Le Père Jean COURTECUISSE,
1920-1960


Le Père Jean, assassiné au village de Botko (Babimbi, SanagaMaritime), où il s'était rendu pour célébrer la fête de l'Assomption, est bien un martyr du sacerdoce. Dans cette mission de Samba, qui avait dû être abandonnée, dont les écoles ont été incendiées, dont un catéchiste, Pierre Boumsong, avait été assassiné le 20 juin 1960, le courageux missionnaire ne pouvait supporter d'être comme un berger qui laisse son troupeau à la merci du loup. Il a forcé la main de ses supérieurs pour retourner vers son peuple, et, littéralement, il a donné sa vie pour ses brebis.

Né le 10 octobre 1920 à Sillé-le-Guillaume, il était déjà titulaire d'une capacité en droit et travaillait dans l'étude d'un notaire, quand s'éveilla en lui la vocation missionnaire. Ce fut donc en "vocation tardive" qu'il entra à l'école de Saint-Ilan. Il fit profession à Cellule le 8 septembre 1946. Ordonné prêtre à Chevilly en 1951, il fit sa consécration à l'apostolat le 17 septembre 1952, et le 2 octobre suivant il s'envolait d'Orly pour le Cameroun.

A Douala, Mgr Bonneau le nomma vicaire à Edéa, chargé en particulier des écoles. Il gagna rapidement l'estime de toute cette paroisse mi-citadine, mi-rurale, où, grâce à ses connaissances en droit, il put souvent intervenir avec bonheur dans les palabres auprès des autorités judiciaires.

En septembre 1954, son évêque, très soucieux de l'abandon où le pays Babimbi était laissé de longue date par l'administration, songea à utiliser le dynamisme du jeune Père dans la mission de Samba. Aussitôt arrivé, il s'attacha à valoriser l'école primaire, la professionnalisation des moniteurs et à créer un cours complémentaire. Les inscriptions à l'école s'accrurent à un tel rythme qu'il lui fallut entreprendre la construction de nouveaux locaux dès 1955. L'année suivante, il ouvrait quatre écoles satellites : une à Botko, où il devait trouver la mort, une à Esseing, avec la collaboration active de Pierre Boumsong assassiné quelques semaines avant lui, une à Tomel et une à Ngonga. Ces écoles ont été criminellement incendiées par les hors-la-loi. (Il s'agit ici des membres du parti nationaliste révolutionnaire qui fut interdit par le gouvernement en 1955, et qui continua la guerilla après la mort de leur chef, Ruben Um Nyobè, en 1958, et même après la proclamation de l'Indépendance du Cameroun le 1er janvier 1960).

Fin janvier 1960, des attaques terroristes amenèrent la fermeture de la mission de Samba. Le P. Jean n'arrivait pas à s'y résoudre ; il lui fallut des ordres formels de ses supérieurs pour qu'il la quitte, en lui donnant l'autorisation de résider à Ngambé.

Sur l'assassinat du Père, les informations n'ont jamais été aussi précises qu'on es auraient désirées. Ce qui est certain, c'est que vers six heures, le matin de l'Assomption, il se trouvait à la case-chapelle de Botko et y préparait l'autel, lorsqu'un groupe de terroristes le surprit et le tua à coups de fusil de chasse. Il semble certain que les gens du village aient été au courant, mais, terrorisés par le meurtre de deux catéchistes de la mission quelque temps auparavant, ils n'ont pas eu le courage d'assumer la défense du Père, ni même de l'avertir.

L'enterrement eut lieu le lendemain mardi, à la mission SaintAndré, en présence de quelques confrères précipitamment alertés, les Pères Neyrand et Kapps, les religieuses d'Edéa et des paroissiens de Saint-André (on devrait dire des paroissiennes, car il fut remarqué que les hommes n'étaient guère nombreux).

Mgr Mongo, évêque de Douala à la mort de Mgr Bonneau, apprit la triste nouvelle en France, où il venait d'arriver pour soigner son état de santé. Il se rendit le 13 septembre à Sillé-le-Guillaume pour présider un office solennel de Requiem. Le Père Lucien Rozo chanta la messe, en présence de Mgr Chevalier, évêque du Mans, et du Père Griffin, supérieur général. C'est Mgr Mongo qui, après avoir prononcé une allocution, donna l'absoute.

"Sanguis martyrum, semen christianorum". Puisse le sang du cher Père Jean Courtecuisse être pour l'Église du Cameroun, une source de conversions nombreuses et une semence de chrétiens fervents

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