P. JEAN-MARIE CADIO
Décédé à l’île Rodrigues le 30/04/1901
Bulletin Général de la Congrégation du St Esprit n° 21 p. 229


Né à Pleugriffet (Morbihan), le 17 février l858, de parents très chrétiens, Jean-Marie-Félicissime Cadio se fit remarquer de bonne heure par la douceur de son caractère et sa piété : vers l’âge de 12 ans, ses bonnes dispositions et ses succès au catéchisme ainsi qu'à l'école primaire portèrent l'un des vicaires de la paroisse il lui donner des leçons de latin, en vue de le faire entrer au séminaire, comme son frère aîné (M. l'abbé Eugéne Cadio, aujourd’hui recteur de St-Guyomard, au Diocèse de Vannes . lis avaient aussi un oncle prêtre, qui fut aumônier durant la guerre de 1870 .) Mais ces leçons étaient peu régulières, et le Jeune écolier finit par rester à la maison, pour aider son père dans les travaux de culture et l'office de sacristain .

Bon et serviable envers tout le mondes, édifiant sous tout rapport, il acquit bientôt une grande influence parmi les jeunes gens de la paroisse ; avec l'un de ses camarades, aujourd'hui maire de Pleugriffet, ils tenaient, a-t-on dit souvent, la jeunesse dans la main .

Son père étant tombé gravement malade, il fit pieds nus, aller et retour, le pèlerinage de Ste-Anne d'Auray (à 22 lieues), pour aller demander sa guérison à la grande patronne `de la Bretagne ; à son retour, il eut la joie de trouver le cher malade presque guéri .

A 21 ans, Jean-Marie Cadio dut partir pour la caserne . Pendant son année de service, accompli au 35e d'artillerie, à Vannes, il sut rester fidèle à ses obligations religieuses, en même temps qu'à ses devoirs militaires . Aussi rentra-t-il à Pleugriffet avec un excellent témoignage de ses chefs et les galons de brigadier . De retours à la maison paternelle, il se mit à travailler au jardinage ; et après quelque temps, il alla faire une année d'apprentissage à Rennes, sous là direction du F. Henri de la Congrégation de l’Immaculée Conception, auteur de plusieurs ouvrages sur la culture des jardins et célèbre dans toute la Bretagne par son habileté en cette matière . Il fut ensuite placé, comme jardinier, au petit séminaire de Chartres .

C'est là que l'attendait la divine Providence, pour lui ouvrir l'entrée du sanctuaire, L'économe de la maison, M. l'abbé Havard, remarquant ses pieuses dispositions, s'offrit à lui faire faire ses études . Le Jeune Cadio accepta avec reconnaissance ; malgré son âge déjà avancé, il se mit il à l'œuvre avec ardeur ; en trois ans, il acheva ses classes et passa au grand séminaire .

« Pendant les cinq année, disait-il ensuite, humblement, que j'aie passées au petit, puis au grand séminaire de Chartres, j'ai dû suivre les cours en tirant un peu de l'aile, et parfois avec assez de fatigue, mais pourtant sans trop de découragement ; et j'ai été admis â la tonsure et aux Ordres mineurs grâce à la bienveillance de mes maîtres ! » (Lettre du 16 février 1890.)

La vérité est que ses Supérieurs étaient très satisfaits de l'abbé Cadio et qu'ils le virent partir avec peine . Aussi, quand, sur son vif désir de se vouer à la vie apostolique et religieuse, il obtint son entrée dans la Congrégation, le digne évêque de Chartres lui déclara, en exprimant son regret de le perdre, qu'il lui laissait toute facilité de retourner dans le diocèse .

Admis au Grand Scolasticat de Chevilly le 28 août 1889, il était promu à la prêtrise le 28 octobre 1891, faisait sa profession le 15 août 1892, et recevait aussitôt son obédience pour le Bas-Niger .

Placé d'abord à Agouléri, il fut ensuite chargé, le 7 avril 1894, du nouvel établissement de Nsoubé, que venait de préparer le R. P. Joseph Luth, alors Préfet apostolique . En reconnaissance dés grâces qu'il avait revécues de la Vierge bénie, à laquelle il devait sa vocation, il obtint de consacrer cette station à N.-D. de Chartres . Elle était établie au milieu d'une population de plus de 5.000 païens, qui voyaient arriver avec joie les Missionnaires pour instruire leurs enfants et soigner leurs malades . Le bon P. Cadio se donna à eux de toute son âme, et cette œuvre, qui a eu les prémices de son apostolat, est toujours demeurée des plus chères à son cœur . Plein de. bonté, de zèle et de dévouement, il avait déjà opéré beaucoup de bien parmi ces pauvres Noirs, quand, 18 mois après, il se vit obligé de rentrer en France . Il était miné par les fièvres, et il avait aux jambes des plaies que l'on eut peine à guérir, et qui le condamnèrent à l'immobilité durant plusieurs mois .

Après sa guérison, il fut employé quelques temps au noviciat des Frères à Chevilly, puis deux ans à Epinal . Sa santé s'étant de nouveau fortifiée, il demanda à repartir en mission et fut envoyé à Maurice, où il arriva le 10 juin I898 .

Après quelques mois de ministère à la Montagne Longue, on le nomma supérieur à l’île Rodrigues . Là, son zèle se donna libre carrière . « Il n'y a qu'une voix, dit La Croix de Maurice, pour rendre hommage au bien qu'il y a fait (Dans son numéro du 23 juin l901, ce journal a consacré un bel article nécrologique a la mémoire du zélé missionnaire ). . —Le climat de cette île étant très salubre, on espérait, malgré ses anciennes fièvres du Niger, qu'il pourrait y travailler longtemps, quand un télégramme de Port-Louis, arrivé à la Maison-Mère le 18 juin, vint apporter cette triste nouvelle : « Cadio est mort » ... Les relations avec Rodrigues étant assez rares, on a dû attendre assez longtemps des détails . Enfin, trois mois après le décès, une lettre du P. Siméon, le compagnon de travaux du cher défunt, venait confirmer la funèbre dépêche, en ajoutant les renseignements suivants.

« Le bon P. Cadio, curé de Rodrigues, a succombé le 30 avril (1901) dernier, par suite d'un transport au cerveau . Deux jours avant, le dimanche 28 (avril 1901), nous avions l'adoration à St Gabriel . Il présida la procession du Saint-Sacrement . Le lundi soir, il se sent mal a l'aise ; je fais appeler le docteur qui ne voit d'abord rien de grave ; et, le lendemain matin, vers les six heures, il rendait son âme à Dieu ! ... J'ai pu cependant lui donner le saint Viatique et l'Extréme-Onction, qu'il a reçus en pleins connaissance, en suivant lui-même toutes les cérémonies . C’est un coup bien sensible pour moi . Ce cher Père était à mon égard un bon supérieur, et je ne pouvais qu'admirer en lui son esprit religieux et sacerdotal . Il repose, suivant son désir, en face de l'église, au pied de la grande croix . » (Lettre du 12 juin 1901.)

M. Colin, ancien magistrat de Rodrigues, ajoute dans une lettre au supérieur provincial, le R. P. Ditner :

« Je perds un bon ami de Rodrigues, un apôtre rempli de dévouement et de charité, toujours à l’œuvre, s'oubliant pour les autres . Le P. Cadio a fait un bien considérable à Rodrigues . Il avait le talent d'allier une grande fermeté à une grande douceur, surtout pour les malheureux . Je puis dire que, tout en se faisant aimer, il a su maintenir le prestige de la religion ... » (Lettre du l7 juin 1901.)

Le bon P. Cadio avait sans doute le pressentiment de sa mort prochaine . Six mois auparavant, il avait écrit ce petit testament spirituel, que l'on a trouvé parmi ses papiers .

« Au nom du Père, et du Fils, et du St-Esprit,
« Je soussigné, quoique indigne prêtre de la sainte Eglise catholique, apostolique et romaine, étant sain de corps et d'esprit, et voulant, avant de remettre mon âme entre les mains de non Créateur, le remercier de la faveur insigne qu'il m'a faite, en me retirant du bourbier pour ma placer parmi les princes de son peuple, je déclare que je désire vivre et mourir dans l’Eglise à laquelle j'ai le bonheur d'appartenir .
Je n'ai pas de biens temporels dont je puisse disposer, et je n'ai qu'une dernière faveur à demander à ceux qui auront le soin de ma dépouille mortelle, c'est que, si le bon Dieu m'appelait à Lui à Rodrigues, mon confrère ou les autres personnes charitables qui voudront bien me rendre les derniers devoirs, aient la bonté de me faire enterrer à la porte de l’église, sur le passage de tout le monde . En outre, quelque part que l'on place mon corps, je demande, pour l'amour de mon Créateur, de me placer dans mon cercueil la face tournée ­vers le fond de la bière .
Que Dieu me fasse miséricorde pour toutes les fautes de ma vie, et surtout de celles que j'ai pu commettre en remplissant mon ministère ! Que mes confrères et tous ceux qui m'ont connu me pardonnent toutes les peines que volontairement ou involontairement j'ai pu leur causer ! Qu’ils oublient mes fautes et pensent à prier Dieu pour le repos de mon âme !
Fait et signé de ma main le 16 octobre, jour de la fête de la Pureté de la Ste Vierge .
Jean-Marie CADIO, C.S.Sp. I. C. M.

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