Le Fr. JACQUES Delpon,
décédé à Fort-de-France (Martinique), le 14 mars 1956,
à l'âge de 51 ans et après 30 années de profession.


André Delpon naquit à Tunis, le 30 janvier 1905. Après la guerre de 14-18, âgé de 14 ans, il fut admis dans l'Oeuvre des Petits Clercs de Saint-Joseph alors en exil à Suse, le 19 août 1919, puis arriva au Postulat des Frères, à Chevilly, le 4 septembre 1923. C'est là qu'il fit profession, le 31 mai 1925. Arrivé à la Martinique, le 14 octobre 1926, à l'âge de 21 ans, tout mince et imberbe, le Fr. Jacques fut affecté à l'Oeuvre de l'Espérance avec le P. Leininger, puis un an après, le 1er octobre 1927, il vint au Séminaire-collège. Le Fr. Spérat étant mort, il le remplaça en 7ème et resta dans cette classe durant 22 années consécutives.

C'est là qu'il donna sa mesure, c'est là qu'il redressa, forma des cen­taines d'enfants remuants, facilement énervés et toujours terriblement vivants. Il enseigna à exactement 653 garçons dans sa seule classe de 7e ; Dieu seul sait la réserve de patience qu'exige l'éducation des enfants de cet âge. Et, sans brusquer, sans se fâcher, sans frapper, le Fr. Jacques a été pour eux un éducateur de choix. Pour le taquiner, nous le com­parions au rouleau compresseur qui nivelle les roches et parfait son travail lentement mais sûrement.

Il fut, pour tous ceux qui l’ont connu, le modèle de l’humilité et de la bonté. Il excusait, il se taisait et il priait. Visiter ses malades et les consoler était pour lui un devoir sacré. C’est cette bonté qui fut la clef de son influence : influence profonde car elle atteignait l’âme et le cœur. Les détails de la vie n’avaient qu’une importance tout à fait secondaire pour le Frère Jacques, c’est l’âme qui l’intéressait. Il était navré, par exemple, qu’un de ses anciens s’éloignât de ses principes religieux, et priait pour lui. Il se réjouissait de voir ses élèves rester fidèles à la Foi de leur jeunesse.

Pour ses confrères ,il fut le parfait religieux qui observe la Règle, à fond, sans biaiser. Un détail : tous les ans, à l’occasion de la retraite, il faisait le vide chez lui. Avait-il deux crayons ? il se débarassait de l’ubn d’eux. lui avait-on offert un stylo ? cela en faisait un de trop et il le faisait disparaitre. . . A quoi bon s'attacher aux choses qui passent.

Ce n'est que par obéissance qu'il se soigna toute sa vie, car il fut de santé plutôt chétive; c'est par obéissance qu'il alla voir une dernière fois sa vieille maman résidant encore à Bône, en Algérie en janvier 1955. Ayant consulté le médecin dès son arrivée en congé, le Fr. Jacques eut la consigne d'éviter tout effort et de « vivre au ralenti ». Loin de lui avoir rendu un peu de santé, ce congé et le voyage avaient quasi épuisé le brave Frère qui, rentré à la Martinique en automne dernier, dut en­core, par obéissance, subir piqûres et drogues. Il n’opposa de légère résis­tance que sur son lit de mort, car il craignait voir ces traitements lui pro­longer la vie.

Voir Dieu et le plutôt possible, voilà le désir de son cœur : désir encore attisé par le détachement dont nous avons parlé et la crainte d’être un membre inutile et gênant pour sa communauté.

Maintenant qu’il est au Ciel – car il y est - il prie pour nous qui avons vécu si longtemps avec lui, il prie pour tous ceux qui qu’il a connus sur terre ; il reste pour nous et plus que jamais le bon Frère Jacques.

Nous pensons dans cette douloureuse circonstance à sa bonne vieille maman, là-bas en Algérie et à son frère prêtre en Tunisie. Qu’ils soient assurés de nos ferventes prières et toute notre sympathie.
(d’après le journal « La Paix »)

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