Le Père Jean BRUYERE,
1859-1887.


Le P. Jean-Pierre Bruyère naquit le 5 décembre 1859, à Saint Amans Soult. Après avoir terminé ses classes au petit séminaire de Castres, il entra au grand séminaire d'Albi, où il fit sa philosophie et une partie de sa théologie.

Durant ses études, ayant conçu le projet de se consacrer aux missions, il s'en ouvrit à son directeur, ancien élève de Cellule, qui lui fit connaître la congrégation du Saint-Esprit. Entré au grand scolasticat en avril 1883, ordonné prêtre le 30 novembre 1884, il reçut son obédience au mois d'août 1885.

Désigné pour la nouvelle communauté du Para (Belem, au Brésil), il y remplit d'abord les fonctions de professeur, puis celles de surveillant. Le P. Bruyère avait emporté là-bas le germe d'une maladie de poitrine. On espérait que le changement de climat pourrait lui être favorable, mais Dieu permit qu'il en fut autrement, et le médecin déclara aussitôt qu'il y avait lieu de le rapatrier. Il revint donc en France le 21 avril 1887. Mais, hélas! le mal était déjà trop avancé, et il n'a pas tardé à mourir, au sein de sa famille, où, sur les instances pressantes de sa mère, on l'avait envoyé passer quelque temps.

En l'absence du curé, c'est le vicaire de la paroisse, M. l'abbé Rouquau, qui a assisté le défunt à ses derniers moments. Voici la lettre qu'il écrivit au T.R.Père, pour lui en faire part.

" Au commencement de la semaine, rien ne faisait encore prévoir le fatal dénouement, quand, le mardi 21 juin, après avoir pris un léger déjeuner, le Père sentit sa respiration s'embarrasser considerablement, et une sueur abondante le couvrit des pieds à la tête. "Je vais mourir, dit-il à sa mère, allez vite chercher M. l'abbé." J'accours en toute hâte, je le trouve assis sur son lit, respirant avec la plus grande peine. " C'est fini, me dit-il, je meurs... Donnez-moi une dernière absolution." Je l'absous en pleurant. Il demande ensuite à sa mère, à son père, à tout le monde de lui pardonner les fautes qu'il a pu commettre àleur égard.

" Après cela, je lui donne le sacrement des malades, et à chacune des onctions, malgré la violence de ses douleurs, on le voit demander pardon à Dieu avec un humilité touchante.

" La cérémonie terminée, il me prie, lui-même, de recevoir ses vœux perpétuels. Et les mains jointes, comme pour la sainte communion, il prononce devant tous la formule de vos saints engagements.

" Avant la nuit, je retournai le voir. Sa respiration était moins difficile, mais sa faiblesse était toujours très grande. "Vous souffrez encore beaucoup, lui dis-je ? - Oh! beaucoup ; il en coûte à l'âme de quitter le corps ! -Avez-vous demandé au Sacré-Cœur et à la sainte Vierge de vous guérir ? Seriez-vous content de guérir ? - Je suis content de faire la sainte volonté de Dieu."

" Dans la nuit, son oppression diminua, et le lendemain matin j'eus le bonheur de pouvoir lui donner le saint viatique. Puis, je le priai de me fixer le jour de sa prochaine communion. " C'est inutile, dit-il, demain je n'y serai plus, je communierai au ciel." Toute la matinée, la visite de son Dieu l'inonda de bonheur. Il aurait voulu ne plus être sur la terre. Comme sa mère insistait pour lui faire prendre un peu de bouillon, il se retourna vers elle, et d'un ton de voix angelique : "Maman, lui dit-il, à quoi bon, puisque je vais mourir ? Donnez-moi plutôt le crucifix et un peu d'eau bénite."

" Sa mère ne put retenir ses larmes. Son cousin, jeune prêtre, arrive un moment après, lui proposa de le veiller pendant la nuit avec sa mère. "Eh! bien oui, répondit-il, tu pourras assister à mes derniers moments." Ils dirent ensemble le chapelet, puis le jeune abbé dit au malade qu'il allait réciter le bréviaire à son intention. - Oui, réponditil. Pour moi, il y a longtemps que je n'ai pu le dire. "

A 11 heures et demie, il demanda à sa mère de lui réchauffer la main droite. Un instant après : "C'est assez, ajouta-t-il, je me sens mourir, allez prévenir les autres (parents)." En effet, un instant après, il rendait le dernier soupir, ayant conservé sa connaissance jusqu'à la fin. Nous lui fîmes de magnifiques funérailles. L'église était toute tendue de noir. Presque toutes les familles de la paroisse prirent part à cette touchante cérémonie. Onze prêtres l'accompagnèrent à sa dernière demeure, et plusieurs autres exprimèrent leur vif regret de ne pas pouvoir répondre à notre appel. Leurs lettres, d'ailleurs, sont pleine d'éloges pour le bien cher défunt, et, à elles seules, pourraient faire à sa mémoire, la plus belle oraison funèbre."
(lettre du 28 juin 1887)

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