M. LOUIS BOUIC
Troisième Supérieur de la Congrégation et du Séminaire du St-Esprit.


1. - Développement du Séminaire.

M. Louis Bouic, né le 5 août 1684 au diocèse de St-Malo, était entré au Séminaire du St-Esprit comme élève le le dé­cembre 1709, c'est-à-dire plus de deux mois après la mort du. vénéré Fondateur (2 octobre 1709 ; mais comme il était déjà diacre lors de son arrivée, il aura pu recevoir la prêtrise peu après.

Les circonstances exceptionnelles de ce choix indiquent assez que M. Bouic devait être doué de qualités remarquables : c'était l'homme que la divine Providence envoyait pour continuer, organiser et perfectionner pendant 53 ans l'oeuvre que M. Poul­lart des Places et M. Garnier lui avaient léguée. Malheureuse­ment, nous n'avons pu trouver d'informations biographiques sur les premières années de ce prêtre, éminent, qui occupe une si grande place parmi les supérieurs de la Congrégation.

Homme de zèle, de prudence et de discernement, M. Bouic augmenta le nombre des séminaristes, en le portant à 80 et au delà. C'est aussi sous son administration que le nombre des membres de la Congrégation fut le plus considérable. Il n'ad­mettait cependant dans l'Institut que des ecclésiastiques dont il avait éprouvé la capacité, la piété et la constance. Parmi ses associés, les premiers dans l'ordre chronologique furent MM. Caris et Thomas. M. Caris mérite une mention spéciale : il rendit les plus grands services à l'établissement, soit comme premier assistant, soit comme procureur de la Communauté. C'était le bras droit de M. Bouie : on cite des traits de sa vie qui sont vraiment admirables.

Nous avons vu les relations intimes qui, dès le collège de Rennes, avaient existé entre Claude Poullart des Places et Louis-Marie Grignion de Montfort. Celui-ci s'était trouvé à Paris en 1703, pour l'aire entrer sa soeur Louise en religion. Il y rencontra M. des Places, qu'il n'avait pas revu depuis douze ans. Et comme il le pressait d'embrasser avec lui la vie apo­stolique : « Je servirai mieux votre oeuvre, lui répondit le zélé fondateur, en lui préparant de bons ouvriers. »

Cette parole, Grignion de Montfort se la rappela quand, décidé à exécuter un dessein qu'il avait depuis longtemps conçu, il voulut commencer la fondation d'une Société de Mis­sionnaires, qui devait être la « Compagnie de Marie »., Ou trou­ver des prêtres de bonne volonté?

En 1713, il part pour Paris, où il essaiera, dit un de ses bio­graphes, de s'associer avec les Missionnaires du St-Esprit (1).[1]

Son saint ami, Claude Poullart des Places, était mort depuis 3 ans. Il trouva M. Bouic à la tête de l'oeuvre, et comme on le connaissait de réputation, on le reçu avec une profonde et sympathique vénération.

Il était entré au séminaire pendant la récréation, écrit l'abbé Pauvert. Après avoir salué toute la communauté, il embrassa un séminariste qui était plus pauvrement vêtu que les autres. Et comme on lui demandait le motif de cette préférence pour un inconnu, il répondit que « les livrées de la pauvreté méritent le respect ».

Le missionnaire vendéen parla plusieurs fois à la commu­nauté réunie, particulièrement sur la divine Sagesse, sur le détachement, sur la dévotion à la Sainte Vierge. Il faisait vo­lontiers revenir ces sujets dans les récréations, et voulant un jour montrer aux jeunes gens la puissance de Marie pour la conversion des pêcheurs, il leur dit : « Jamais aucun pêcheur ne m'a résisté, quand j'ai pu lui mettre la main sur le collet avec mon rosaire. »

L'union des deux oeuvres, peut-être un instant rêvée, ne se fit pas. La Providence, sans doute, voulait laisser chacune d'elles se développer dans sa propre voie, avec sa physionomie particulière. Mais, par ailleurs, les fondateurs respectifs avaient des tempéraments bien différents : autant eu effet Grignion de Montfort est ardent, exalté et parfois étrange dans sa foi, autant Poullart des Places et surtout M. Bouic montrent de mesure, de calme réfléchi et de prudente réserve.

Le voyage du célèbre missionnaire ne fut cependant pas inutile. Il se fil entre les deux oeuvres comme une sorte d'al­liance, que Grignion de Montfort consacra en écrivant en tête de, sa Règle : « Il y a à Paris un Séminaire, c'est celui du St ­Esprit, où les jeunes ecclésiastiques qui ont vocation aux mis­sions de la Compagnie de Marie se disposent, par la science et la vertu, à y entrer. » Et pour perpétuer le souvenir de cette invitation permanente, il donna au Séminaire une statue de la Vierge, ouvrant son large manteau à 12 prêtres qui la regar­dent avec bonheur, en se félicitant d'être en sa « compagnie »,

Un moment, M. Caris lui-même, ébranlé, pensa se joindre à M. Grignion. Mais les grands services qu'il rendait au Séini­naire ne permirent pas à M. Bouie de le céder.

Toutefois, le premier compagnon du Bienheureux devait lui venir du St-Esprit : ce fut M. Adrien Vatel, du diocèse de Coutances. Déjà ce jeune prêtre, qui se destinait aux missions des Indes, était à La Rochelle et avait retenu sa place au ba­teau qui devait l'emmener, quand, apprenant que M. Grignion donnait une mission dans une église de la ville, il alla l'enten­dre et prendre congé de lui. Le serviteur de Dieu le conquit : Vatel s'attacha à son oeuvre, le suivit dans ses courses aposto­liques, et continua l'oeuvre des missions 30 ans après lui.

Il ne fut pas le seul : MM. Thomas, Hédan, Le Valois, d'au­tres encore, le suivirent, mais seulement après la mort du Bien­heureux (1716).

M. Le Valois était réglementaire. Pendant le séjour du ser­viteur de Dieu au Séminaire, un jour que les séminaristes l'entouraient, il leur demanda sur lequel d'entre eux il allait jeter son sort. Et les fixant l’un après l'autre, il ôta le chapeau du réglementaire, mit le sien à sa place, et dit : « C'est sur celui-ci. Il est bon, il m'appartient, et je l'aurai. » A l'instant même, M. Le Valois conçut la pensée ce le suivre à la fin de ses éludes. Et c'est ce qu'il fit (1).

Trois ans après son passage au Séminaire du St-Esprit, Louis­Marie Grignion de Montfort mourait en cours de missions le 28 avril 1716, à SI-Laurent-sur-Sèvre. Il n'avait que 43 ans.

Conformément au but de l’œuvre, les séminaristes ou jeunes prêtres du St-Esprit, à mesure qu'ils quittaient la maison, se consacraient ainsi aux ministères humbles et pénibles, dans les diocèses de France, dans les Sociétés religieuses ou aposto­liques, dans les missions étrangères. On en trouve beaucoup aux Indes, en Chine, au Canada, en Acadie, à St-Pierre et Mi­quelon, etc.

L’œuvre, en s'affermissant, restait fidèle à elle-même.

II - Approbation canonique et reconnaissance légale de l'Institut.

Cependant, l'Institut n'avait pas encore reçu, du moins d'une manière directe, formelle et explicite, l'approbation canonique, non plus que la reconnaissance légale. Il y avait 13 ans qu'il était supérieur, quand une circonstance imprévue vint offrir à M. Bouic l'occasion, qu'il sut mettre à propos, d'obtenir l'une et l'autre.

Le 6 septembre 1723, un ami de la maison, l'abbé Charles Le Bègue, prêtre habitué de la paroisse St-Médard, lui fit dans son testament un legs de 44.000 livres, à la charge d'assister les dimanches et fêtes en surplis aux offices de cette paroisse, et d'y célébrer en la chapelle de St-Fiacre un « annuel » perpé­tuel de messes.

Or, pour entrer en possession du legs, il fallait, conformément à l'édit promulgué en 1666 par Louis XIV, avoir non seulement des Lettres patentes conférant la reconnaissance légale, mais encore l'approbation de l'Ordinaire. M. Bouic et ses confrères firent aussitôt des démarches à cet effet, et, avec l'assistance du cardinal de Fleury et l'intervention bienveillante du prince Louis, due d'Orléans, fils du Régent, on obtint, en mai l726, les premières Lettres patentes, en même temps que l'approba­tion du cardinal de Noailles, archevêque de Paris. Les Lettres patentes obtenues, les prêtres du St-Esprit présentèrent une requête au Parlement de Paris pour en obtenir l'enregistre­ment. L'enquête de commodo et incommodo eut lieu le 26 juin 1726, et leur fut entièrement favorable. Mais, avant de procéder à l'entérinement des Lettres patentes, il fallait de nouveau le consentement, de l'Archevêque de Paris. Son Éminence voulut bien le donner, mais sous certaines conditions. Ces conditions êtaien restrictives et fort onéreuses ; cependant, on ne s'en préoccupa point pour le moment. Déjà, les Jansénistes étaient passés par là ; depuis lors, l'opposition qu'ils suscitèrent de tous côtés fut d'une persistance et d'un acharnement inouïs. Elle ne triompha jamais de l'énergie, de la constance et de la clairvoyance de M. Bouic.

Ce furent d'abord les héritiers Le Bègue, qui demandaient une déclaration établissant la nullité du legs et l'incapacité des légataires.

Ensuite l'Université fit sa requête d'opposition, parce que les Lettres patentes de 1726 portaient « qu'on ne pùt y prendre aucuns degrez, afin de retenir ceux qu'on y élève dans la vie obscure et cachée, et d'écarter d'eux ce qui pourrait être capable de leur donner du dégoust des employs ecclésiastiques les plus inférieurs ».

Les Prêtres du St-Esprit, se voyant assaillis à l'improviste par un nouvel et puissant adversaire, crurent devoir s'adres­ser au Roi lui-même pour le supplier d'écarter par son autorité d’interminables oppositions qu'ils rencontraient. Leur supplique fut agréée : Louis XV fit sa déclaration du 17 décembre 1726 qu'on appelle aussi les secondes Lettres patentes, par laquelles les oppositions sont regardées comme sans fondement légitime. Aussitôt, le 21 décembre 1726, M. Bouic présenta à la Cour une requête à l'effet qu'il fût ordonné que les secondes lettres patentes, contenant confirmation de celles du mois de mai, portant établissement de leur Communauté et Séminaire, ainsi que dérogation expresse à l'Édit de 1666 et aux disposi­lions y renfermées, pour la validation du legs, soient enre­gistrées pour être exécutées selon leur forme et teneur, sans avoir égard à l'opposition des héritiers ni à celle de l'Univer­sité de Paris, dont ils seront déboutés, que les conclusions pri­ses par eux leur soient adjugées, et les Lettres patentes exécutées.

En réponse, l'Université déclare, le 7 janvier 1727, qu'elle consentira, à l'enregistrement à deux conditions : 1° Que les élèves du St-Esprit seront tenus d'étudier dans l'Université ; 2°Qu'ils y jouiront, de la propriété de prendre des degrés ou de n'en prendre point. Ces conditions, dont le but était d'enlever les élèves à leurs directeurs naturels, furent jugées inadmissi­bles.

Le Jansénisme redoublait d'activité. Il trouva bientôt dans le Cardinal de Noailles et dans ses vicaires généraux un puissant renfort. En effet, malgré une lettre très humble et très sup­pliante de M. Bouic et de ses confrères, l'Archevêque, par une requête du 16 janvier li2i, manifeste la volonté d'être partie intervenante ; et, par une autre du 23, il s'oppose formellement a l'enregistrement des secondes Lettres patentes, parce qu'elles attribuent à l'oeuvre des « Pauvres Écoliers » un titre - celui de Séminaire - et des prérogatives qu'il ne peut admettre en qualité d'Archevêque.

Les Marguilliers de la paroisse St-Médard, à leur tour, se mettent de la partie: par une requête du 21 janvier 1727, ils for­ment opposition à l'enregistrement des Lettres patentes quant à la clause relative à l'assistance du personnel de Séminaire du St­ Esprit aux offices de cette paroisse. La requête des Marguilliers fut suivie, le 23, de deux autres, de la part du P. Nicolas Pom­mard, chanoine régulier, curé de St-Médard. Par la première, il adhère aux conclusions de la requête des Marguilliers ; par la seconde, il déclare qu'il n'entend point s'immiscer dans l'exécution du testament, mais que, d'un autre côté, il veut qu'il soit fait défense à la Communauté du St-Esprit de s'ingé­rer en quelque fonction que ce soit dans son église de St-Mé­dard.

M. Bouic avait donc à faire face aux efforts réunis des héri­tiers Le Bègue, de l'Université, de l'Archevêché, du curé et des Marguilliers de St-Médard, mais surtout des Jansénistes, qui menaient toute cette campagne. Toutefois, il ne se considéra pas comme vaincu. Il eut encore une fois recours au Roi pour avoir de nouvelles Lettres patentes ; seulement, pour calmer l'animosité des adversaires, on y omit les clauses concernaint le titre de Séminaire, les grades universitaires, l'assistance aux offices de la paroisse et le legs du défunt ; mais, par dérogation à l'Édit de 1666, Louis XV reconnaissait et approuvait la Com­munauté du St-Esprit comme institution publique et comme personne civile et, en cette qualité, la déclarait capable d'accep­ter des dons, legs, etc. Ces troisièmes Lettres patentes sont du mois de juillet 1727.

Nonobstant ces concessions, l'opposition ne désarma pas. Les menées des Jansénistes et les dispositions équivoques de l'entourage du Cardinal de Noailles mirent bientôt, en effet, les Prêtres du St-Esprit dans de nouvelles perplexités. Après avoir reçu communication de ces nouvelles Lettres patentes, les vicaires généraux posent d'autres conditions : 1° la Commu­nau té devra être placée sous l'entière juridiction de l'Archevêque; 2° les règlements et statuts seront dressés par ses ordres; 3° le supérieur, élu par ses confrères, ne pourra exercer aucune fonc­tion de sa charge avant que l'élection ait été confirmée par l'Ar­chevêque, et cette élection devra être triennale ; 4° le supérieur ne pourra admettre ou renvoyer les Séminaristes et même les as­sociés sans avoir pris préalablement l'avis des confrères et sans avoir obtenu le consentement de 1'Archevêché.

M. Bouic et ses confrères, non sans raison, trouvèrent ces conditions inacceptables : elles exposaient le Séminaire au danger de devenir « une pépinière d'hérétiques ».

Cependant, l'année suivante 1720 fut marquée par un évé­nement mémorable, dont M. Bouie ne pouvait manquer de profiter. Par un effet de la miséricorde divine, le cardinal de Noailles, rentré enfin en lui-même, fit noblement son entière soumission à Benoit XIII Sans doute, il se serait montré aussi plus bienveillant à l'égard du St-Esprit, si la mort n'était pas venue l'enlever presque immédiatement après la rétractation, si complète, si sincère et, si édifiante, qu'il fit lui-même porter à la connaissance de ses diocésains, par un mandement du 11octobre 1728. Il persévéra dans ses dispositions jusqu'à son décès qui eut lieu le 4 mai 1729.

Il eut pour successeur Mgr de Vintimille, qui, après avoir été successivement évêque de Marseille (1692) et archevêque d'Aix (1708), passa au siège de Paris le 12 mai 1729.

Il y apportait une sûreté de doctrine et une fermeté de caractère qui ne tardèrent pas à se manifester. En 1732, il fit fer­mer, au nom du Roi, le cimetière de St-Médard, dont les Jan­sénistes avaient fait le théâtre de scènes aussi extravagantes qu’inhumaines. Ce fut à cette occasion, on le sait, qu'on lit l'épigramme souvent citée :

De par le Roy défense à Dieu
De faire miracle en ce lieu


Quelque temps après, il publia contre les « Nouvelles ecclésiastiques », organe principal de la secte, un mandement plein de sagesse el de fermeté.

Tout, cela était propre à faire renaître chez les Prêtres du St-Esprit l'espoir de pouvoir reprendre avec plus de succès les négociations relatives à l'obtention de l'assentiment, archiépi­épiscopal requis pour l'enregistrement des Lettres patentes. Une consultation du jurisconsulte Adrien Maillard, ancien avocat du Parlement de Paris, avait conclu à la reprise de l'affaire dès le 1er, Juillet 1729. Mgr de Vintimille se fit rendre un compte exact de la question, fit, « acte de reprise » le 31 janvier 1730, et, par une requête du 16 février 1730, il donna son con­sentemeent à l'entérinement des premières et des secondes Lettres patentes. En conséquence, le Parlement prit à son tour un :arrêt du 22 janvier 1731 :

« Après avoir pris communication des dites Lettres patentes du mois de may mil sept cent vingt-six (1726) et les nouvelles du mois de décembre au dit an, et le consentement du dit Cardinal de Noailles, son prédécesseur (lI s'agit ici des preùières ­Lettres patentes), pour l'obtention et. l'enregistrement des dites Lettres », il consentait qu'elles fussent « enregistrées partout où besoin serait, pour être exécutées selon leur forme et teneur et que la dite Communauté servît de Séminaire aux « Pauvres Étudiants » qui y seraient élevez, à condition néan­moins que la dite Communauté et ceux qui la composeraient seraient toujours sous la juridiction immédiate et l'entière cor­rection, visitation et dépendance des Archevêques de Paris; que la Communauté serait gouvernée selon les Statuts des Règle­ments qui seraient incessamment dressés par les Supérieur et directeurs d'icelle, pour être ensuite présentés au dit Sr Arche­vêque de Paris, afin de les examiner et approuver, si faire se devait, et que la dite Communauté serait sous la direction de lui et de ses Vicaires généraux, ou de telle autre personne qu'il aurait commise à cet effet, par lui et ses successeurs Archevê­ques de Paris ; que le Supérieur de la dite Communauté nou­vellement élu ne pourrait faire aucune fonction de cette charge ni être reconnu en cette qualité, qu'il n'ait été agréé par le dit Sr Archevêque, et qu'il n'ait obtenu de lui ou de ses successeurs des lettres de confirmation, qui seraient expédiées gratuite­ment, qu'on ne recevrait enfin dans la dite Communauté que les « Pauvres Étudiants » qui seraient hors d'état de payer même une pension modique dans les autres séminaires. »

Cet arrêt reproduit en partie la requête du Cardinal de Noail­les (5 juillet 1726) -, mais son exposé diffère de celle-ci ainsi que des conditions posées par le Conseil archiépiscopal après que M. Bouic avait obtenu, le 17 juillet 1827, les troisièmes Lettres patentes. En effet, Mgr de Vintimille n'exigeait plus que la Communauté du St-Esprit fût dirigée selon des règles imposées par l'Archevêché, et surtout il ne contestait plus au Supérieur le droit d'admettre ou de renvoyer, selon qu'il le jugerait à propos avec son Conseil, soit les séminaristes, soit les associés, sans avoir besoin du consentement de l'Arche­vêque.

Dès lors, M. Bouic et ses confrères crurent pouvoir accepter les conditions indiquées (21 juillet 1730). Rassurés de ce côté, ils cherchèrent un accommodement avec les autres opposants. Le 29 mars 1730, ils avaient humblement prié l'Université de se désister, et, le 17 avril suivant, ils avaient demandé main­levée de l'opposition formée par elle. Cette requête eut le résultat que l'on attendait, et, le, 10 mai, l'Université prit acte de désistement : « Ce considéré, Nos Seigneurs (du Parlement), il vous plaise donner acte aux sus dits de ce qu'ils n'empêchent point l'enregistrement des dites Lettres patentes suivant les mises et conditions portées par la susdite Requête, ny l'éta­blissement du dit Séminaire, sur le même pied sur lequel sont les autres séminaires de la ville de Paris,'en ce qui concerne les studes et degrez académiques,, et vous ferez bien. »

Il restait à obtenir enfin le désistement des héritiers Le Bègue, ainsi que celui du curé et des Marguilliers de St-Médard. Quant aux héritiers, M. Bouic remit l'affaire du legs à l'examen et à la décision arbitrale de l'Archevêque, du Procureur général et de la Cour du Parlement. Pour ce qui regarde le curé et les marguilliers, M. Bouie déclara simplement que, dans le cas où il plairait à la cour de lui appliquer le legs, il n'entendait faire aucune fonction ni assistance dans l'église St-Médard sans l'autorisation du curé.

Voici maintenant la décision prise par le Parlement, du consentement de l'Archevêque : le legs fut adjugé aux héri­tiers Le Bègue, la Communauté du St-Esprit condamnée aux dépens ; mais, par contre, - et c'était l'essentiel - la Cour déclara que rien ne s'opposait plus à l'enregistrement des premières et secondes Lettres patentes. D'un autre côté, le juge­ment imposait aux héritiers l'obligation de verser, à la fabrique de la paroisse, la somme de 16,000 francs, en princi­pe, pour le fonds d'un « annuel » qui sera célébré aux inten­tions du défunt en la chapelle de St-Fiacre. Enfin, l'enregistrement eut lieu au Parlement le 29 mars 1731.

Ce n'était pas fini : il restait encore à obtenir l'enregistre­ment en la Chambre des Comptes.

À cet effet, M. Bouie y présenta les Lettres patentes avec sa requête, ayant pour objet leur entérinement (27 novembre 1732). Conformément aux formalités requises en pareille circonstances, communication de cette requête est donnée à l’archevêque de Paris et aux ayants droit. Mgr de Vintimille renouvelle, le 29 novembre, son consentement tel qu'il l'avait donné le 16 février 1730. Puis la Chambre ordonne, le décembre 1732, une enquête de commodo et incommodo.

Cette enquête eut lieu, cette fois, dans la maison qui venait d’être achetée, rue des Postes, 26 ; comme les précédentes, elle fut favorable au St-Esprit. L'affaire de l'enregistrement la Chambre des Comptes semblait donc toucher à son terme ; mais il fallait toutefois lever encore deux obstacles. Ce fut d'abord la surannation des Lettres patentes : les pre­mières sont du mois de mai 1726,et, les secondes du 17 décembre de la même année. Or, on était alors au commencement de 1733. Comme elles n'avaient pu être présentées à la Chambre dans l'année de leur date, elles étaient « surannées », caduques et sans force. Pour y porter remède, il fallait obtenir du Roi des Lettres « de Relief de surannation » : ce qui fut accordé et expédié le 14 avril 1733.

Le second obstacle provenait de ce que, par arrêt du 21 août 1733., la Chambre des Comptes, plus exigeante que le Parle­ment, posa comme condition d'enregistrement la présentation des Statuts et Règlements approuvés par l'Archevêque de Paris. Or, on n'avait, encore pour Règles que celles rédigées en français, d'après lesquelles était dirigé le Séminaire depuis le temps de M. des Places, et qui n'avaient pas été explicitement approuvées par l'Archevêque. Les développements de ]'oeuvre du St-Esprit et les changements de circonstances semblaient demander la rédaction de nouvelles Règles, basées sur celles du pieux et vénéré Fondateur. M. Bouic, avec l'aide des Pères Jésuites, rédigea alors les Règles latines. Dès qu'elles furent écrites, et après avoir été révisées par plusieurs personnes de vertu , de sagesse et d'expérience, on en fit la présentation à Mgr de Vintimille.

Grâce à l'intervention bienveillante du Cardinal Fleury et à celle de Mgr Languet de Gergy, archevêque de Sens, Mgr de Vintimille se rendit aux vœux des Prêtres du Saint-Esprit, et, le 2 Janvier 1734, il donna son approbation en ces termes : « Has igitur Regulas et consttfutiones, mature ponderatas, dignas judicavinius, quae auctoritate nostra firmenfur », etc.

Enfin, par son arrêt du 30 juillet 1734, la Chambre des Comptes ordonna l'enregistrement des Lettres patentes du mois de mai et du 17 décembre 1726. L'arrêt se termine ainsi : « Fait le trentième jour de juillet mil sept cent trene-quatre, ayant été, suivant le di[ arrest, les Statuts et Règlements et les États ci-dessus mentionnés, retenus et mis au greffe de la Chambre le dit jour et an. »

Ainsi se terminait, enfin, par la double approbation, cano­nique et légale, de l'Oeuvre de M. des Places, la 'lutte que son vaillant successeur, M. Bouic,avait dû soutenir contre tous les pouvoirs réunis, - excepté le Pouvoir royal : elle avait duré 11 ans, de 1723 à 1734.

III. - Les Règles.

Le 8 mars 1734, les Associés, qui n'étaient encore qu'au nombrebre de 5, s'étaient assemblés pour lire en commun les nouvelles Règles et s'étaient engagés à les observer fidèlement. Le procès-verbal de cette réunion est signé de MM. L. Bouic, P. Caris, P. Thomas, Michel David et Nicolas Foisset.

Les Règles approuvées le 2 janvier 1734 par Mgr de Vinti­mille, archevêque de Paris, se composent de 10 chapitres, qui se subdivisent, à leur tour, en plus ou moins d'articles.

Le chapitre ler fait connaître le titre et le vocable de la so­dalité, sa dépendance de 1'autorité archiépiscopale de Paris, et sa fin spéciale, qui est l'éducation cléricale de jeunes gens pauvres, destinés aux postes les moins recherchés, à l'évangé­lisation des, pauvres, aux missions infidèles. A cette époque, on n'avait, en vue, en effet, que ce seul objet : et c'est, pour­quoi on se bornait à ne recevoir dans la Société que les membres nécessaires à la direction du Séminaire du St-Esprit. Mais bientôt, il fallut accepter le Séminaire de Meaux et, après, celui de Verdun. Puis, entraînés par les circonstances, sollicités par l'État comme par le St-Siège, et suivant l'évolution providentielle que Dieu voulait leur donner, les « Prêtres du St-Esprit », sous l'administration de M. Becquet, prirent eux-mêmes aux Missions coloniales, avec leurs élèves, une part1, qui deviendra par la suite de plus en plus importante et finira par être, au xixe siècle, leur but véritable : but consacré, du reste, par les Règles, qui seront alors révisées et approuvées par le St-Siège (1855).

Le chapitre II donne les règles communes à tous les membres. Sans s'y obliger expressément par voeu, les Associés pra­tiquent, la pauvreté, la chasteté et l'obéissance, avec l'oraison mentale et vocale, les examens de conscience, les retraites ; ils reçoivent, fréquemment les sacrements et observent la modestie , le silence, la régularité, etc. On ne doit s'occuper d’œuvres étrangères à l'éducation cléricale qu'exceptionnelle­ment et avec une permission spéciale du supérieur. On n'accepte pas d'invitations à des repas, et on n'en fera pas sans la permission de qui de droit. Ce chapitre recommande, en outre, le respect, l'obéissance filiale à l'égard du Souverain Pontife et de l'Archevêque de Paris. On priera pour eux ainsi que pour le Roi et la famille royale et les principaux administrateurs du royaume.

Le chapitre III contient les règles pour l'admission ou le renvoi des aspirants. Les conditions d'admission sont les suivantes : deux ans de probation, avis des associés, pluralité des, voix des consulteurs, contrat civil.

Le chapitre IV a pour objet les règles des élections. Pour être électeur, il faut être prêtre, avoir au moins 30 ans d'âge et 8 ans d'association. Les électeurs désignent par leurs suffrages les six conseillers. Ceux-ci nomment ensuite le Supé­rieur et ses deux assistants. Toutes les élections se font par la voie du scrutin secret. Le Supérieur est nommé à vie, ou plutôt pour une période indéterminée. Avec le concours de ses deux assistants, il nomme les principaux fonctionnaires, con­trôle leur conduite ainsi que celle des autres membres, inter­prète la Règle, la fait observer, et traite les affaires courantes.

Le chapitre V expose quelles sont les autres attributions du Supérieur, et quel est l'esprit qui doit l'animer. Toutes les semaines, il réunira les conseillers pour prendre leur avis sur les affaires, - surtout lorsqu'il est question de matière grave - ou pour admettre des aspirants dans la Congrégation. Le Supérieur doit éviter les particularités dans sa conduite per­sonnelle et les innovations dans l'administration de la Société.

Le chapitre VI prescrit des règles au Préfet du Séminaire; celui-ci doit être un modèle de régularité et de piété ; dans l'accomplissement de ses devoirs, il unira la douceur à la fer­meté. Il est chargé de la discipline ; il visite les chambres matin et soir, surveille les exercices spirituels et les études, fait observer la modestie et la propreté. Il lui incombe, en outre, d'enseigner les rubriques et les cérémonies, comme aussi la manière de faire le catéchisme ou de débiter un sermon.

Puis viennent les règles des Professeurs. Ils, doivent éviter les nouveautés doctrinales, veiller au bon ordre de la classe, n'apporter à l'étude ni négligence ni passion. Ils seront bien­veillants envers tous, sans acception de personnes et sans familiarité.

Le Procureur a comme attributions de pourvoir aux besoins matériels de la Communauté. Il doit concilier l'esprit de pau­vreté avec la charité et les besoins des personnes, et s'appuyer plus sur la Providence que sur sa propre industrie pour trou­ver les ressources nécessaires et les moyens de subsistance. C’est à lui de visiter et de remercier les bienfaiteurs.

A son tour, l'Économe doit acheter ce qui est nécessaire, faire préparer les repas, avoir l'inventaire du mobilier, tenir un registre des recettes et des dépenses, surveiller les domes­tiques et porter son attention au bon ordre et à la propreté de la maison. Il rend compte au Supérieur et au Procureur de sa gestion. Son office est un exercice de charité, de vigilance, d'humilité, de douceur, de patience et d'édification.

Enfin, le chapitre X, intitulé Ordo diei, détermine le temps des divers exercices de la journée, le lever, l'oraison, la sainte Messe, les études, les classes, les repas, les récréations, etc.

Des annotations, faites à l'exemplaire en parchemin de ces Règles, conservé aux archives de la Congrégation, nous font connaître quel devait être l'emblème et le sceau de la Société : ,, Insignibus Mariae ornemur; sit nobis pro sigillo et stemmate imago Spiritus Sancti cum imagine aut saltem nomine B. Virginis »­ Talis erit Tutela domus. » Et un peu plus loin : « Sigillum Sodalitatis sit imago Spiritus Sancti et B. Virginis, cujus in parle anteriori majoris portae collocata imago cum hac inscrip­ lione : TUTELA DOMUS. » D'après ces textes, l'emblème de l'asso­ciation aurait donc été alors une blanche colombe planant à ailes déployées sur le monogramme de Marie. Le timbre, sceau, ou cachet devait porter, gravé en creux, cet emblème.

IV. - Les études du Séminaire.

Nous avons vu que, du temps de M. Poullart des Places, les élèves du Séminaire suivirent les cours du collège Louis-le­-Gîrand.

A quelle époque les Jésuites ont-ils cessé d'être leurs pro­fesseurs et leurs directeurs spirituels? Aucun document ne nous offre de renseignement à ce sujet; mais il semble assez pro­bable que ce fut vers 1731, quand le Séminaire fat transféré de la rue Neuve-Ste-Geneviève dans la rue des Postes. Tou­tefois, du temps où Mgr Pottier, le premier vicaire aposto­lique du Su-Tchuen, était au nombre des élèves du St-Esprit (octobre 1748-mai 1753), les « philosophes » se rendaient encore deux fois par jour chez les Jésuites pour y suivre les cours de philosophie, qui étaient de deux ans, et les classes de mathé­matiques et de physique. Le biographe du Prélat nous dit que le collège dont il s'agit est celui d'Harcourt (aujourd’hui Lycée St-Louis, boulevard St-Michel) [2]. Quoi qu'il en soit, il est certain que M. Guiot se trompe en disant dans son ouvrage que les Eudistes étaient les professeurs de Théologie au Sémi­naire du St-Esprit. Les Eudistes étaient bien, dans la rue des Postes, les voisins et amis des Prétres du St- Esprit, mais ils ne remplissaient jamais aucune fonction dans leur maison, et les séminaristes n'allaient pas non plus chez eux pour les cours de théologie.

On lit dans une des lettres de l'abbé Pottier, du le, avril 1749 : « Nous sommes quittes de nos examens de Pâques depuis vendredi dernier, et je m'en suis tiré le mieux que j'ai pu. Je crois avoir contenté mes examinateurs; car ils m'ont, dit que je n'avais qu'à continuer, à bien étudier et à m'exercer.

De 18 logiciens que nous sommes, il n'y en eut pas eu de ren­ voyé. Cela est consolant pour nous car il est visible que nous contentons nos Supérieurs - et pour notre répetitieur, qui voit sa semence fructifier... Tout le Séminaire a éte exa­miné ; il a fallu une semaine pour tout. La durée de l'épreuve pour chacun de nous a été d'une heure et demie. Nous voilà tranquilles jusqu'à la fia de l'année courante. Au commence­ment de la prochaine année, je ne puis vous dire si on me mettra en Théologie. M. le Supérieur n'accorde pas ordinaire­ment cette faveur à ceux qui ne savent pas la Physique,.. Depuis le carême jusqu'à la fin de l'année, les JésuiIes du col­lège d'Harcourt font des expériences deux fois par sernaîne. . »

V. - Les premières propriétés de la Congrégation.

L'oeuvre du St-Esprit et de l'Immaculée-Conception est donc désormais canoniquement constituée et investie de ses droits civils. Mais cela ne suffisait pas; il fallait encore que la situa­tion économique s'améliorât et fût en harmonie avec le progrès de son organisation et de ses développements. On vivait tou­jours d'aumônes et on n'avait pas encore de local en propre. Il est vrai, les Lettres patentes de 1726 l'autorisaient non seule­ment à accepter les legs et donations, - mais encore à faire l'acquisition d'un immeuble. « Permettons à la dite Commu­nauté d'acquérir une maison et emplacement qui lui sont nécessaires pour leur établissement, laquelle maison et empla­cement, clos et jardin en dépendant seulement, de notre même grâce et autorité, avons amorti et amortissons à perpétuité ,comme consacrés à Dieu, pour en jouir par la dite Communauté franchement et quittement, sans qu'elle soit tenue d'en vuider les mains, ny de nous payer et à nos successeurs Roys, aucune finance, de laquelle, à quelque somme qu'elle puisse monter, nous luy avons fait et faisons don et remise par les dites pré­sentes... ; permettons à la dite Communauté d'acce ter tous dons, legs et fondations jusqu'à concurrence de six mille livres de rente., »

1. – Immeuble de Gentilly-lès-Paris.

La première acquisition que fit la Communauté du St Esprit fut celle de la maison de campagne de Gentilly.

Ce bourg, le Genlilium ou Gentiliacuin des Romains, se divise en Grand et Petit-Gentilly. Vers la fin de 1729, il se trouvait à vendre, dans le Grand-Gentilly, un terrain, avec une maison et dépendances, traversé par la Bièvre. On en deman­dait 20.000 livres : on aurait là un gîte où, en cas de besoin, l'on pouvait se retirer; le jardin pouvait fournir à la Commu­nauté des légumes, des fruits, etc. ; enfin ce serait un délicieux rendez-vous pour les séminaristes et les directeurs, dans leurs promenades d'été.

Comme les Lettres patentes de 1726 n'avaient pu encore être enregistrées, la propriété fut achetée au nom de M. Pierre Caris, premier assistant et procureur de la Communauté, par contrat passé devant Me Vatry, notaire à Paris, le 19 novembre 1729, mais les associés, MM. L. Bouic., P. Thomas et Michel David, étaient reconnus et déclarés copropriétaires. La ven­deresse fut une dame Corican, veuve Chedeville.

Une circonstance importante à faire remarquer, c'est que, par l'acte de cette vente, il est constaté que le Séminaire du St-Esprit était encore installé, à cette époque, dans la maison louée rue Neuve-Ste-Geneviève. Plus tard, le 16 février 1740, fut achetée également par contrat une autre portion de terrain, adjacente à la première au Grand-Gentilly, composée de plusieurs corps de bâtiments avec un jardin et prés en dépendant, moyennant la somme de 9,000 livres ; mais cette fois l'acquisition est faite au nom de M. Nicolas Varlet, avocat au Parlement et ez conseils du Roy

2. - Immeuble de la rue des Postes, 26 (1).

Une acquisition bien plus utile encore et plus importante fut celle de l'immeuble de la rue des Postes. Cette fois, on a eut plus besoin d'intermédiaire, puisque l'achat de cet emplacement était autorisé par les Lettres patentes de mai 1726. M. Bouie put donc l’acquérir au nom et pour l'usage de la Congrégation et du Séminaire du SL-Esprit. Le contrat fut signé le 4 juin 1735 devant Me Doyen, notaire à Paris, par MM. L. Bouie, P. Caris, P. Thomas, Michel David et Nicolas Foisset, qui coimposaient alors le personnel de la Congrégation. Ce contrat est mentionné dans une des pièces de nos archives, dans les termes suivants : « En suite de la minute d'un contrat passé devant Me Doyen, qui en a la minute, et son confrère, notaires à Paris, le quatre juin mil sept cent trente et un (4 juin 1731), contenant vente par Sr Isaac-Jacques de Martinville, an nom et comme procureur des héritiers de M. Abel-Jean-Baptiste Guillard, chev­alier, seigneur d'Amoy, et de sa dame Marianne-Catherine Le 11;~guais, à la Communauté et Séminaire du St-Esprit, sous l’invocation de la Sainte Vierge conçue sans péché, de deux maisons sises en cette ville de Paris, faubourg St-Marcel, l’une rue des Postes et l'autre rue des Vignes, moyennant la somme 36,000 livres, déposées au dit Me Doyen, etc. »

Avant cette acquisition, l'emplacement avait été loué à des particuliers au prix annuel de 1,400 livres ; mais le bail devait , être à son terme, puisque l'on put en prendre possession presque immédiatement.

Voici quel était, d'après les experts et les architectes, l'état des bâtiments. A gauche, en entrant, on voyait le long de l'impasse des Vignes (aujourd’hui rue Rataud) des écuries, caves, remises et galetas. Un peu plus au sud, il y avait un appentis servant de lieux d'aisance, puis une basse-cour dans l'angle de laquelle s'élevait une maison couverte de tuiles et ayant vue sur la basse-cour et sur l'impasse, se composant d'un rez-de-chaussée et de deux étages. M. Bouic y établit l'infirmerie; mais l'appen­tis et ce dernier bâtiment étaient en si mauvais état qu'ils ne furent jugés bons par les architectes du Gouvernement qu'à être démolis.

Le long de la rue des Postes, se continuait en retour d'équerre le mur de clôture. Vers le milieu s'ouvrait une porte cochère, à gauche de laquelle se trouvait la loge du portier, petit bâti­ment n'ayant qu'un rez-de-chaussée. Il était en bon état et de construction récente.

En entrant on se trouvait dans une cour à la droite de laquelle s'élevait d'abord un bâtiment ayant pignon sur la rue des Postes. On montait aux divers étages par un escalier exté­rieur du côté du mur de clôture. Une chapelle provisoire y fut installée; l'on y arrivait, par l'escalier extérieur après avoir monté dix marches. A côté de la chapelle, il y avait une salle qui fut affectée à la bibliothèque. Au-dessus de la chapelle, des salles servirent soit pour les exercices soit pour les classes. Au mur de ce bâtiment était adossé du côté de la cour un ves­tibule et les parloirs.

Plus à l'intérieur, un autre édifice couvert de tuiles, contigu au premier, formait la maison principale.

Derrière ces deux maisons, le long du mur qui séparait l'em­placement de celui du Séminaire des Anglais (aujourd'hui no 9-8 de la rue Lhomond), il y avait un jardin planté en marronniers et, sur le devant, c'est-à-dire à l'est, un parterre de gazon avec plates-bandes au pourtour pour fleurs. Un escalier extérieur à deux rampes conduisait au premier étage de cette autre maison. Cet édifice avait un rez-de-chaussée communiquant de plain­pied avec le jardin, un étage carré et un second pris en partie dans les combles. Aux étages on pratiqua des corridors où abou­tissaient les cellules des séminaristes. Une des salles du rez­de-chaussée était employée comme réfectoire. Mais les murs, les planchers, les cloisons de ces deux maisons étaient tellement lézardés qu'ils menaçaient ruine.

Il y avait donc urgence de construire. Vers la fin de 1731, M. Bouic fit abattre, du côté de l'Impasse, les écuries et les remises. On découvrit une carrière au milieu du jardin. On en tira de beaux blocs de pierre calcaire et du sable. Les séminaristes se faisaient un plaisir, dans leurs temps de loisir, de pren­dre part aux travaux des ouvriers. Les constructions commen­cérent en 1731 et ne furent terminées qu'en 1734.

Sans la charité des bienfaiteurs, M. Bouic ne serait jamais arrivé à conduire à bonne fin cette entreprise. Parmi ces bien­faiteurs, il faut surtout nommer le cardinal de Fleury, ministre d’état; Mgr Languet de Gergy, archevêque de Sens, l'auteur de la Vie de la Bienheureuse Marguerite-Marie; l'abbé Manier, curé de Vézelay ; le prince d'Elbeuf ; le prince Louis, duc d'Orléans, fils du Régent; M. Rirauld, lieutenant général de la police, et M, Hirauld, etc.

De la correspondance avec ces différents personnages, nous ne pouvons citer que le fragment suivant d'une lettre de M. Bouic, où l'on peut constater ce que le Séminaire doit surtout an bon Cardinal de Fleury : « Il (le Séminaire) est déjà re­devabfe à Son Éminence de ses Lettres patentes qui sont enre­gistrées au Parlement et du local qui vient d'être acquis. Cette maison n'est pas suffisante pour loger le Séminaire qui est nombreux et composé de 80 séminaristes, tous pauvres : ce qui le distingue de tous les autres séminaires de Paris et même du royaume. Son Éminence a constamment honoré de sa pro­tection l'établissement, qui luy doit tout ce qu'il est. Elle a eu même la bonté de lui faire espérer des secours extraordinaires pour bâtir le Séminaire .Elle fera en cela une oeuvre digne de sa charité, de son zèle pour l'Église et de son amour pour les pauvres, et exécutera le dessein que Louis XIV, de glorieuse mémoire, aurait réalisé s'il avait vécu six mois de plus, en fondant luy-même les places (sans doute des bourses), etc. »

Il resiait encore à bâtir une chapelle, une salle d'exercices, mie salle de bibliothèque, des parloirs, et au moins une tren­taine de chambres pour le logement du personnel. Il ne fut pas donné à M. Bouic de faire ces autres constructions : mais au moins put-il encore faire bâtir sous le bas de la vieille chapelle, (du côté de la rue des Postes, un caveau destiné à recevoir les dépouilles mortelles des membres de la Congrégation. M. Bouic était alors très avancé en âge. C'est pourquoi son assistant, M. Becquet, fut délégué par Mgr de Beaumont, archevêque de Paris, pour bénir ce caveau (2l juin 1757). Cette bénédiction eut lieu le lendemain 22. Ce jour-là même, M. Caris y fut in­humé.

Jusqu'en 1759, on tirait probablement l'eau nécessaire à la cuisine, au réfectoire et autres usages de la maison, d'un puits mitoyen, garni d'une margelle et d'une poulie, établi dans la petite cour qui sépare la chapelle de l'ancien Séminaire des An­glais. A la suite des démarches faites par M. Bouic auprès du Prévôt des marchands, préposé à la distribution des eaux dans la capitale, le 9 août 1758, il obtint la concession gratuite de « six lignes d'eau en superficie, provenant des eaux d'Arcueil pour l'usage de la Communauté » ; mais les tuyaux de conduite et leur entretien étaient à la charge de la Communauté. L'année suivante, l'on construisit une citerne à environ 15 mètres de la maison n° 2 du cul-de-sac des Vignes. L'orifice de cette citerne fut garni d'une margelle basse, et, l'on y adapta un couvercle en chêne, ouvrant en une partie. Aujourd'hui cette citerne existe encore ; mais elle ne sert plus de réservoir d'eau ; elle est re­couverte de terre, et une allée circulaire la recouvre.

3. - Immeuble de Sarcelles.

En 1752, Mgr Pierre-Harmand Dosquel, ancien évêque de Québec, en témoignage des services qu'avaient rendus et ren­daient, encore, dans ce vaste diocèse, les prêtres provenant du Séminaire du St-Esprit, fit don à la Congrégation de sa mai­son de campagne sise à Sarcelles, à environ 4 lieues au nord de Paris. Les Lettres patentes obtenues au mois d'octobre 1761 autorisent la Congrégation à recevoir la donation, confirment à nouveau l'Institut et permettent d'accepter des legs et dona­tions jusqu'à concurrence de 4,000 livres de rente, en sus des 6,000 livres déjà autorisées par les Lettres patentes de 1726. Celles d'octobre 1761 furent enregistrées en cour de Parlement, le 6 avril 1769.

Cette propriété comprenait deux fiefs, celui. de Bertrandy et celui de lingot Encelin, relevant tous deux du Marquis d'Hautefort, Seigneur de Sarcelles, estimés ensemble à 57,000 li­vres.

Elle fut confisquée par la Révolution, le 18 août 1792. et ne fut par la suite ni restituée ni rachetée.

VI. - Séminaires confiés aux Prêtres du Saint-Esprit.

1. - Séminaire de Meaux.

Par une convention ou concordat du 10 avril 1737, l'excellent Cardinal de Bissy, évêque de Meaux, confia aux Prêtres de la Congrégation du St-Esprit la direction de son grand Séminaire ainsi que de son collège. Au collège, il y avait 20 boursiers qui constituaient comme une espèce de petit séminaire. Le 12 avril suivant, fut signé devant notaire cet acte, aux termes duquel les prêtres de la Congrégation étaient chargés de la formation cléricale des jeunes gens du Séminaire et de l'éducation des élèves du collège. Six directeurs devaient être logés, nourris, entretenus entièrement aux frais du Séminaire ; les livres de théologie et autres fournitures étaient à la charge du diocèse. Ils n'avaient donc aucune dépense à faire : aussi ne recevaient ­ils annuellement que 250 livres chacun, soit 1,500 livres les six.

Un acte authentique du 20 avril 1737 nous apprend que les premiers Prêtres du St-Esprit envoyés à Meaux par M. Bouie furent M. Michel David, supérieur, et M. Jacques Lars, procu­reur et directeur. C'étaient deux hommes de confiance qui y ont fait beaucoup de bien et y ont laissé les meilleurs souve­nirs.

M. David était du diocèse de Quimper. Entré au Séminaire du St-Esprit comme élève le 1er octobre 1716, il fut associé le 11 octobre 1723, et en 1737 il fut nommé supérieur da Sémi­naire de Meaux,

M. Lars, du diocèse de St-Pol-de-Léon (aujourd'hui faisant partie du diocèse de Quimper), était entré au Séminaire du StEsprit comme élève le 1er octobre 1729 et fut reçu au nom­bre des aspirants le jour de la Trinité 1733, puis associé le 1er juin 1738. Le 2 juillet 1754, il fat nommé conseiller, et, le 23 juillet 1758, 1er , assistant de M. Bouic, avec M. Becquet pour 2e assistant. Il mourut à Meaux le 6 novembre 1782, à l’âge de 76 ans.

C’est M. Tlomas Rupalet, du diocèse de St-Malo (aujourd'hui (Diocèse de Rennes), qui fut appelé à le remplacer. Entré comme au élève au St-Esprit à l'âge de 15 ans, le 1er octobre 1733, il fut admis comme aspirant le 3 octobre 1739, comme membre de de la congrégation le 1er octobre 1741, conseiller le 20juillet 1758, il remplaça M. Lars comme 1er assistant le 15 juillet 1783. C’était un bon theologien et un habile hébraïsant.

MM. David, Lars et Rupalet étaient des hommes très ver­tueux, fort désintéressés et doués d'aptitudes remarquables pour l'enseignement des sciences ecclésiastiques et l'éducation cléricale des jeunes gens. Sous leur administration, le sémi­naire et le collège de Meaux furent très prospères et produisi­rent, d'excellents fruits. Avec les seuls revenus de l'établisse­ment ils parvinrent à reconstruire à neuf les bâtiments dit séminaire et. ceux de la maison de campagne.

Lors de la suppression des Séminaires par la Révolution (18 août 1792,), MM. Rupalet, Boudot, Gondré, Fréchon., se ren­dirent à Paris auprès du Supérieur général, M. J.-M. Duflos; mais en 1793, M. Rupalet retourna à Meaux et y mourut pieu­sement, le 14 juin 1797, à l'àge de 79 ans. - M. de Glicourt était resté à Meaux; il fut même nommé supérieur du Sémi­naire par Mgr Barral ; mais il mourut le ler janvier 1807, à l'âge de 66 ans, avant d'avoir pu rouvrir la maison.

Le diocèse de Verdun était alors fortement contaminé par le Jansénisme. Mgr de Béthune (septembre 1680- août 1720) qui avait été l'un des « appelants », avait eu pour vicaire géné­ral Louis Habert, docteur en Sorbonne, et l'un des coryphées de la secte. Des communautés d'hommes et de femmes en avaient subi l’influence. Mgr d'Hallencourt de Drosmenil, qui, le 9-0 janvier 1721, succéda à Mgr de Béthune, voulut aussi, à l'exemple de l'évêque de Meaux, confier son séminaire aux Prê­tres du St-Esprit, connus par la pureté de leur doctrine. Avec l'assentiment de son conseil, M. Bouic accepta la proposition; en septembre 1737, il nomme M. Thomas supérieur de cet éta­blissement, et le charge d'aller en prendre possession, « en attendant que Mgr l'évêque de Verdun ait ratifié, par un con­trat, les clauses et conditions dont il est convenu ». M. F. Bec­quet lui est adjoint pour la direction des études théologiques.

Ils y remplaçaient les chanoines de Mattaincourit. Par leurs leçons et par les thèses qu'ils firent soutenir au séminaire devant le publie, comme aussi par leurs prédications, ils s'ef­forcèrent de purger le diocèse du venin janséniste. Ils prêtèrent en cela un concours utile aux Jésuites du collège de cette ville.

Mais les adhérents du Jansénisme firent aux nouveaux di­recteurs du séminaire une opposition violente et sans trêve. Bien que l'évêque se fût déclaré pour la Bulle Unigenitus, il nommait néanmoins à des fonctions importantes des prêtres imbus des principes de la secte. Ainsi, l'un des vicaires géné­raux, l'official, plusieurs curés et vicaires, même des supé­rieurs de religieux, notamment le P. Guérin, jacobin, attaqué­rent vivement les Prêtres du St-Esprit dans les Nouvelles ecclésiastiques (1)

Ces derniers et leurs amis ripostaient dans la Gazelle et le Supplément (les Nouvelles ecclésiastiques. La situation était donc assez tendue, lorsque les Jansénistes, loin de se contenter de ces violences, eurent recours à un moyen plus odieux encore. En mai 1741, ils firent clandestinement imprimer à Pont-à-Mousson deux libelles rédigés en un style violent et grossier : Lettres à M. Becquet, professeur ait Sémi­naire de Verdun, au sujet de la thèse qu'il a fait soutenir en avril 1740. Deuxième Lettre à M. Becquet, professeur ait Séminaire de Verdun, au sujet de la thèse qu'il a fait soutenir le 11 avril 1741 Cologne, 1741. Ces écrits, qui avaient pour auteurs des prêtres haut placés, furent condamnés par un Mandement de Mgr d'Hallencourt du 10 juillet 1741. L'affaire fut ensuite portée devant le tribunal de Pont-à-Mousson, où l'on découvrit que l'impression avait eu lieu, et une trentaine de personnes y furent condamnées à diverses peines; mais le Jan­sénisme avait des partisans influents au palais de justice, et il parvint à faire casser le jugement. Le procès fut alors repris a la Cour d'appel de Nancy ; un curé (2.) et les imprimeurs y furent condamnés à la prison et à diverses amendes. De plus, il fut ordonné par la Cour que le libelle serait « brûlé par l'exé­cuteur de la Haute-Justice au pied du grand degré du Palais de Nancy, avec les défenses ordinaires d'en retenir aucun exem­plaire à peine de 500 livres d'amende ». A Rome, le libelle fut mis à l’Index par un décret du 7 octo­bre 1746.

Cependant, le séminaire ayant dû être rebâti, les séminaris­tes furent dispersés, les uns chez les Jésuites de Verdun, les autres à Reims, d'autres à Langres. A la réouverture de l'éta­blissement, fatigués sans doute de la furieuse tempête qu'ils avaient occasionnée, les Prêtres du St-Esprit se retirèrent, sui­vis par l'estime et la reconnaissance de tous les vrais catholi­ques du diocèse.

VII. - Mort de M. Bouic.

Il y avait déjà plus d'un demi-siècle que M. L. Bouic tenait le gouvernail de la Congrégation et du Séminaire du St­ Esprit. Nécessairement, ses forces avaient grandement décliné sous le poids des années, et le 2 janvier 1763, mûr pour le Ciel, il rendit pieusement son âme à Dieu qu'il avait servi avec tant de fidélité, de sagesse et de constance.
Il était dans sa 79e année.

Pendant les 53 ans de son administration, il avait maintenu et organisé l'oeuvre que lui avaient léguée MM. Poullart des Places et Garnier, il avait gardé intact le dépôt de la pure doc­trine catholique dans son Séminaire et parmi ses associés, il avait dispersé ses élèves par toute la France, il avait accepté la direction de deux séminaires et victorieusement lutté contre le Jansénisme, mais surtout il avait donné à l'OEuvre du St Esprit et de l'Immaculée-Conception trois choses qui devaient assurer son avenir : un siège, une règle canoniquement approuvée, une existence légale...

Dans la Congrégation du St-Esprit, M. Bouic devra toujours être honoré comme l'un de ceux qui l'ont le mieux servie.

- M. Louis BOUIC, 1684 - 1768,
troisième Supérieur, en 1710.


Le P. Joseph Michel présente l'ambiance de l'année 1710 :

" A la mort du Fondateur en octobre 1709, JacquesHyacinthe Garnier prit la direction du séminaire. Il venait d'avoir 26 ans et n'était prêtre que depuis la Noël. La tâche s'annonçait rude pour le jeune supérieur déjà marqué par les privations. La disette n'était pas terminée, ; le 22 février 1710, le rapport de police sur le marché de la Place Maubert signalait "un murmure de populace" provoque par une nouvelle augmentation du prix du pain. Le nouveau supérieur mourut au début du mois de mars.

Les sept séminaristes les plus anciens se réunirent pour lui donner un successeur. Un seul d'entre eux, Louis Bouic, du diocèse de Saint-Malo, était déjà prêtre. C'est lui qui fut élu ; avec l'aide de Pierre Caris et de Pierre Thomas, il gouvernera le Séminaire et la Congrégation du SaintEsprit pendant plus d'un demi-siècle.

Au début de juin, le courrier de Bretragne apporta une nouvelle qui, une fois de plus, jeta les pauvres écoliers dans l'affliction : M. Le Barbier, qui, après avoir été comme leur frère aîné, ne les avait quittés qu'à contre coeur, avait été rappelé à Dieu le 22 mai 1710, à l'âge de 30 ans et huit mois, laissant la réputation d'un prêtre vertueux et capable".

Ainsi en quelques mois, Poullart des Places et ses deux premiers associés étaient morts victimes de l'hiver et de la disette, plus exactement, de leur dévouement et de leur abnégation. Comme le bon pasteur, ils avaient, à la lettre, sacrifié leur vie pour sauver celle de leur petit troupeau. "

M. Louis Bouïc naquit le 5 août 1684 dans l'ancien diocèse de Sait-Malo. Il commença ses études à Saint-Méen-le-Grand et les poursuivit à Rennes au séminaire de l'abbé Bullier. Il était diacre quand il fut accueilli au séminaire du Saint-Esprit à Paris, le 11 décembre 1709, deux mois après la mort du vénéré fondateur.

A la mort de M. Garnier, second directeur, qui mourut après six mois de fonction, M. Bouïc devint le troisième directeur du séminaire, qu'il dirigea durant 53 ans ; il mérita le titre de second fondateur de l'institut dont il fut l'organisateur, au point que les membres spiritains ou placistes furent appelés parfois de son nom les bouïcs.

Homme de zèle, de prudence et de discernement, M. Bouïc augmenta le nombre des séminaristes, en le portant à 80 et au-delà. C'est aussi sous son administration que le nombre des membres de la congrégation fut le plus considérable.

Il conserva les bonnes relations avec Louis-Marie Grignon de Montfort et sa société. L'union des deux oeuvres, peut-être un instant rêvée, ne se fit pas. La Providence, sans doute, voulait laisser chacune d'elles se développer dans sa propre vole, avec sa physionomie particulière. Mais, par ailleurs, les fondateurs respectifs avaient des tempéraments bien différents ; autant en effet Grignon de Montfort était ardent, exalté et parfois étrange dans sa foi, autant Poullart des Places et surtout M. Bouïc montraient de mesure, de calme réfléchi et de prudente réserve.

Cependant, l'Institut n'avait pas encore reçu, du moins manière directe, formelle et explicite, l'approbation canonique, non plus que la reconnaissance légale. il y avait 13 ans qu'il était supérieur, quand une circonstance imprévue vint offrir à M. Bouïc l,occasion, qu'il sut mettre à profit, d'obtenir l'une et l'autre. Mais ce fut une lutte contre tous les pouvoirs réunis, excepté le Pouvoir royal, qui, dura 11 années ; ce fut une sorte d'épopée infernale, contre la Sorbonne, les Jansénistes, le gallicanisme, le Parlement, la Chambre des comptes etc. dont MM. Bouic et Caris sortirent vainqueurs par les armes de la loyauté et de la simplicité. Ainsi le 30 juillet 1734, 1'OEuvre de M. des Places recevait la double approbation, canonique et légale. C'est cette reconnaissance royale qui permit à la Congrégation du Saint-Esprit d'être maintenue en France lors des luttes anticléricales de 1905.

C'est aussi M. Bouïc qui acheta l'immeuble de la rue des Postes (actuellement rue Lhomond) et y transféra le séminaire en 1735. En 1737, le cardinal de Bissy, évêque de Meaux, confia aux prêtres de la congrégation du Saint-Esprit la direction de son grand séminaire et de son collège. Cette convention fut honorée jusqu'à la suppression des séminaires par la Révolution le 18 août 1792.

A la même date, l'évêque de Verdun obtint aussi des prêtres du SaintEsprit pour la direction de son grand séminaire. Ils y restèrent une dizaine d'années malgré les attaques virulentes des Jansénistes.

Quant aux jeunes prêtres sortant du Saint-Esprit un bon nombre entrèrent dans la congrégation de Grignon de Montfort pour la France, tandis que d'autres étaient admis aux missions du Québec et de l'Extrême-Orient, où six d'entre eux furent élevés à l'épiscopat.

Le 2 janvier 1763, mûr pour le Ciel, M. Louis Bouïc rendit pieusement son âme à Dieu qu'il avait servi avec tant de fidélité, de sagesse et de constance. Il était dans sa 79e année. Dans la Congrégation du Saint-Esprit, M. Bouïc devra toujours être honoré comme l'un de ceux qui l'ont le mieux servi.

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[1] Abbë PAUVERT : Vie du Vén. L.-M. Grignion de Monfort - Paris et Poitiers, OUDIN, 1815.
[2] GUIOT (Léonide) : Vie et apostolat de Mgr Pottier, etc. Paris, Téqui, 1892.

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