Le Frère Aristide DAVID,
décédé en mer , le 29 décembre 1906,
à l'âge de 26 ans.


François David était né à Motreff (Finistère), le 30 avril 1880. Entré comme postulant à Langonnet en 1896, il fit profession le 8 septembre 1898, sous le nom de F. Aristide. Parti pour le Gabon le 25 octobre suivant, il fut envoyé dans le Haut-Ogooué, à Lastourville.

Le jeune Frère, qui se donnait comme un peu menuisier, laissa bientôt voir ses précieuses qualités. Nul mieux que lui ne savait se faire tout à tous. Il excellait à diriger les enfants, à animer leurs jeux.

Peu de temps après son arrivée, la décision fut prise d'abandonner le poste de Lastourville, pour fonder la mission de Franceville, rattachée provisoirement (de 1899 à 1906) au vicariat apostolique de Brazzaville. Quand le transfert de Lastourville à Franceville fut effectué, grâce aux mains habiles du Frère, on eut, en peu de temps, tous les meubles indispensables à une communauté. Avec quelques Noirs formés par lui, il a fait tous les travaux de la maison : charpentes, galeries, planchers, portes, meubles, etc. Et tout cela, il le faisait joyeusement, avec esprit de foi, malgré la peine et la fatigue.

Il fallait aller chercher les arbres dans la Haute-Passa. C'était un voyage de quinze jours, avec vingt hommes et autant d'enfants. Il fallait camper en pleine forêt, sous la tente. C'était là sa récréation ; et pourtant, que de peines, de courses sous la pluie, de privations de toutes sortes ! L'entrain régnait partout où il passait ; les ouvriers, secouant le brouillard de la nuit repartaient content chaque matin avec leur cher Okoulou (grand frère).

En juin 1903, il dut rentrer en France, épuisé par le travail. Ses affaires militaires n'étant pas en règle, il fut obligé de rester neuf mois à Chevilly, sans pouvoir aller revoir sa chère Bretagne, sa famille, ses amis. Il ne les vit que quelques heures avant son retour. Il n'était pas encore assez bien remis pour rentrer en mission, mais la crainte de le voir pris pour le service militaire obligea à hâter son départ.

Il était de retour à Franceville en août 1904, mais des fièvres intermittentes l'empêchèrent d'accompagner le père qui partait au bois ; il en pleurait de douleur, il fallait presque se fâcher pour le faire rester à la maison.

Ouvrier habile et infatigable, doué d'une énergie peu commune, le F. Aristide était en outre un excellent confrère et un bon conseiller. Devant les difficultés, le frère, avec sa ténacité de Breton, sa gaieté d'enfant du bon Dieu, sa ferme confiance en la Providence, ramenait le courage et l'espoir. Quand surgissait quelque nouvelle menace, « le bon Dieu ne peut pas permettre cela, disait-il, attendons ! »

Sa santé déclinant de plus en plus, il importait de le faire rentrer en France au plus tôt. Son départ fut fixé au mois d'août 1906, mais, vu la baisse des eaux de l'Ogooué, il ne put partir qu'en octobre.

Le P. Marc Pédron, son compagnon de voyage à partir de Libreville, donne les détails suivants :

« A la place du P. Moreau, décédé le 24 décembre 1906, et dont on venait de descendre le corps à Libreville, on fit embarquer sur le Paraguay le bon petit Aristide qui revenait de Franceville. Ce n'était plus qu'un cadavre ambulant ; il ne lui restait que la peau et les os.

« Il lui avait fallu descendre l'Ogooué en pirogue, à travers les rapides, par un soleil de feu ou sous de violentes tornades. Le voyage fut des plus fatigants.

« Il y avait quatre jours qu'il était à bord, quand, le voyant baisser de plus en plus, je l'avertis du danger qu'il courait, en l'engageant à se tenir prêt à paraître devant Dieu. On avait d'ailleurs pris la précaution, à Libreville, de l'administrer avant son départ. Il me répondit qu'il s'était confessé avant de s'embarquer et qu'il se proposait de le faire encore le samedi, suivant son habitude. Il me demanda alors de faire pour lui une neuvaine à sainte Anne, n'ayant plus la force de dire même un ave. Il ajouta qu'il avait fait le vœu , s'il revoyait sa chère Bretagne, et si ses supérieurs le lui permettaient, d'aller en pèlerinage à Sainte-Anne d'Auray. Je commençai tout de suite la neuvaine. Le lendemain, hélas ! il s'éteignait, sans souffrance et sans agonie.

« Nous étions au large de Grand-Bassam et nous ne devions atteindre Conakry que le surlendemain. L'immersion du cadavre s'imposait. Triste cérémonie s'il en fut ! Le frère, revêtu de ses habits religieux, sa croix sur la poitrine et le chapelet autour des mains, fut mis dans un sac de toile à voiles, avec un poids au pieds pour le faire couler à pic. Équipage et passagers, tous assistaient, la tristesse peinte sur la figure. Quand je m'avançais pour dire les dernières prières, pâle comme un mort, tous me saluèrent respectueusement : en vain essayai-je de prononcer les paroles du De profundis. L'émotion m'étreignait la gorge. La planche bascula, et le vapeur se remit en marche. » -
Aloyse Hée - B, t. 3, p. 36.

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