R. P. Marcellin COLLIN
Décédé à la Maison-Mère, le Samedi 26 Mai 1904
Bulletin Général Tome n° 22, p. 606


né à Pontivy (Morbillan), diocèse de Vannes (56) ; premiers vœux à La Neuville, le 21/11/1842 ; vœux perpétuels à Paris, le 26/08/1855 ; diacre à Amiens, le 17/12/1842 ; prêtre à Amiens, le 05/02/1843 ; décédé à Paris, le 21/05, 1904, âgé de 86 ans, après 62 ans de profession . il a travaillé à Maurice du 15/04/au 04/04/1862

Le samedi 21 mai, veille de notre fête patronale de la Pentecôte, vers 3 heures et demie du matin, s'est éteint à la Maison-Mère le bon et Revérend P. Marcellin COLLIN, à l'âge de 86 ans moins deux mois, après 69 ans de vie de communautés dont 61 ans et 6 mois de profession .

Le P. Grizard s'est fait un devoir d'amorcer ce décès, par télégramme, à Mgr Le Roy, alors à Rome . Sa Grandeur lui a répondu aussitôt par la lettre suivante, qui rend bien nos sentiments à tous en cette douloureuse circonstance .

Rome, 21 mai l904
Cher Père,
Votre dépêche m'annonce la mort imprévue de notre cher et vénéré P. Collin .
Cette nouvelle causera dans toute la Congrégation l'impression profonde que je ressens moi-même . C'est le premier novice du Vénérable père qui s'en va ; et, en le perdant, il semble que nous perdions avec lui la part la plus importante qui nous restait de notre passé . C'est un sentiment d'émotion et de tristesse semblable à celui qu'on éprouve dans une famille à la disparition d'un ancêtre, et dont la présence nous était si naturelle qu'il paraissait devoir ne jamais nous quitter .

ll l'a fait, subitement, à la veille de notre grande fête patronale, la Pentecôte . Autour du Vénérable Père, dont il fut le disciple aimé, du P. Schwindenhammer, du P. Levavasseur, du P. Emonet, dont il est si longtemps resté le collaborateur infatigable, il trouvera tous les confrères qui l'ont devancé et qu'il avait connus .

Puissions-nous, nous qui restons, demeurer du moins fidèles à la ligne de conduite qu'il nous a tracée et ne pas laisser dépérir entre nos mains l’œuvre sainte qu'il nous lègue après l'avoir si vaillamment servie !
A vous et à tous bien affectueusement en Notre-Seigneur .
+ Alexandre Le Roy, Sup. gén.

Bulletin Général Tome n° 22, p. 698

« Ce cher et vénéré P. Collin, écrivait à la nouvelle de sa mort le R. P. Vanhaecke, était la personnification et comme l’expression de tout le passé de notre famille religieuse . Premier novice de La Neuville, il en a suivi durant sa longue carrière le développement et aussi les épreuves . » Ces quelques mots résument toute cette notice .

Premières années. Issy et la Trappe . — Né le 18 juillet 1818, à Pontivy (Morbihan), d'une famille honorable de commerçants, Marcellin-Victor-Paulin Collin fit ses études au lycée de cette ville, et y conquit, en 1838, le diplôme de bachelier ès lettres . Cet établissement avait dès lors une assez triste réputation au point de vue religieux . Le professeur de philosophie se déclarait ouvertement dans son cours contre l'existence de Dieu ; le scandale fut tel que les familles exigèrent son départ . Mais le bon Dieu a partout ses élus . Par une grâce spéciale du Ciel, le jeune Collin conserva dans son âme l'esprit de foi et de piété qu'il avait reçue au sein de sa famille ; et, peu après la fin de ses études, il prit même la résolution de se consacrer au service du Seigneur dans l'état ecclésiastique . Ses parents se décident alors à l'envoyer à St-Sulpice, à Paris, et il se rend à Issy, pour y faire une seconde année de philosophie .

Cette maison, où il arrivait en octobre 1839, était encore tout embaumée du souvenir de l`humble et pieux acolyte, converti du judaïsme, qui en avait renouvelé la ferveur . Le nouveau séminariste ne tarda pas à entrer dans les réunions de piété formées par M. Libermann . Mais bientôt, désireux d'assurer davantage encore sa sanctification, il conçut le dessein de rompre entièrement avec le monde ; et, suivant l’avis de son directeur, M. Pinault, il part en 1840 pour la Trappe de Mortagne . Il s'y trouvait très heureux, comme il l'a dit lui-même plusieurs fois, et il aurait voulu pouvoir y rester . Mais sa faible santé ne put se faire au jeûne austère des Trappistes . Après avoir essayé durant plusieurs mois, il revient donc à Issy, ou il est appelé à la Tonsure aux Quatre-Temps de la Trinité, d'après un dimissoire de l’Evêque de Vannes .

La Neuville .
— Déjà, cependant, tous ses vœux se portaient vers l'œuvre des Noirs, à laquelle il ne tarda pas à s'attacher . Voici ce qu'il raconte lui-même à ce sujet dans sa déposition au procès d'introduction de la Cause du Vénérable Père, en 1868 :

« J'ai connu personnellement le R. P. Libermann en 1839 à Issy . J'en avais déjà entendu parler, alors qu'il était, à Rennes, directeur du noviciat des Eudistes . Je faisais partie de la réunion des jeunes séminaristes qui, à St-Sulpice, voulaient se dévouer à la conversion des Noirs . Nous étions en correspondance avec le serviteur de Dieu, lui demandant ses conseils, et nous ne nous doutions nullement qu'un jour il s'associerait à nos projets .

« Bientôt après il vint à Paris, et je me joignis à lui pour jeter les fondements de sa nouvelle Congrégation . II alla dire la messe à N.-D. des Victoires avec ses nouveaux collaborateurs, et j'eus le bonheur de la lui servir — c'était le samedi 25 septembre 1841. - Cette messe dite pour attirer la bénédiction de Dieu sur l'œuvre naissante, nous partîmes pour la Neuville, le R. P. Libermann, le P. Levavasseur, le P. Tisserant et moi .

« Je suis resté à la Neuville, près du Serviteur de Dieu, depuis 1841 Jusqu'en 1843 ; à cette époque, je partis en mission, à Bourbon et à Maurice . Pendant cette absence, j'étais en correspondance avec le vénéré Père, que je ne devais plus revoir . »

Ce fut le 28 septembre 1841 que s'ouvrit le noviciat de la Neuville . Pas n'est besoin de dire avec quelle ferveur le fit le jeune aspirant sous la direction du Vénérable Père qui lui donnait tous ses soins . Aussi, sans attendre la fin de son temps de probation, demanda-t-il à faire d'une manière privée les trois vœux de religion, comme le permettait la Règle provisoire . II les émit, sous la protection de la Sainte Vierge, le 1° mai 1842, et, le 21 novembre suivant, il faisait publiquement, au pied des autels, sa consécration dans la nouvelle Société des missionnaires du St-Cœur de Marie .

Le matin de ce même jour, il avait reçu le sous-diaconat dans la chapelle des Sœurs des Sacrés-Cœurs de Louvencourt, à Amiens . A Noël il devenait diacre ; et, le 15 février 1843, il recevait la prêtrise dans la chapelle de St-Acheul, des mains de l’évêque du diocèse, Mgr Mioland - Tous ces ordres lui avaient été conférés d’après un dimissoire de Mgr Allen Collier, vicaire apostolique de l’île Maurice, qui avait bien voulu prendre sous sa protection l'œuvre naissante, en reconnaissance des services qu'elle s'offrait à lui rendre pour l'évangélisation des Noirs de son vicariat .

C’est à ce même titre que furent ordonnes tous les membres de la Société des missionnaires du St-Cœur de Marie jusqu'en 1847, où la nomination d'un vicaire apostolique choisi dans son sein pour la Mission des Deux-Guinées permit de les faire ordonner en son nom . -

En vouant sa vie à l’œuvre des Noirs, il voulut également lui consacrer tout ce qu'il pouvait posséder, et il se dépouilla généreusement en sa faveur de son patrimoine . II fut heureux, plus tard d'offrir aussi à Dieu dans notre Congrégation, l'un de ses neveux, le P. Jules Botrel, et deux de ses nièces dans celle des Sœurs de St-Joseph de Cluny .

Un autre de ses neveux, M. Collin, est entre dans la magistrature, il est actuellement premier président de la cour de Bastia . Précédemment conseiller à la cour de Riom, il avait avec nos Pères de Cellule de fréquentes relations .

Mission de Bourbon .
— La destination du P. Collin fut, dès sa consécration à l'apostolat, fixée pour l'île Bourbon . Le Vénérable Père écrivait au R. P. Levavasseur, en le lui annonçant, le 4 mars 1843 :

« Très cher frère, je vous envoie, au nom de Notre-Seigneur, M. Collin et M. Blanpin, pour être les compagnons de vos travaux apostoliques . Crescite et multiplicamini : c’est le plus grand désir de mon cœur ...

« Je nomme M. Collin votre premier assistant . C'est une bonne âme, bien simple . II est rempli de moyens, a beaucoup de piété et un zèle ardent, est très courageux et très constant . II a un bon jugement, beaucoup de fermeté ; et, s'il est fidèle à la grâce, beaucoup de douceur ... II est obéissant comme un enfant, plein de foi et de bons désirs . En agissant avec lui avec douceur, avec confiance et par l'affection du cœur, vous lui ferez du bien et vous prendrez tout à fait le dessus ... Du restes il a grande confiance en vous et est plein de joie d'aller travailler avec vous. »

Le nouveau missionnaire travailla, en effet, avec zèle et courage, comme on pourra le voir dans la vie du R. P. Frédéric Le Vavasseur qui, nous l'espérons, ne tardera pas à être publiée . Les Noirs, à cette époque, étaient encore esclaves et vivaient dans la plus grande ignorance de la religion . II fallait aller les trouver sur les habitations, les réunir, les catéchiser comme des enfants, les préparer au baptême, à la première communion. Le P. Collin se donna de tout cœur à cette œuvre d'abnégation, de patience et de dévouement .

Il avait, en outre, à un haut degré le secret d'amener les Blancs, non seulement à lui laisser la liberté voulue pour son ministère auprès de leurs travailleurs, mais encore à lui donner leur concours . Fort bien de sa personne, avenant, joyeux, spirituel, parfois même caustique, il était accueilli avec empressement par les familles blanches de la colonie, les Desbassayns, les de Villèle, les Jurien de La Gravière, etc. II en obtenait tout ce qu'il voulait pour ses chers Noirs ; et en peu de temps, l'on vit se multiplier les conversions et les baptêmes, les premières communions et les mariages chrétiens, surtout à la Rivière des Pluies, où se trouvait le centre de l'œuvre .

De son côté, le P. Laval, à Maurice, voyait devant lui une moisson de plus en plus abondante, et il ne cessait de demander du renfort pour la recueillir . En 1846, le R. P. Le Vavasseur lui envoya pour quelque temps le P. Collin, alors un peu fatigue ; puis, quand il revint en France, à la fin de 1850, appelé par le vénérable Père, il laissa à son assistant le soin de le remplacer dans la direction des Missions des Noirs dans les deux îles .

Le P. Collin avait souvent dit qu'il ne demandait à Dieu que huit ans de vie dans la Congrégation, dont cinq ans de Mission . Le Vénérable Père le plaisante à ce sujet plusieurs fois dans ses lettres, en lui recommandant cependant « de ne pas se tuer, quand ses cinq ans d'apostolat seront expirés, mais d'attendre en paix le jour fixé par Dieu pour son départ dans l'autre monde » . (Lettre du 30 juin 1847.) Ce jour était heureusement bien plus éloigné qu’on pouvait le penser .

Ploërmel et Gourin
— Quand, à la mort du Vénérable P. Libermann, le R. P. Schwindenhammer fut nommé Vicaire général de la Congrégation, il s'empressa d'appeler en France le P. Collin . Celui-ci devait d'ailleurs, comme supérieur provincial, participer à l'élection du nouveau supérieur général . II vint, accompagné du P. Thiersé, comme représentant des mêmes Missions, et de deux jeunes créoles de Bourbon, initiés par lui à la vie religieuse et devenus ensuite d'excellent Frères, le F. Jules, qui avait déjà fait sa profession entre ses mains, et le F. Adolphe, qu'il avait reçu comme novice . La traversée dura près de 120 jours et fut coupée, vers le Cap de Bonne-Espérance, par une affreuse tempête qui dura un jour et demi . Enfin les voyageurs purent arriver sains et saufs vers la fête de l'Assomption .

Au Chapitre du 2 octobre 1853, le R. P. Collin fut nommé membre du Conseil général de la Congrégation, mais il ne resta pas longtemps à la Maison-Mère . Peu avant son arrivée en France, on avait accepté, sur les instances du fondateur des Frères de l'instruction chrétienne, l'abbé Jean-Marie de La Mennais, la direction du collège établi par lui à Ploërmel, au diocèse de Vannes . On devait en même temps, selon la pensée da vénéré Supérieur, s'occuper du soin spirituel de ses Frères, dont un grand nombre travaillaient, à côté de nos missionnaires, à l'éducation de la jeunesse, au Sénégal et en d'autres colonies . Le R. P. Collin était tout naturellement désigné pour cette importante fonction ; et il partit peu après pour Ploërmel, avec les Pères désignés comme professeurs . La situation était assez difficile et délicate, vu les éléments hétérogènes qui se trouvaient réunis dans le même établissement ; et il pressentait bien qu'elle ne pourrait longtemps se continuer . Ce fut, en effet, ce qui arriva .

L'année suivante, M. l'abbé Maupied nous offrait son collège de Ste-Marie de Gourin, à l'autre extrémité du même diocèse de Vannes, au centre de la Bretagne ; on se décida à l'accepter, en abandonnant Ploërmel . On avait d'ailleurs la pensée de le transférer plus tard à l'antique abbaye de N.-D. de Langonnet, en poursuivant les négociations déjà commencées dans ce but par M. Maupied . Le R. P. Collin passa alors, comme supérieur, de Ploërmel à Gourin, en octobre 1854 . La position n'était pas non plus sans épines et sans difficultés . II y avait à ménager M. Maupied, dont la présence était encore pour quelque temps nécessaire à l’œuvre . Puis tout était d'une extrême pauvreté, régime alimentaire, comme installation matérielle . II accepta ces privations avec générosité en ancien novice de la Trappe ; crêpes de blé noir et lait caillé faisaient d'ailleurs son régal . Il demeura supérieur de cet établissement jusqu'à la fin de 1856, où le R. P. Le Vavasseur alla le remplacer pour préparer le transfert de Gourin à Langonnet, et présider à l'installation de la nouvelle communauté . Alors il fut appelé à Paris, pour y prendre, à la place de celui-ci, la charge de directeur du Séminaire des Colonies .

Visite à Maurice . Langonnet .
— Cependant la santé du vénéré P Laval, alors supérieur des Missions de Maurice et de Bourbon, s'affaiblissait de plus en plus, par suite de ses travaux excessifs ; et il priait avec instances la Maison-Mère de lui donner un successeur . Pour le remplacer à la tête de ces Missions, nul ne pouvait mieux convenir que le R. P. Collin, qui leur avait déjà consacré les dix premières années de sa vie apostolique . II y fut d'abord envoyé comme visiteur, le 15 avril 1859, avec la mission spéciale d'y établir toutes choses conformément aux Règles et aux Constitutions . II s'acquitta de cette tâche avec autant de prudence que de zèle, à la grande satisfaction de tous, surtout du bon P. Laval, qui fut heureux d'émettre publiquement les vœux perpétuels entre ses mains . Puis, afin de consolider son œuvre, il resta comme Provincial à Maurice, jusqu'en 1862, où il fut remplacé par le P. Thevaux .

Rentré à la Maison-Mère le 6 mai de cette année (1862), il y demeura quelque temps pour se reposer ; puis, au mois de mars 1863, il reçut une seconde fois sa destination pour la Bretagne et fut installé supérieur de la communauté de N.-D. de Langonnet . Cette maison avait alors une importance toute spéciale par les œuvres diverses du collège, du petit scolasticat et du noviciat des Frères, qui s'y trouvaient réunies, et celle de la colonie pénitentiaire de St-Michel qui en dépendait . II fallait une main douce et ferme à la fois pour ménager et concilier tous les intérêts . Le nouveau supérieur sut, par sa prudence et sa modération, répondre aux vœux de tous .

Fonctions à la Maison-Mère .
— Lors de son envoi comme Provincial à Maurice en 1859, le R. P. Collin avait dû être remplacé comme Consulteur général . La mort du P. Warnet, en 1864, laissant un vide au Conseil, il fut choisi pour l’occuper, à l'unanimité des voix . II ne pouvait, par suite, demeurer éloigné de la Maison-Mère . L'année suivante, il fut nommé supérieur de la maison du St-Cœur de Marie, à Chevilly, et chargé en même temps de la direction du noviciat central des Frères .

Il continuait paisiblement ces fonctions, quand survint la triste guerre de 1870-71 . Bientôt, devant le flot envahissant des armées allemandes, il fallut précipitamment abandonner Chevilly . Le R. P. Collin fut alors chargé de la direction des Pères et Frères renfermés à Paris durant le siège . II accepta généreusement cette pénible mission, et soutint par son exemple le courage de tous, au milieu des dures privations et des dangers que l'on eut à subir lors du bombardement de la capitale . II ne manquait pas d'écrire au T. R. Père Général, alors à Langonnet, par toutes les occasions qui pouvaient se rencontrer . C'est ainsi qu'on a de lui aux archives 17 lettres écrites sur papier pelure et expédiées de Paris par ballons . Rien de plus intéressant que ces lettres, qui, malgré de cruelles épreuves, respirent toujours la confiance et l'abandon à Dieu .

Enfin la paix fut conclue et le siège de Paris levé . Le R. P. Collin put prendre alors quelques mois de repos bien mérité . Puis, au mois d'août 1871, il fut attaché, comme secrétaire des correspondances, à l'administration générale de la Maison-Mère, et chargé spécialement des correspondances avec les Missions et les colonies . Quoique un peu lent dans ce travail, dont il n'avait pas l'habitude, il y apportait un grand soin, relevait exactement tous les points des lettres qui lui étaient confiées et, après s'être entendu avec le T. R. P. Général répondait à tout d'une manière claire et précise, en agrémentant parfois ses réponses de quelques mots spirituels à sa façon, pour mieux faire passer ce qu'il avait à écrire . Aussi, tous les supérieurs avec lesquels il avait à correspondre étaient-ils heureux de se trouver en rapports avec lui . D'un jugement droit et sûr, d'un esprit positif et modéré, joignant à la prudence une grande expérience des personnes et des choses, ses avis avaient auprès de tous un grand poids .

En 1875, eut lieu le Chapitre général . Après l'examen des Constitutions, on procéda au scrutin de vote au sujet des Assistants et Consulteurs nommés par le Conseil depuis l'assemblée élective de 1853 . Le R. P. Collin fut alors élu second Assistant . C'était une marque de confiance et de respectueuse estime que l'on avait tenu à donner au vétéran de la Neuville .

Six ans après, en 1881, le Chapitre se réunissait de nouveau, à la suite de la mort du T. R. P. Schwindenhammer. Le R. P. Collin fut nommé premier Assistant du T. R. P. Le Vavasseur élu supérieur général ; et l'année suivante, après la mort de celui-ci il fut confirmé dans cette même charge auprès de son successeur, le T. R. P. Emonet . Depuis 1881, il était en même temps supérieur local de la Maison-Mère, et continuait à s'occuper des correspondances, autant que sa santé le lui permettait . A son premier séjour à Paris, en 1857, il avait été chargé des confessions ordinaires des Sœurs de l’Immaculée-Conception ; il reprit alors ce ministère .

Religieux exemplaire, le bon P. Collin s'attachait avant tout, comme supérieur, à donner l'exemple d'une exacte régularité en toutes choses . Simple et modeste, il ne voulait rien de particulier. Par sentiment religieux, comme par caractère, il aimait la vie retirée ; et il semble qu'à cet égard le noviciat de la Trappe ait laissé en lui une empreinte particulière . Les visites et les sorties lui coûtaient. Aussi n'en faisait-il que bien rarement . Jamais il ne se trouvait mieux qu'au sein de sa communauté . En 1892, les novices voulurent célébrer à Grignon le cinquantenaire du noviciat de la Neuville . II était tout naturellement le héros de cette fête . Quoiqu'il en coutât à sa modestie, il voulut bien s'y prêter, sur les instances du R. P. Grizard . Mais ce qui lui fut particulièrement agréable, ce fut la bénédiction de sa Sainteté, que l'on avait eu l'attention de demander à Rome, à cette occasion, pour le « premier novice de la Congrégation », et qui vint heureusement terminer la journée . (B., XVI, 485.)

Cependant, avec les années, arrivaient les fatigues et les infirmités . En octobre 1885, le bon Père avait déjà été pris d'une assez forte fièvre, qui donna un moment de vives inquiétudes . « Le samedi 10 octobre, dit aux dernières nouvelles le Bulletin de l'époque, (Xlll, 918), on le trouva vers 5 heures du matin étendu près de son lit, sur les carreaux de sa chambre . II était tombé en se levant la nuit, vers dix ou onze heures du soir ; et il se trouvait si affaibli, si affaissé, qu'il n'avait pu, malgré tous ses efforts, se remettre sur pied . » Il se rétablit pourtant cette fois assez vite ; mais l'année suivante, au mois de mars, survint une nouvelle crise . Le T. R. P. Emonet l'envoya alors se reposer à N.-D. de Langonnet, où le cher Père resta jusqu’à l'époque de la retraite annuelle . Ce repos de six mois, dans cette douce solitude, lui fit tant de bien qu'il put ensuite reprendre durant plusieurs années sa vie et ses occupations ordinaires à la Maison-Mère .

En 1891, sa santé fut de nouveau fortement éprouvée ; à la moindre fatigue, il était atteint de violents accès de fièvre, qu'on avait peine à faire tomber, et qui le laissaient de plus en plus affaibli . Se voyant ainsi dans l'impossibilité de s'occuper d'affaires, il avait plusieurs fois déjà demandé au T. R. P. Général d’être déchargé de ses fonctions de Consulteur et d'Assistant . A la suite des dernières crises qu'il avait éprouvées, le Conseil général crut devoir enfin accéder à ses instances, dans sa réunion du 27 août 1894 ; il avait alors 76 ans accomplis .

Dernières années .
— Durant les dix années qui se sont écoulées depuis, la vie du bon et cher P. Collin a été tout entière, et plus que jamais, une vie de préparation au suprême passage . Retiré dans sa petite cellule, près de l'infirmerie, pour être plus à même de recevoir au besoin le secours et les soins du Frère infirmier, il passait ses journées dans la solitude et la prière . Levé toujours de très bonne heure, à 3 heures et demie, 4 heures au plus tard, après un court sommeil, souvent coupé par la souffrance ou de pénibles infirmités, il faisait son oraison en même temps que la communauté, disant la sainte messe au petit oratoire de l'infirmerie, puis lisait ou priait tout le reste de la journée . Dans l'après-midi, quand le temps était beau, et que sa santé le permettait, il descendait au jardin, y récitait son chapelet, puis il allait à la grande chapelle faire une demi-heure d'adoration devant le St-Sacrement . Sa vue s'affaiblissant de plus en plus, on lui obtint, en 1897, la faculté de remplacer le bréviaire par le rosaire et de dire la messe de la Ste-Vierge ou des défunts, au lieu de la messe du jour .

II y a quatre ans, au mois de février, il fut atteint d'une crise d'influenza qui faillit l'enlever . Le 26 de ce mois, le mercredi des Cendres, on lui donna la sainte communion en viatique, et le lendemain au soir, le voyant si affaissé, qu'on ne savait s'il avait ou non sa connaissance, on lui donna l`Extrême-Onction . On le lui dit le lendemain : « Ah ! je ne m'en suis pas aperçu, répondit-il . C'est qu'on a craint, ajouta le R. P. Grizard, que vous ne partiez sans nous prévenir . — oh ! reprit le cher malade, je ne suis pas si malhonnête ! »

Le bon vieillard se remit encore peu à peu et reprit son train de vie ordinaire . Quoique sa vue fût très affaiblie, il pouvait cependant encore lire sans trop de difficultés, à l`aide de sa loupe . Chaque Jour, il parcourait La Croix ; c'était depuis longtemps son seul journal ; il ne manquait Jamais, en l’ouvrant, de baiser l'image de Jésus crucifié . Mais il aimait surtout à lire le Bulletin et les Annales Apostoliques . II continuait à suivre avec tout l'intérêt du « Grand-papa » comme on l'appelait quelquefois, le développement de la Congrégation et de ses œuvres, surtout dans les Missions . Il priait beaucoup pour elle, ainsi que pour tous ses membres, mais particulièrement pour les confrères défunts . II récitait chaque jour à leur intention le Stabat Mater, qu'il avait dans ce but appris par cœur sur ses vieux jours . II avait, du reste, une dévotion toute particulière pour les âmes du Purgatoire ; longtemps il a fait sa lecture spirituelle dans un livre sur le Purgatoire .

Les Pères de la communauté allaient habituellement, les uns ou les autres, passer auprès de lui la récréation de midi . II égayait lui-même la conversation et se montrait très reconnaissant de ces visites, comme de tous les soins qui lui étaient donnés, en y répondant par un « grand merci » .

Malgré le poids de ses 85 ans, la santé du vénérable octogénaire s'était assez bien maintenue durant les premiers mois de cette année . II avait même passé l'hiver beaucoup mieux que précédemment quand il fut pris, au printemps, d'un affaissement extraordinaire . Le dimanche après l'Ascension, 15 mai, il dit encore la sainte messe, mais avec beaucoup de peine . Ce fut pour la dernière fois . Les deux jours suivants, il se leva néanmoins pour communier à l'oratoire de l'infirmerie; mais ensuite il se vit obligé de garder le lit, tant il se trouvait abattu . II ne ressentait, du reste, aucune souffrance, et rien n’annonçait un danger prochain, quand, le vendredi 20 mai, vers 10 heures du soir, sa respiration devint très difficile et très gênée ; il avait besoin d'expectorer, il n'en avait plus la force ; il ne pouvait même plus parler, quoique ayant encore sa connaissance . Averti par le Frère infirmier, le Père préfet de santé accourt aussitôt près du cher malade, avec le R. P. Grizard, qui, après une dernière absolution, lui donne l`Extreme-Onction et l'indulgence de la bonne mort . Le R. P. Barillec, resté auprès de lui, lui suggère de temps en temps quelques pieuses invocations qu'il paraît comprendre encore ; puis sa respiration devient de plus en plus haletante ; et enfin, vers 3 heures et demie, il rend le dernier soupir . C’était le samedi 21 mai (1904), veille de notre fête patronale de la Pentecôte .

Le dimanche soir, après les vêpres de la fête, eurent lieu la levée du corps et l’absoute, faites par le R. P. Grizard, en l'absence de Mgr Le Roy, alors à Rome ; les restes mortels du cher défunt furent ensuite transportés à Chevilly ; et le lendemain, après un service funèbre, chanté par le Père qui l'assistait à ses derniers moments, le R. P. Grizard les conduisit au cimetière de la paroisse, accompagné de tous les membres de la nombreuse communauté du Saint Cœur de Marie.

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