LE F. BRIEUC CADIN
DE LA PROVINCE DE France
décédé à N.-D. de Langonnet le 13 août 1907
(Not Biog III p. 128-128)


Au printemps de l'an 1904, nous fûmes spécialement éprouvés à N.-D. de Langonnet: en moins de deux mois, nous per­dions deux Pères, un scolastique mi­noré, et trois Frè­res, soit sept dé­cès du 13 février au11 avril – En avril, nous mon­tions cinq fois au cimetière. Or, en descendant de cet asile sacré, j'en­tendis un jour une voix vibrante cla­mer sous ma fenê­tre : « À l'automne prochain, ce sera mon tour. Oh! Je tomberai à la chute des feuilles... À la grâce de Dieu 1 » Cette voix m'était inconnue je regardai, et je vis un jeune Frère, venu de St-Ilan pou de temps auparavant, et que je connais­ sais à peine.

« Voilà, me dis-je, un langage bien précis; du reste il prend la chose gaiement; il est assez vraisemblable qu'il vaticine; il est si usé, si maigre ! encore verra-t-il la chute des feuilles ? »

Ce cher confrère était le F. Brieuc, que nous venons de perdre, environ trois ans après la date qu'il avait présagée. D'un courage, d'une énergie peu commune, il courait au jardin et au pare, aussi bien l'hiver que l'été, par le froid, la pluie, la brume, comme sous le soleil du printemps et de l'été : c'est peut-être parce qu'il s'écoutait si peu qu'il a survécu des années à l'époque où, selon les apparences, il devait succomber.

Yves-Louis Cadin naquit à Ploeuc, diocèse de St-Brieuc (Côtes-du-Nord), le 22 août 1873. A l'âge de 8 ans, Il arriva à la colonie agricole de St-Ilan, où il resta à peu près jusqu'à J'époque de son service militaire; il n'aurait rien gagné à être rendu plus tôt à sa triste famille. Sa mère habitait une des îles anglo­ normandes (Jersey, je crois) lors de sa libération de la colonie : il alla passer quelque temps avec elle avant d'entrer à la caserne.

Aussitôt son service militaire achevé, Yves Cadin sollicita son admission au noviciat des Frères à Chevilly. Le 8 septembre 1898, il y prenait l'habit religieux, sous le nom de F. Brieuc ; c'est à Chevilly également qu'il émit ses premiers voeux le 18 octobre de l'année suivante (1899). Placé à N.-D. de Langonnet, il n'y resta que 4 mois à peine (9 novembre 1899 - 5 mars 1900).

On avait besoin à St-Ilan d'une main ferme pour mater une section spécialement difficile; les supérieurs pensèrent que ce jeune homme de 26 ans, très énergique et qui connaissait par expérience les roueries de ces jeunes insubordonnés, arriverait à leur faire du bien Et en effet par la parole et par l'exemple, il utilisa leurs forces et les fit travailler, avec assez de succès ; mais il contracta lui-même les germes de la maladie qui devait le mener au tombeau en quelques années.

Envoyé à N.-D. de l'Annonciation de Miserghin, sur la fin de 1902 : il resta jusqu’à la dispersion, à peu près un an : puis il nous arriva au commencement de 1904. N'ayant qu'à se préparer à la 'mort, il sollicita et obtint la faveur de faire ses voeux perpétuels qu'il émit à N-D. -de Langonnet le 2 octobre 1904, à l'issue de la retraite prêchée par le P. Guérin.

Au commencement de juin 1907, les pieds du cher F. Brieuc s'étant enflés, il fut forcé de cesser ses courses au par et au jardin ; le 16 du même mois, il reçut les derniers sacrements, en toute paix du coeur et lucidité de l'esprit ; enfin le 12 août, il s'est tranquillement endormi de son dernier sommeil: il était âgé de trente-quatre ans.
Cyprien LE Douarin

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