Frère Théophane Paul Buchs
Frère Théophane,l'ami de tout le monde, 1912 -1978
(Extraits de la SEMAINE AFRICAINE du 9 avril 1978).


LES OBSÈQUES TRIOMPHALES.

" L'HOMME du peuple a rassemblé le peuple... " : c'est par ces mots que l'Abbé Louis Badila, vicaire capitulaire de Brazzaville, devait introduire son allocution lors des obsèques du Frère Théophane en la cathédrale du Sacré-Coeur, le samedi 1er avril.

Oui, du peuple il y en avait! Et de partout et de toutes les couches sociales: africains et européens, petites gens et grandes gens, représentant du gouvernement congolais et ambassadeur de France, pauvres et riches, bien portants et polios..., tout le monde était là pour un dernier adieu au Frère Théophane, parce que le Frère Théophane (M. Paul BUCHS pour l'état civil), avait été l'homme de tout le monde.

On avait eu la bonne idée de ne le mettre dans son cercueil qu'à l'ultime moment de la mise en terre: tout le monde a donc pu le voir, pendant la cérémonie, endormi dans son costume du dimanche, le seul costume qu'on ait trouvé dans la pauvre armoire de sa pauvre chambre, car il n'avait à lui que le strict nécessaire. L'argent qu'il demandait, les subventions qu'il touchait, tout allait aux autres: aux vieillards, aux polios... En vérité, ce fut un véritable congolais, devait dire l'Abbé Badila, car chez lui, tout était pour le peuple, rien que pour le peuple.

Parmi les hommes qui l'ont porté en terre, nous tenons à signaler que figuraient en bonne place des ouvriers de l'Imprimerie Saint-Paul dont il fut si longtemps le directeur. Ceux qui impriment ce journal ne sont pas prêts de l'oublier: par notre plume, ils lui rendent ce dernier hommage. NOTRE AMI THÊOPHANE.

Il est mort d'un seul coup. Comme Mgr Rhodain, le fondateur de la " Caritas Internationale ". Comme tous les géants de la Charité. Ils partent du coeur. Leur coeur n'en peut plus d'avoir trop aimé.

Il était arrivé en 1937. Pour imprimer. Un poème, l'imprimerie de cette époque! Un long boyau étroit et bas où Théophane vécut quarante ans et où il est mort. Sous la tôle, des machines dignes de Gutenberg; d'énormes volants rafistolés; de pesantes pédales de fonte terribles à manoeuvrer; des rouleaux de gélatine dégoulinant dans une chaleur d'étuve. Mais le petit inonde de Théophane faisait de la belle ouvrage et sortit même un périodique " Le Bon Message " , l'ancêtre de La Semaine Africaine.

Quelle équipe de Frères dans cette arrière-mission, à l'ombre du baobab! Théophane sur ses presses antiques; Quentin sur ses plateaux de bois de fer; Alexandre sur ses moteurs terrestres ou marins; Samuel avec sa fanfare; Hervé avec d'innombrables écoliers; Hyacinthe, ses maçons et ses jardiniers; Séverin et ses gâte-sauces. Ça criait un peu dans le coin, mais quelle formation et quelle conscience professionnelle données aux apprentis!

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