Mgr Jean-Baptiste FAURET
1902-1984


Jean-Baptiste Fauret naquit le 8 octobre 1902 dans le petit village d'Arrens-Marsous, proche de Tarbes, capitale des HautesPyrénées. Il était le 5ème enfant de Paul Fauret, cultivateur, et de Joséphine Aubé, père et mère de 9 enfants, dont 2 décédèrent en bas âge.

Avant d'être attachées à la couronne de France en 1607, Tarbes et sa région constituaient le comté de Bigorre, qui était passé à la Maison de Foix en 1425. C'est dire la longue histoire des Bigourdans, la fierté de leur race, formée sous la douce lumière des Pyrénées, dans la rudesse de leurs hautes collines, coupées de vallons, où paissent les moutons.

Peuplé alors de 800 habitants, le village d'Arrens s'est, depuis la naissance de Jean-Baptiste, bien développé, puisqu'à côté de ses casernes de pompiers et de gendarmes, il possède maintenant club de jeunesse, centre de loisirs, piscine municipale, station de ski et le Parc national des Pyrénées. On y vivait alors loin des rumeurs tendancieuses des villes, à l'ombre du clocher, dans la sagesse et la ferveur de la foi chrétienne.

A cinq ans, Jean-Baptiste apprit à lire et à écrire chez les Sœurs, puis passa à l'école communale. Il avait dix ans quand survint un évènement qui sera capital dans sa vie. Son frère aîné était particulièrement doué, studieux, docile, et ses qualités n'avaient pas échappées à l'attention du curé du village. Vénéré et craint, ne serait-ce que par sa stature et sa vigueur physique qui lui a valu le surnom de Jupiter, le prêtre, au cours d'une visite à la ferme, s'adressa au grand frère : "Ne voudrais-tu pas, lui demanda-t-il, que je te fasse entrer au séminaire ?" Et tandis que ce dernier montrait clairement que cette perspective ne lui plaisait guère, "Moi, j'irais bien" intervint le petit Jean-Baptiste, provoquant chez ses parents joie et étonnement, au point que son père ne put s'empêcher de s'écrier : "Il faudrait d'abord que tu sois moins gamin, plus sage et plus studieux !" Généreux, docile, ne craignant pas l'effort, l'enfant n'était pas porté à cet âge, il le reconnaîtra lui-même plus tard, vers l'étude et le travail intellectuel. Ne tenant pas en place, il préférait vagabonder à la recherche des nids d'oiseaux dans la petite propriété voisine, que le propriétaire sans enfant, fut heureux de céder bientôt à ses parents.

Comme prévu, l'intervention du redoutable curé fit entrer Jean Baptiste, en 1912, au petit séminaire de Saint-Pé de Bigorre, modeste ville de 2.000 habitants, à quelques kilomètres de Lourdes. Là encore se produisit un évènement décisif pour sa vie. Des incidents tragiques étaient survenus au Portugal en 1907. Le roi Charles ler avait été assassiné, ainsi que son fils aîné. Trois ans plus tard, son successeur Manuel Il fut chassé par la Révolution qui instaura une République anticléricale. Les religieux furent expulsés du pays, et parmi eux, un séminariste de la congrégation des Pères du Saint-Esprit qui vint se réfugier au petit séminaire de Saint-Pé. Aux jeunes enfants, le futur missionnaire dévoilait volontiers ses désirs de faire connaître le vrai Dieu aux peuples d'Afrique, leur montrant les souffrances des enfants noirs, souvent vendus en esclavage, parfois sacrifiés dans des cérémonies païennes. Ces récits passionnaient le petit Jean-Baptiste qui sentit bientôt s'éveiller en lui le désir d'aller travailler dans ces pays lointains avec les missionnaires.

Dès la fin de la cinquième, il obtint, de ses parents et de son curé, l'autorisation d'entrer chez les Pères du Saint-Esprit. Dans le Puy-deDôme, non loin de Clermont-Ferrand, les Spiritains dirigeaient depuis longtemps, près de la grande ville de Riom, une œuvre importante de jeunes, école communale, petit séminaire, petit scolasticat et même noviciat. L'œuvre, provisoirement cédée au grand séminaire de Clermont-Ferrand, venait d'être réouverte, malgré le déclenchement de la première guerre mondiale, en école apostolique des Missions. C'est là que Jean-Baptiste fut admis en quatrième. Il y achèvera ses études secondaires jusqu'à son entrée au noviciat, en 1919. Il aimera raconter plus tard, comment, tout en poursuivant des études qui ne déboucheront sur aucun diplôme, il renforçait sa vocation missionnaire en entendant les missionnaires, de passage à Cellule, raconter leur vie au milieu des Noirs, dans les villages de la forêt ou en pirogues sur les rivières, au milieu des bêtes sauvages, crocodiles et panthères, luttant contre les sorciers, les mangeurs d'hommes et d'enfants, et instruisant les parlons des vérités de l'Évangile.

En route vers la vie religieuse et le sacerdoce.

Jean-Baptiste Fauret a maintenant 17 ans. Fidèle à sa vocation missionnaire et à ses désirs du sacerdoce, il est apte et désire vivement se donner entièrement au Seigneur par les trois vœux de religion. Depuis une quinzaine d'années, en Moselle, dans le district de Sarreguemines, la congrégation possède à Neufgrange une ancienne propriété transformée en noviciat, bien que la Moselle, comme l'Alsace, soit alors sous occupation allemande. Le traité de Versailles facilitant la reprise du noviciat pour les novices français, Jean-Baptiste y est envoyé en 1919. Né dans le sud-ouest de la France, le jeune Bigourdan va élargir son esprit en vivant un an dans le nord-est de sa patrie. Le noviciat terminé dans la joie d'une foi toujours plus vivante, il lui reste à se préparer directement au sacerdoce par les dernières études de philosophie et de théologie. Depuis plus d'un demi siècle le scolasticat des Pères du Saint-Esprit reçoit ses séminaristes au sud de Paris, à ChevillyLarue, dans une ancienne propriété de la marquise de Pompadour.

La Congrégation est en ce moment sous la haute direction d'un supérieur général, ancien évêque du Gabon après avoir été missionnaire au Zanguebar dans la région du Kilimandjaro : en France, Mgr Le Roy jouit déjà d'une grande notoriété. Plus directement le scolasticat est sous la tutelle d'un excellent supérieur appelé à devenir l'évêque du Gabon, le Père Tardy.

Durant ces 7 années d'études, le jeune Jean-Baptiste se montrera élève vivement apprécié par ses professeurs pour son labeur, sa docilité, sa piété, son bon esprit, tandis que sa cordialité, la vivacité de son esprit enjoué et facilement plaisantin, le font apprécier de ses confrères. A vrai dire, toutefois, son supérieur, le Père Tardy, tout en reconnaissant qu'il avait affaire à un excellent sujet, lui reprochait volontiers de ne pas consacrer à son travail intellectuel tout l'effort qu'il aurait pu fournir.

De novembre 1922 à mai 1924, il remplit son service militaire dans un régiment de tirailleurs sénégalais.

Le 28 octobre 1926, il est ordonné prêtre par le nouveau supérieur général Mgr Le Hunsec, ancien évêque de Dakar; et à la fin de sa dernière année de théologie le 10 juillet 1927, il est affecté au vicariat apostolique du Gabon. Il avouera plus tard que cette nomination lui causa une certaine déception. Ses désirs le portaient vers l'Oubangui-Chari, pour continuer les aventures des intrépides missionnaires de Mgr Augouard, et aussi peut-être pour éviter d'être soumis au Gabon à la sévérité de son ancien directeur de Chevilly, Mgr Tardy.

Au Gabon

Après un congé de deux petits mois à Arrens, au cours duquel il célèbre une rnesse solennelle familiale en présence de 12 prêtres des environs proches, la Bigorre demeurant pays de foi et de générosité, il gagne Bordeaux le port d'embarquement. Les premiers jours de la traversée lui sont pénibles, le golfe de Gascogne se montrant particulièrement agité. Joie de débarquer à Dakar, en terre d'Afrique, bien accueilli par un jeune évêque, Mgr Grimault, qu'il a connu à Paris. Après 21 jours de mer, il débarque enfin à Libreville, dans le grand estuaire au nord du Gabon. C'est là que vint, en septembre 1844, se réfugier le premier missionnaire, le Père Bessieux, recueilli, après le désastre du Cap des Palmes, par les officiers du poste militaire fondé quatre ans plus tôt.

Reçu avec grande bonté par son évêque, Mgr Tardy, il apprend son affectation pour la récente mission de Ndjolé, à 400 kms de l'embouchure du grand fleuve de l’Ogooué qui traverse tout le pays de l'est en ouest. Dans ce secteur, déjà évangélisé par les protestants, il découvre une mission riche de 3.500 catholiques encadrés par 42 catéchistes en pleine activité. Quatre religieuses tiennent dispensaire et école des filles. Après lui avoir fait visiter la mission et donné ses consignes, le supérieur, un rude missionnaire originaire du Nord de la France, ajoute avec un demi sourire : "Et puis, je vous charge déjà d'assurer les prédications du dimanche de Pâques ; vous les donnerez en Fan, dans la langue du pays et directement sans l'aide d'un papier." Devant la surprise du Père, il précise : "Ne vous tracassez pas, pour apprendre à parler le Fan, vous aurez la collaboration d'un très bon catéchiste." Le voici, pour commencer, chargé de la direction de l'école des garçons et d'un secteur de brousse qu'il atteindra en pirogue ou par les sentiers de la forêt.

Mais il ne restera pas longtemps à Ndjolé. Dès juillet 1929, il est rappelé à Libreville, pour le ministère européen et africain, dans la grande mission Saint-Pierre de la capitale. Là encore il ne demeurera guère, car sept mois plus tard, son savoir-faire, ses compétences, son dévouement ayant été vivement appréciés, son évêque lui confie la direction de la Procure du vicariat et du petit séminaire. Même intermède de sept mois. Puis, les vicaires apostoliques de l'Afrique Equatoriale Française ayant décidé la création pour le Gabon, le Congo Brazzaville et le Congo Loango, d'un unique grand séminaire pour les trois vicariats, il est choisi comme directeur pour organiser l'œuvre et en assurer la marche ; ce qu'il réalisera jusqu'à la fin de l'année 1934.

Il reçoit ensuite un poste de plus longue durée, la direction de l'importante mission Saint-François-Xavier de Lambaréné. Troisième mission du Gabon, fondée en 1881, à environ 300 kms de l'embouchure du fleuve, elle aussi en pays protestant, la mission est en pleine rénovation et modernisation ; à lui d'en assurer le plein épanouissement. Ce qu'il fera durant 10 ans. Il est accueilli par deux vicaires gabonais chargés de l'école et du ministère, par trois frères menuisiers et maçons, par quatre religieuses de Castres dirigeant dispensaire et école de filles, 5.700 chrétiens et 2.250 catéchumènes sous la garde de 90 catéchistes. Dès son arrivée, après avoir salué les autorités françaises locales, il rend visite au célèbre docteur Schweitzer, qui le reçoit très courtoisement, se permettant toutefois, après lui avoir demandé son âge, de murmurer avec bonhomie : "Il faut croire que chez vous on manque de personnel pour confier une si grande mission à un jeune de 32 ans." De son côte, si le Père, dans l'intimité, reconnaîtra la compétence du docteur en de nombreux domaines et sa grande générosité en faveur des plus pauvres, il ne cachera pas que, par suite des circonstances, l'hygiène n'est pas toujours parfaite dans l'hôpital. Les nombreux européens qui pour les soins de l'hôpital, viendront souvent lui demander son hospitalité, seront du même avis. Du moins, grâce à sa bonne entente avec le docteur, le supérieur de la mission aura souvent l'occasion d'exercer son ministère auprès des malades, quand il n'était pas hors de sa mission sur les sentiers de la brousse ou en pirogues sur le fleuve, encourageant le zèle et la foi des catéchistes et des villages.

A 42 ans, le Père Fauret est rappelé à Libreville et devient vicaire général, aide immédiat de l'évêque, tout en étant supérieur de la mission Sainte-Marie et procureur du vicariat, charge qu'il remplira durant quatre ans de 1943 à 1947.

C'est alors, en 1943, qu'à Paris, prévoyant que tôt ou tard, les vicariats apostoliques seront confiés à des fils du pays, la congrégation décide qu'à côté de l'évêque chargé du ministère, se tienne un Père spécialement chargé de veiller dans le vicariat à la vie religieuse des missionnaires de la congrégation. Le Père Fauret est alors nommé supérieur religieux du district du Gabon. Il remplira cette lourde charge quatre ans. Si sa résidence est bien Libreville, il est souvent sur les routes ou sur l'Ogooué et ses affluents, encourageant ses confrères disséminés dans les 15 missions du vicariat, les recevant ou les réunissant pour des entretiens personnels ou communs.

A Loango et Pointe-Noire

C’est à Douala, où il est allé représenter son Evêque au Sacre de Mgr Bonneau, qu’il apprend que le 13 février 1947, Rome l'a nommé évêque in partibus d'Araxa et vicaire apostolique de Loango, au Congo, en remplacement de Mgr Friteau démissionnaire. Le 29 mai, il est sacré à Lourdes par l'évêque du lieu, Mgr Théas, assisté de Mgr Marcel Lefebvre et Mgr Ancel, évêque auxiliaire de Lyon. Comme armes sur son blason d'évêque, il fait reproduire une colombe représentant le Saint-Esprit, en arrière plan des montagnes des Pyrénées entourées d'abord d'étoiles, cédant ensuite la place à la reproduction de la Sainte-Vierge. Sa devise sera : "Da per Matrem me venire".

Son vicariat de Loango possède une longue histoire, né de la préfecture du Congo confiée en 1865 à la congrégation du Saint-Esprit. Son premier missionnaire fut le jeune Père Carrie qui, après avoir compris que, parce que prêtre français, son apostolat à Loanda en Angola, en terre portugaise, était sans cesse contrecarré pour des raisons politiques, avait obtenu de ses supérieurs de fonder en 1873 une mission à Landana dans le royaume encore indépendant du Cacongo au nord de l'embouchure du Congo. Le Cacongo passant sous la souveraineté du Portugal en 1877, il s'était fixé au Loango voisin, favorable à la France grâce à Savorgnan de Brazza, et il avait fondé une mission dans la petite capitale Brazzaville, du même nom, centre commercial européanisé. Avec l'aide de courageux missionnaires, dont celui qui deviendra Mgr Augouard fondateur de la mission de Brazzaville, il avait réussi à ouvrir dans ce pays du Congo, qu'allaient se disputer la France et la Belgique, une petite dizaine de missions. Son vicariat du Congo français était officiellement crée en 1886 et devenait vicariat du Bas Congo en 1911, puis de Loango. A Mgr Carrie décédé en 1904, succédaient trois vicaires apostoliques, le dernier Mgr Friteau venait donc de démissionner.

Durant les premières années, Mgr Fauret va résider à Loango, dans l'ancienne mission de Mgr Carrie, en bordure de mer, au pied de l'ancien village administratif et commercial, abandonne au profit de la ville de Pointe-Noire, sise à 20 kms au sud, port de mer et terminus du chemin de fer de Brazzaville. Officiellement ouverte en 1930 avec 5 000 habitants, la ville s'étend du rivage vers l'intérieur en forme d'éventail, européens et services administratifs en occupant la pointe, les africains, en majorité Vilis, s'établissant de plus en plus nombreux sur les côtes de l'éventail. Lorsqu'arrive le nouvel évêque, la population avait déjà considérablement augmenté. (De nos jours, Pointe-Noire ne compte pas moins de 185 000 habitants) Aussi, malgré les conseils de son prédécesseur qui lui vantait le calme et la tranquillité de la vieille mission, Mgr Fauret estima-t-il rapidement que le pasteur devait vivre au milieu de son peuple.

Le territoire de son vicariat apostolique s'étend sur 100 000 kilomètres carrés. Il est traversé d'est en ouest par l'important fleuve du Kouilou Niari et comprend déjà, en 1947, 10 stations, 37 missionnaires dont 10 prêtres congolais assez âgés, 8 frères, 447 catéchistes, 50 000 chrétiens et 11000 catéchumènes, 10 religieuses s'occupent des œuvres féminines. A Loango même, l'évêque est entouré de 4 pères, 2 abbés congolais, 2 frères et 2 religieuses du Saint-Esprit.

Son premier souci sera évidemment de faire la connaissance de son vicariat, de ses missions qu'il ne peut atteindre le plus souvent dans le nord qu'au prix de longues marches à pied . Une autre préoccupation sera de s'établir dans la ville de Pointe-Noire, en acquérant les terrains indispensables, et tout d'abord ceux de l'évêché et de la cathédrale.

Très rapidement, la petite mission qui s'y trouve déjà, sera occupée par 5 pères. 11 religieuses du Saint-Esprit sont établies à proximité. Dix ans plus tard, la ville de Pointe-Noire comprendra 4 paroisses, dont celles de la cathédrale NotreDame et de l'évêché, avec 16 000 chrétiens. Son vicariat en 1957, sera riche de 45 prêtres, 37 religieuses, 68 000 chrétiens, 426 catéchistes, dans 18 stations. Entre temps, Rome aura pris la décision, le 14 septembre 1955, de transformer les vicariats apostoliques de l'Afrique française en évêchés et archevêchés. Le Vicariat de Brazzaville devient donc archevêché et Mgr Fauret évêque titulaire de Pointe-Noire. Mgr Lefebvre, alors Délégué Apostolique, viendra le 6 avril 1956, l'introniser solennellement dans sa cathédrale comme évêque résidentiel. Son diocèse ne cesse de se développer. Si le nombre de ses prêtres est demeuré stable, il compte, en 1967, 21 stations, 130 000 chrétiens, 19 frères, 51 religieuses.

Un pénible incident est venu le troubler. En 1958, a été créée la république du Congo ; l'année suivante, l'abbé Fulbert Youlou, prêtre de Brazzaville, en devient Président. Il est malheureusement chassé 4 ans plus tard et remplacé par un gouvernement marxiste. Accusé de s'opposer au nouvel ordre des choses, le clergé du Congo est persécuté ; deux prêtres du diocèse de PointeNoire et plusieurs autres de Brazzaville sont mis en prison. Revenus d'urgence du Concile de Vatican II où ils siégeaient, les deux évêques peuvent heureusement obtenir la libération de leurs prêtres.

Après 20 années au Gabon, Mgr Fauret approche, en 1975, de 30 années de résidence à Pointe-Noire. Il estime venu le moment de laisser la place à un successeur, d'autant que le clergé congolais, devenu relativement nombreux, est prêt à prendre lui même en main la marche de son Église. Il quitte Pinte-Noire en Septembre 1974 et le 5 juin 1975, l'évêque donne sa démission, laissant à son successeur 170 000 chrétiens dans 22 stations, avec 55 prêtres, 11 frères, 58 religieuses, 612 catéchistes, 12 grands séminaristes et 91 petits séminaristes. Il avait ordonné 4 prêtres congolais. Sont venus l'aider les Frères de Saint Gabriel, des salésiens et des bénédictins auprès des spiritains et des congolais ; et des sœurs de Saint Méen le Grand, de Séez et des Franciscaines missionnaires de Marie auprès des religieuses du Saint-Esprit. Il soutient la fondation d’un monastère de la Visitation à Loango.

Administrateur prudent et dynamique, Mgr Fauret a doté chaque poste de mission d'un camion et d'un frigidaire, à ses yeux conditions primordiales sur le plan matériel. Très soucieux des vocations, il donna au petit séminaire une impulsion nouvelle. Pour une meilleure marche de sa juridiction, il fit appel à d'autres religieux et religieuses, soutint l'implantation d'écoles catholiques et la formation des responsables. Tout cela à grand renfort de lettres, de visites, de démarches et parfois de disputes avec l'administration. Direct dans ses orientations, il acceptait le jugement de ses prêtres. S'il n'était pas d'un tempérament toujours commode, il ne gardait pas rancune, il savait être très délicat et témoigner d'une grande humilité devant tous, particulièrement devant les Africains, qu'il aimait profondément : il fit par exemple, peu avant de partir, donner un concert spirituel dans sa cathédrale en faveur des pauvres. Quant à lui, sa manière de vivre était celle d'un pauvre et d'un religieux.

La retraite à Chevilly-Larue

Prévoyant sa démission et voulant continuer à travailler pour l' Afrique, il avait, avec l'assentiment empressé de l'évêque de Libreville, envisagé de retourner au Gabon. Une place lui était réservée. Mais n'ayant jamais été d'une constitution très solide, il sentit, ayant démissionné, qu'il ne devait pas présumer de ses forces. Il lui fallait prendre une véritable retraite, qu'il décida de passer dans le séminaire de Chevilly-Larue, devenu maison de retraite pour les anciens spiritains.-

Il y vécut encore une dizaine d'années, dans le calme, 1a prière, l'humilité, tout donné au Seigneur, revivant dans l'action de grâce ses souvenirs du Gabon et du Congo, comme il le confiera, en mai 1977, à Jacques Chancel au cours d'une "radioscopie" d'une petite heure où il se laissa aller à évoquer sa vie. Il aimait, comme il le faisait avec les Africains, s'entretenir avec les différents hôtes, jeunes ou adultes, venus dans un bâtiment voisin de celui des anciens, passer quelques jours de retraite spirituelle ou de réflexion. Il apportait aussi le réconfort de ses visites à ses confrères alités dans l'infirmerie, au troisième étage de la résidence.

Décédé, épuisé par l'âge, il repose maintenant dans le cimetière spiritain de Chevilly. Il était Grand-Croix de l'Ordre Souverain de Malte, du Mérite congolais, de l'Etoile équatoriale du Gabon, chevalier dans l'Ordre des Palmes Académiques, et officier de la Légion d'Honneur.

Monseigneur Jean-Baptiste FAURET,

décédé à Chevilly le 14 septembre 1984,
à l'âge de 82 ans.

Jean-Baptiste Fauret est né le 8 octobre 1902 à Arrens-Marsous, dans le diocèse de Tarbes et de Lourdes. De famille nombreuse, il a connu une vie rude dans la ferme où travaillaient ses parents, mais il en parlait toujours avec émotion et reconnaissance. A ses Pyrénées natales il devait sa culture profonde, sa langue, sa solidité d'esprit et de corps, son esprit de pauvreté et sa simplicité de vie. Comme Bernadette, sa compatriote il y a puisé aussi la foi et son amour pour Marie.

Au petit séminaire de Sainl-Pé de Bigorre, il entend pour la première fois parler des Pères du Saint-Esprit par un spiritain portugais réfugié là après son expulsion du Portugal. Son choix est alors fait : il termine ses études secondaires à l'école apostolique de Cellule, de 1914 à 1919. A la fin de son noviciat, à Neufgrange, il fait profession, dans la Congrégation du Saint-Esprit, le 19 octobre 1920 et poursuit, par ses études de philosophie et de théologie, à Chevilly. Il est ordonné prêtre le 28 octobre 1926 et, l'année suivante, il reçoit son obédience pour le Gabon, au vicariat apostolique de Libreville.

Au cours d'un premier séjour de dix ans, il est successivement vicaire à Ndjolé et à Port-Gentil, puis, à Libreville, directeur du petit séminaire ; et enfin, responsable de la procure, à la mission Sainte-Marie. En 1931, après un congé en France, il fonde le grand séminaire de l'Afrique Équatoriale Française : il en assure la direction pendant trois ans. Après quoi, c'est le retour en brousse, à Lambaréné, où, pendant dix autres années, il se dévoue sans compter.

De retour à Libreville, il cumule les charges de procureur, vicaire général et supérieur religieux (supérieur de l'ensemble des communautés spiritaines du vicariat apostolique de Libreville). C'est vraiment le Gabon qui a formé le P. Fauret à la vie missionnaire : il y a assuré des responsabilités très diverses, il connaît bien le pays, dont il a fait plusieurs fois le tour à pied et en pirogue ; il parle couramment le Fan et le Pongwé.

Nommé vicaire apostolique de Loango, il reçoit l'ordination épiscopale à Lourdes, le 29 mai 1947. Arrivé au Congo, il reste peu de temps à Loango : très vite il fait de Pointe-Noire, alors en pleine expansion, le nouveau siège de l'évêché.

Mgr Fauret fut un bon administrateur du territoire qui lui était confié : doué de sens pratique, à la fois prudent et fonceur. Peu après son arrivée, chaque poste de mission reçoit un camion et un frigidaire : à ses yeux, ces outils, indispensables sur le plan matériel, permettent d'assurer le ministère pastoral dans de bonnes conditions.

En même temps très soucieux des vocations sacerdotales et religieuses, il donne une impulsion nouvelle au petit séminaire : lorsqu'il partira, il aura ordonné quatre prêtres et laissé douze grands séminaristes. Il fait appel à des religieux et des religieuses, décide la création de nouvelles paroisses, en transfère d'autres en de meilleurs endroits, encourage le développement des communautés chrétiennes et la formation de leurs responsables, soutient l'implantation d'écoles catholiques… tout cela à grand renfort de lettres circulaires, visites, démarches, discussions ou disputes avec l'administration et… ses missionnaires. Malgré une santé plutôt fragile qui lui occasionne bien des ennuis, il ne cesse de travailler, ne s'accordant que peu de vrais loisirs.

Comme évêque il est très directif dans ses orientations, mais il ne craint pas de se laisser remettre en question, en se fiant finalement au jugement de ses prêtres, à qui il apporte son soutien. La cohabitation avec lui n était pas toujours facile, il n'a jamais gardé ni rancœur ni ressentiment à l'égard de qui que ce soit. Il savait être délicat et témoigner d'une grande humilité. Il aimait profondément les Africains et avait un grand souci de la vie de ses prêtres, des religieux, des religieuses et des catéchistes. Pour lui-même il a toujours fait montre d'un grand esprit de pauvreté.

Lorsqu'il se rend compte que sa santé ne lui permet plus de remplir sa tâche, il prend sans hésiter la décision de partir ; ce qui se réalise en novembre 1974.

Il se retire à Chevilly où il accepte de rentrer dans le rang, sans faire état de son passé, même si son tempérament reprend parfois le dessus. Dans la communauté, ses visites aux confrères plus malades, son attention aux autres sont autant d'occasions de manifester sa délicatesse. La fin de sa vie le trouve de plus en plus serein et apaisé, ne cessant de remercier le Seigneur pour le travail réalisé dans le diocèse de Pointe-Noire grâce au dévouement des missionnaires. Il meurt le 14 septembre 1984.

Mgr Fauret fut un grand évêque, entièrement donné à sa tâche. En dépit de ses limites, comme tout un chacun, il a fait preuve d'une très grande loyauté et d'une constante fidélité dans toutes les fonctions qu'il a assurées. Il repose désormais dans le cimetière de Chevilly. Qu'il garde dans la paix et l'unité le diocèse qui lui avait été confié.
Guy Pannier PM, n° 109.

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