Le Père Jean-Baptiste DELPUECH,
1842-1926.


Le P. Delpuech naquit à La Bruguière, dans le Tarn, à 8 kilomètres de la ville d'Albi, le 3 août 1842. Et comme il aimait à relever les coïncidences des dates, il observa qu'en ce même mois d'août, l'abbé Bessieux (futur évêque du Gabon) vint à Paris et mît en relation le Vénérable Père Libermann et Mme de Villeneuve, fondatrice des Sœurs de l'Immaculée-Conception de Castres, pour le plus grand bien de l'Œuvre des Noirs et de nos Missions d'Afrique.

Il était le troisième enfant de parents très chrétiens qui eurent douze fils ou filles dont ils offrirent plusieurs à Dieu . deux frères de Jean-Baptiste entrèrent dans la congrégation : Louis-Isidore fut massacré en 1885 par les Couaniamas du Coubango, et Emmanuel mourut en Afrique orientale en 1905 ; une des filles, la Mère Saint-Jérôme, fut supérieure des Sœurs de l'Immaculée-Conception à Dakar.

Jean-Baptiste fit sa première communion à treize ans. Peu après, pendant qu'il gardait les vaches au pré, l'idée lui vint d'être un jour missionnaire chez les sauvages. On fit part de ce désir à un oncle, l'abbé Sardagne, curé de Sainte-Cécile du Cayrou depuis 1820 ; l'oncle, en réponse, envoya le soir même à l'enfant une grammaire latine.

L'oncle Sardagne fut aussi l'agent choisi par Dieu pour diriger le neveu vers la congrégation. Une circulaire, adressée par le T.R.P. Schwindenhammer à tous les évêques de France pour leur exposer les besoins des Missions, fut distribuée dans les presbytères . A SainteCécile, l'appel missionnaire frappa l'imagination du jeune latiniste et le détermina à opter pour l'Afrique. Peu après, entré au petit séminaire de Castres, Jean-Baptiste vit Mgr Bessieux ; le Vicaire apostolique du Gabon avait été autrefois sacristain au petit séminaire te. Il demanda à bénir ses successeurs dans cette charge ; or JeanBaptiste avait mérité d'être sacristain et la bénédiction du saint évêque descendit abondante sur lui et porta ses fruits.

Prêtre à Chevilly le 22 septembre 1866, il fit profession l'année suivante et demanda avec instance d'être envoyé en Afrique. Il eut en partage le Sénégal. Dans ses Mémoires, il raconte sa première visite à Gorée et àDakar où, avec le P. Duby, il fut admis chez le roi qui recevait de la France une pension de 40 francs par mois avec quelques kilos de café et de sucre. Enfin, après avoir touché à SaintJoseph de Ngazobil où résidait Mgr Kobès, il passa à Sainte-Marie de Bathurst sous la direction du P. Lacombe et dans la compagnie du P. Lamoise. Il y apprit le wolof, rendit de grands services pendant une épidémie de choléra et épuisa sa santé. Au bout de près de trois ans, il revint à Ngazobil où l'un de ses rêves les plus chers fut exécuté : il fut chargé des enfants de la mission, mais sans en venir à bout, de sorte qu'il ne resta pas longtemps dans ce poste. En attendant son retour en France, il passa à Dakar avec le P. Lossedat occupé aux visites dans les villages voisins et aux catéchismes près des ouvriers du port.

A la fin de janvier 1871, il arriva à Bordeaux ; pendant les troubles de la Commune, il fut autorisé à aider son oncle de SainteCécile. Il reçut ensuite une seconde obédience : Cayenne. De juin 1871 à juin 1893, il ne quitta pas la Guyane, même pour un petit congé en France ; pendant ces 22 ans, il parcourut tous les quartiers de la colonie et toutes ses missions. Il s'y plut à force d'énergie, car il rêvait toujours du Sénégal. Le poste qu'il préféra fut le ministère auprès des déportés à Saint-Laurent du Maroni. Il trouva ces pauvres gens, les hommes du moins, car les femmes se montraient souvent haineuses, il trouva les hommes accessibles au repentir.

Le P. Delpuech, avant d'être expulsé de la colonie, avait été écarté des pénitenciers pour avoir donné les derniers sacrements à un arabe, converti il est vrai, mais que l'administration s'obstinait à considérer comme musulman. Cet abus de pouvoir, comme on disait, fut cause qu'on lui interdit tout accès auprès des condamnés. Il dut revenir en France. Après quelques mois, il obtint de retourner au Sénégal, où il rendit quelques services à Saint-Louis et au Mont-Roland, près de Thiès. Mais les médecins exigèrent bientôt son rapatriement.

Pendant près de trente ans, il devait jouir de sa retraite à Castelnaudary, à Beauvais et à l'abbaye de Langonnet en Bretagne. C'était, disait-il, le travail manuel qui lui avait conservé sa santé sous le climat brûlant de la Guyane ; c'est'encore sur le même travail manuel qu'il comptait pour entretenir sa verte vieillesse. En fait, il garda longtemps ses forces. Mais le 23 mars 1926, après une courte agonie, il rendit son âme à Dieu, à l'âge de 83 ans, après 66 ans passés dans la congrégation.

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