Le Frère Floride DECHERF,
décédé à Bangui, le 20 décembre 1908;
à l'âge de 34 ans.


Léon Decherf naquit en 1874, à Bailleul (Nord). Il sympathisa avec un camarade de régiment qui était novice-frère de la congrégation du Saint-Esprit. Au terme de ses trois ans de service militaire, il fit sa demande d'entrée dans cette congrégation. Le 8 septembre 1899 il fit profession sous le nom de F. Floride (son compagnon n'avait pas persévéré dans cette voie). Il passa d'abord quelques années à Saint-Ilan, où il avait la charge d'une section d'orphelins.

Le 15 novembre 1903, le F. Floride s'embarqua à Bordeaux, à destination de l'Oubangui. Après six mois passés à Brazzaville, il fut envoyé à la station de Saint-Paul des Rapides, à Bangui.

Dans cette mission, fondée en 1894, le F. Floride mena de front, avec l'entretien des bâtiments, les travaux des plantations et du jardin, le soin de la basse-cour, les achats divers, la surveillance des enfants, la charge difficile d'établir équitablement les rations pour tout son petit monde. Pendant quatre ans et demi, le dévoué factotum mena ce train de vie, ne demandant qu'à le continuer longtemps de même façon. Hélas ! un affreux accident va l'interrompre tragiquement.

Au matin du vendredi 18 décembre 1908, le F. Floride était parti à la pêche, avec quatre enfants comme rameurs. Les engins employés ? Simplement des cartouches de dynamite. Le frère jette une première cartouche et, quelques moments après, de la mission, on entend le fracas d'une effroyable détonation.

Le P. Calloc'h, qui travaillait dans sa chambre, sort et perçoit des cris au loin. Il saisit ses jumelles, mais ne distingue pas bien. Il voit seulement les enfants ramenant très vite la pirogue à force de rames. Le père se hâte vers la rive. Bientôt il entend une voix qui crie : « Père Calloc'h, êtes-vous là ? Vite, confessez-moi, je vais mourir. » Alors, le père aperçoit le F. Floride horriblement mutilé : les deux mains sont emportées, un œil arraché, l'autre blessé, le nez et la lèvre supérieure sont fendus, la poitrine à nu ne forme qu'une plaie ; le sang ruisselle de toutes parts.

Malgré tout, le frère n'a pas perdu connaissance et ne songe qu'à faire sa confession générale. Le P. Calloc'h organise la descente à Bangui, chez le docteur. Celui-ci, dès qu'on a pu le prévenir, accourt au fleuve et, après les premiers pansements, fait porter chez lui le blessé, espérant pouvoir pratiquer, le lendemain, l'opération chirurgicale nécessaire. Les souffrances du F. Floride étaient atroces. Tout le corps du pauvre patient avait été enveloppé de bandelettes, que le sang traversait malgré la multiplicité des toiles. Le docteur et l'infirmier admiraient le courage du frère qui, au moindre service rendu, trouvait la force de répondre par un merci chaleureux.

L'agonisant put recevoir le saint viatique, l'extrême-onction, l'indulgence de la bonne mort et renouveler ses vœux, dans d'admirables sentiments de foi.

Devant la faiblesse devenue extrême, le docteur dut renoncer à toute opération, le chloroforme aurait tué le malade. Enfin, le 20 décembre 1908, à 3 heures du matin, le bon Dieu mit fin à ses souffrances en le rappelant à Lui. -
B, t. 3, p. 456.

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