailler encore dans une partie spécialement déshéritée du pays, à Dongou, sur l'Oubangui. Il y fonda une mission confiée à Sainte-Odile, patronne de l'Alsace, dont il était l'un des nobles fils. Rêvant toujours de conquêtes apostoliques, il se proposait de réaliser, en plein accord avec son évêque, Mgr Verhille, une annexe importante à Impfondo, amorce d'une future paroisse. Mais épuisé par tant de travaux, miné par un cancer qu'il ne soupçonnait pas et qui s'est généralisé en quelques jours. Mgr Biéchy dut se laisser rapatrier il y a quelques semaines.

Soigné à Strasbourg, avec tout le dévouement qu'il méritait, il a rendu sa belle âme à Dieu dans la paix du juste avec un complet abandon à la volonté de Dieu. -
Paul Fourmont - BPF, n° 109.

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