M. Amable-Jacques-Célestin FOURDINIER
7e SUPÉRIEUR GÉNÉRAL DE LA CONGRÉGATION ET DU SÉMINAIRE
DU SAINT-ESPRIT ET DE L'IMMACULÉE-CONCEPTION
(25 décembre 1832 - 5 Janvier 1845


Élection. - Évacuation des bâtiments du Séminaire.

Selon les prescriptions des Règles, après le décès de M. Bertout on procéda, le 25 décembre 1832, à l'élection de son successeur; mais, à la suite des événements de 1830, quelques-uns (les anciens directeurs s'étaient retirés, et il ne restait plus au Séminaire que MM. Fourdimer, Hardy et Carandiou. Ce dernier, du diocèse de Saint-Brieuc, n'était même pas dans les conditions voulues pour être électeur; mais, par acte du 20 décembre, Mgr de Quélen avait eu la bonté d'accorder les dispenses nécessaires. Comme il était facile de le pressentir, ce fut M. Fourdinier que les suffrages de ses confrères appelèrent à cette dignité. De l'avis de tous, personne, mieux que lui, ne pouvait en remplir les devoirs. Au courant des affaires et apte à les traiter selon les fins de l'Institut, il était, depuis quinze ans, le bras droit de M. Bertout, que souvent il remplaçait dans les négociations à engager avec le Ministère ou avec la Propagande; il était, en outre, comme l'âme du Séminaire, et unissait à un excellent fond de doctrine le véritable esprit ecclésiastique et sacerdotal : il semblait donc désigné par la divine Providence au choix de ses confrères.

C'était aussi l'avis du ministre de la Marine et des Colonies, comme du Cardinal Préfet de la Propagande. « Je désire beaucoup, Monsieur, écrivait le comte de Rigny, que le choix du successeur de M. Bertout ait lieu de manière à n'apporter aucun changement aux relations dans lesquelles, depuis si longtemps, il vous avait chargé de le remplacer auprès de mon département. »

Son Ém. le cardinal Pedicini s'exprimait de même dans une lettre du 19 janvier 1833 : « M. Bertout, pendant toute la longue maladie qui l'empêchait de s'occuper des affaires relatives aux Missions, s'était déchargé sur vous de ce soin. A sa mort, le suffrage de vos confrères vous a désigné pour lui succéder dans sa charge, comme vous nous l'avez appris. Nous avons donc une grande confiance, que vous vous efforcerez toujours de marcher sur les traces de votre illustre prédécesseur; et nous vous certifions que ni les conseils, ni le secours, ni la protection de la Sacrée Congrégation ne vous feront jamais défaut. Je prie Dieu de répandre ses faveurs sur vos entreprises et de vous être favorable ».

Bien que, d'après les Règles d'alors, ces sortes d'élections eussent besoin d'être approuvées par l'Archevêque de Paris, ces lignes, si élogieuses pour M. Fourdinier, peuvent être considérées comme une confirmation de sa promotion, surtout si elles manifestent le prix que la S. C. de la Propagande attache à l'oeuvre coloniale et ses encouragements à la soutenir.

Bien critique et bien précaire était la situation du Séminaire et de la Congrégation du Saint-Esprit, lorsque M. Fourdinier fut appelé au timon des affaires ! Tout secours de la part des Ministères restait, toujours supprimé; le peu de ressources disponibles ne permettait pas de donner à l'oeuvre l'extension d'autrefois ; de plus, les bâtiments étaient encore occupés par l'armée, et on ne semblait nullement disposé à les rendre à leurs propriétaires légitimes. Néanmoins, le dévouement, le zèle el la prudence du nouveau Supérieur préservèrent l'oeuvre coloniale de la ruine qui la menaçait.

Le 4 janvier 1833, le ministre de la Marine avait informé M. Fourdinier du désir de son collègue de la Guerre de conserver l'immeubledu Séminaire, et de sa proposition de l'échanger contre une maison de la rue Blanche, ou une autre située à Picpus. Le 12 février suivant, M. Fourdinier fit savoir au ministre de la Guerre que la Société ne pouvait absolument pas consentir à l'aliénation des bâtiments de son Séminaire, construits par elle, sur un terrain acquis par elle, et rachetés après la Révolution, moyennant, un contrat en règle, signé devant notaire, et qu'enfin ce rachat avait été autorisé par une Ordonnance royale du 21 décembre 1819; il ne manqua pas non plus de lui rappeler sa lettre du 8 avril 1832, par laquelle ce ministre promettait, formellement, d'évacuer la maison et de faire reconstruire les cellules à ses frais, dès que le choléra aurait disparu. Sourd à toutes ces représentations, le ministre persista dans l'idée de faire du Séminaire du Saint Esprit une succursale du Val-de-Grâce; toutefois, il crut se montrer généreux en mettant à la disposition des Séminaristes le pavillon de l'horloge attenant dans la cour à la chapelle. Fort, de son droit, M. Fourdinier eut recours aux ministre de la Marine et des Cultes; titres en main, il leur démontra les droits de propriété de la Congrégation et les pria d'intervenir auprès de leur collègue du département de la Guerre. Leurs Excellences entrèrent dans les vues du Supérieur du Saint-Esprit; il en fut de même du ministre des Finances; de sorte que le ministre de la Guerre se vit obligé de donner satisfaction à ces réclamations : la remise des bâtiments fut alors décidée. Le ministre, il est vrai, ne reconstruisit pas les cloisons des cellules; il donna une indemnité, de 10.000 francs. Cette somme était insuffisante, puisque la remise en état des cellules en absorba une de plus de 15.000 francs. Mais on avait l'inappréciable avantage de voir la maison débarrassée de ses habitants. Le 4 août, 1835, après plus de trois ans d'occupation, elle fut définitivement remise à ses légitimes propriétaires.

Projet d'abolition de l'esclavage. - Réorganisation du Clergé colonial.
- Catéchisme pour les Colonies.


Comme les Séminaristes ne payaient a peu près aucune pension et que des ressources étaient absolument nécessaires, M. Fourdinier chercha à obtenir, connue autrefois, quelques secours de la part des ministères de la Marine et des Cultes. Les titulaires de ces départements se montrèrent bienveillants; mais les fonds manquaient. Un appel fut, alors fait aux Conseils généraux et au clergé des Colonies; certaines sommes furent envoyées, de sorte que le Séminaire, put recevoir un peu plus d'élèves; mais c'était, un chiffre inférieurs aux besoins. Une question, celle de l'abolition de l'esclavage qui déjà, en France, préoccupait fortement les esprits, et fut alors plus vivement agitée, vint solutionner favorablement la difficulté de la situation.

Pour éviter toute secousse et toute perturbation dans les Colonies, la moralisalion des Noirs devait préalablement préparer ce passage de l'esclavage à la liberté; mais cette moralisation ne pouvait s'effectuer avec succès que par le ministère des prêtres et la pratique de la religion. L'Angleterre, en 1834, avait proclame l'abolition de l’esclavage dans ses colonies; dès l'année suivante, le Gouvernement français conçut, un projet d'émancipation progressive. Une première proposition, déposée le 10 février 1838 sur le bureau de la Chambre des Députés, par M. Hippolyte Passy, député, de l'Eure, en faveur d'un système d'émancipation partielle et progressive, fut prise en considération et soumise à l'examen d'une Commission dont M. Ch. de Rémusat fut, le rapporteur; mais son rapport, lu à la séance du 12 juin de la méme année, se bornait à recommander des mesures préparatoires, applicables à tous les systèmes. L'année suivante (6 juin 1839), M. de Tracy, député de l'Orne, fit une deuxième proposition. Dans son rapport, lu à la séance du 23 juillet, M. de Tocqueville se prononça pour le système d'une émancipation générale et simultanée. C'est à la suite de ces rapports que, sur la proposition de l'amiral Duperré, ministre de la Marine, fut votée la loi du 10 août 1839, qui allouait une subvention de 650.000 francs, à l'effet d'augmenter le nombre des prêtres dans les Colonies françaises, d'y ériger de nouvelles églises, d'y construire des chapelles rurales, d'y envoyer des Frères et des Sœurs pour les écoles, d'y constituer enfin le patronage des Noirs, composé des magistrats du ministère publie. Une Ordonnance royale du 6 novembre régla l'emploi et la répartition de ce crédit qui, chaque année, devait figurer au budget. La dotation courait à partir du 1er janvier 1840. En annonçant à M. Fourdinier la part (50.000 francs) du fonds de moralisation qui revenait au Séminaire du Saint-Esprit, le ministre s'exprimait en ces termes : « Le Séminaire du Saint-Esprit est aujourd'hui la seule Congrégation qui, par le but de son institution, soit en état de former et de fournir aux Colonies des ecclésiastiques recommandables, non seulement par de bonnes études et par des mœurs pures, mais par une vocation marquée, par un zèle soigneusement éclairé sur le régime tout spécial des pays où ils doivent exercer le saint ministère, et enfin par l'unité de doctrine qu'ils doivent tous y professer. C'est donc à vous, Monsieur, qu'est remis exclusivement l'instruction, le choix et la direction générale des prêtres appelés à travailler à l’œuvre laborieuse et délicate de la moralisation des Noirs dans les Colonies. »

(Lettre du 22 novembre 1839.)

Une autre Ordonnance du 5 janvier 1810 établit le régime qui doit, par la religion, la justice et l'éducation, préparer les Noirs au bienfait de la liberté. - Une décision royale du 26 mai 1840 institua une Commission permanente ayant pour objet de trouver le moyen de résoudre convenablement la question de l'émancipation. La majorité se déclara pour une émancipation générale et simultanée, mais après un régime intermédiaire de dix ans; la minorité, au contraire, voulait d'abord pendant vingt ans une espèce d'émancipation partielle et progressive. - Une loi fut bien votée cinq ans après, qui étendait, pour les esclaves, le droit de propriété jusqu'aux immeubles, confirmait le droit de rachat et rendait obligatoire, pour les maîtres, le soin de procurer à leurs Noirs l'instruction religieuse; le lendemain 19, une autre loi allouait une somme de 400.000 francs pour concourir au rachat des esclaves; mais aucune de ces lois ne déterminait l'époque de l'affranchissement général. On sait que l'esclavage ne fut aboli qu'après une nouvelle Révolution, par un Décret du 27 avril 1848, trois ans après la mort de M. Fourdinier.

Au commencement de 1836, à l'époque même où les Chambres commençaient à discuter la grave question de l'abolition de l'esclavage dans les Colonies françaises, M. Fourdinier avait senti que, pour assurer le succès des Missions coloniales, il fallait, de toute nécessité, que cet apostolat fût, autant que possible, confié à des prêtres faisant partie d'une Congrégation. Jusque-là, les membres de la Congrégation du Saint-Esprit n'avaient été employés que dans les Séminaires de France, mais non dans les Missions. Le plan du nouveau Supérieur étendait leur action non seulement à la mère-patrie, mais encore aux Missions coloniales. Consultée à ce sujet, la S. C. de la Propagande, le Nonce, les Évêques et le Gouvernement donnèrent à ce plan toute leur approbation. Déjà, dans une lettre du 15 mars 1836, le cardinal Fransoni l'écrivait à M. Fourdinier :

« Je proposerai à la Sacrée Congrégation votre dessein et votre projet de réunir à votre Congrégation les prêtres qui sont envoyés aux Colonies pour y exercer le saint ministère, et qui seraient soumis à certaines Règles dont vous m'avez envoyé un exemplaire par lettre du 30 janvier, afin de le soumettre à l'examen de la Sacrée Congrégation. J'espère vous donner bientôt sa décision (1).

Selon sa promesse, Son Eminence ne tarda pas à faire connaître à M. Fourdinier ce que l’on pensait à Rome de ce projet : on le regardait comme utile et louable, mais difficile à exécuter :

Révérendissime Seigneur, j'ai promis de faire connaître à Votre Seigneurie la pensée de la Sacrée Congrégation sur votre projet de réunir à votre Congrégation du Saint-Esprit, les prêtres qui sont envoyés travailler aux Missions dans les Colonies françaises; et qui est que tous ne forment plus qu’un seul corps avec les directeurs du Séminaire et, que tous, par certaines rèles déterminées, se souinettent à un Supérieur gnéral pour un temps comme des membres unis à la tête. Après sérieux examen, ce projet, s'il peut être mis à. exécution, paraît devoir être très utile aux Missions des Colonies et aux prêtres qui s'y exercent; tel est le jugement de la Sacrée Conrégalion. Mais, pour procéder sûrement et, régulièrement, il faut éviter deux choses qui pourraient présenter une difficulté assez considérable.

Tout d'abord, il faudrait savoir ce que veulent et pensent de cette, affaire ceux qui, par délégation apostolique, exercent le ministère aux Colonies. Car il ne faut nullement les forcer à entrer dans cette Congrégation, ni à s'imposer le joug de Règles, dont peut-être quelques-unes pourraient, à leur avis, ne point convenir, à cause des circonstances de lieu qu'eux-mêmes connaissent parfaitement. C'est pourquoi Votre Seigneurie devrait, par des circulaires adressées a ces prêtres, les persuader, les exhorter à cette union excellente, et leur demander, par manière de consultation, de faire connaître leur pensée et leur volonté et de faire les observations qu'ils jugeront opportunes sur la disposition des Règles que vous leur proposez. Après avoir reçu leurs réponses, examiné les observations, et connu le nombre de ceux qui veulent spontanément s'associer à vous, alors seulement on pourra statuer quelque chose de définitif. Cependant, pour porter davantage leur volonté à cette union, je pense qu'il sera utile de leur faire connaître que le projet de former ce nouvel Institut, est agréable à cette Sacrée Congrégation En second lieu, il faudrait veiller à ce que le Séminaire du Saint-Esprit ait des ressources certaines et suffisantes pour pouvoir nourrir un certain nombre d'ecclésiastiques que l'on préparât au ministère des Missions coloniales. Il y aurait donc lieu de traiter auprès du Gouvernement français afin d'obtenir des subsides suffisants sans lesquels la Congrégation du Saint-Esprit, il semble, ne pourrait que très difficilement, dans l'avenir, faire face aux besoins des Missions dans ces Colonies. Voilà ce que j'avais pour le moment a vous dire à ce sujet, etc.

(Lettre du 11 juin 1836.)

Le sage Cardinal s'était formé, une juste idée de la situation : la plupart des prêtres qui s'étaient présentés jusque-là pour exercer le saint ministère dans les Colonies se souciaient fort peu cde faire partie d'une Congrégation. Quant aux ressources, le Séminaire se trouvait alors dans la détresse, puisque, depuis 1830, le Gouvernement ne lui faisait plus aucune allocation.

Néanmoins, M. Fourdinier essaya de mettre son projet à exécution : en conséquence, il adressa au Clergé colonial une circulaire imprimée, où il leur exposait son dessein... « De sérieuses réflexions, jointes à l'expérience, leur disait-il, nous ont convaincus que le moyen le plus propre, je dirai même nécessaire, pour y opérer un bien réel et solide, c'est de former de tous les prêtres qui travaillent dans les Colonies un seul corps. En conséquence, nous avons pensé les réunir à notre Congrégation, etc. » A cette circulaire était joint un précis du règlement destiné aux prêtres du Saint-Esprit qui exerçaient le saint ministère dans les Colonies françaises. Le premier article traitait de la réception des sujets; avant leur admission, ils devaient faire un noviciat d'un an; le deuxième avait pour objet le gouvernement spirituel dans les Colonies et imposait, autant que possible, la vie de communauté. Enfin, le troisième s'occupait du, temporel et réglait la mise des biens en commun. - Pour faire connaître son projet et obtenir des noms, M. Fourdinier était entré, en correspondance avec les Évêques de France et avait fait publier un article dans l'Ami de la Religion (n° du 23 février 1836); un second parut dans celui du 30 septembre suivant, faisant écho à la réponse du cardinal Fransoni.

Presque tous les prêtres qui se trouvaient alors dans les Colonies françaises se refusèrent à accepter les propositions de M. Fourdinier. Celui-ci, sans renoncer à son dessein, se vit donc obligé d'en suspendre l'exécution. Cependant, en 1843, il fit imprimer la partie fondamentale et constitutive de la Règle, sous le titre : « Excerpta ex Regulis et Constitutionibus Sodalitii S. Spiritis sub Immaculatie Virginis tutela ». Ces excerpta comprennent les trois premiers chapitres des Règles latines, qui traitent de l'organisation de l'Institut, de sa fin, de son esprit et des conditions d'admission. C'était la première fois que cette Règle était livrée à l'impression; jusque-là, elle n'avait existé qu'en manuscrit. Toutefois, n'étant point adaptée au plan de réorganisation que méditait M. Fourdinier, il fallut nécessairement y introduire des modifications; mais, des altérations dans le texte de la partie fondamentale ne pouvant s'effectuer qu'avec l'autorisation de qui de droit, il se borna à y faire deux additions sous forme de notes : la première regarde la fin de la Congrégation; l'autre la pratique de la pauvreté. Aux termes de l'article 3, chapitre ler, la fin des membres de la Congrégation était de former des prêtres pour les Missions et autres oeuvres du saint ministère, mais non de s'y employer personnellement. M. Fourdinier fit donc au même endroit, en forme de note, l'addition suivante : Désormais, il entre dans le but de la Société de s'occuper des Missions des Colonies françaises, tant par ses membres que par les prêtres formés dans son Séminaire pour ce ministère

Et comme c'était la pratique de la pauvreté qui indisposait surtout les prêtres coloniaux contre ce projet de Congrégation, M. le Supérieur ajouta à l'article 11, chapitre 11 , cette autre note :

Du consentement unanime des membres, avec l'approbation de Mgr de Quelen, archevêque de Paris, on donnera à chacun une somme d'argent déterminée, et on lui laissera ses honoraires de messes pour le vêtement, les voyages et les menues dépenses .

Les concessions faites par cette dernière addition n'eurent pas le résultat qu'en attendait le bon Supérieur, et de nouveau fut ajournée l'exécution de son projet. Il n'eut pas le temps de faire un troisième essai; mais il laissa à ses successeurs le soin de s'y employer.

Jusqu'en 1835, les Colonies françaises n'avaient point de catéchisme spécial, et il n'y avait rien de réglé à cet égard, surtout depuis la Révolution. Dans une même colonie, les uns employaient le catéchisme de Paris; d'autres ceux de Montpellier, de Lyon ou de Rodez, etc., etc. Cette diversité anormale ne pouvait pas ne pas attirer l'attention du zélé Supérieur du Saint-Esprit. Il fit imprimer un catéchisme ou Abrégé de la Doctrine chrétienne, qui fut approuvé par la Propagande. C'était à peu près la reproduction du catéchisme rédigé et rendu obligatoire par le digne abbé Pastre dans sa Préfecture apostolique de Bourbon (1821-1829); puis, avec une circulaire, il en envoya un certain nombre d'exemplaires à tous les Préfets. Le nouveau catéchisme devait désormais être exclusivement mis à l'usage des enfants dans chaque colonie. Or, ce Catéchisme pouvait bien convenir aux écoles, mais non aux pauvres Noirs, encore esclaves, qui ne savaient pas lire et qui entendaient à peine le français. D'où, pour les prêtres, la plus grande difficulté pour leur enseigner le Pater, l'Ave, le Credo, les commandements de Dieu, avec quelques notions très simples sur les mystères de la Sainte Trinité, de l'Incarnation, et de la Rédemption, sur le Baptême, le Mariage, la Communion, etc., et sur les fins dernières de l'homme; encore il s'en fallait, de beaucoup que tous arrivassent à acquérir ces connaissances, même réduites à leur plus simple expression. L'Ordonnance royale du 6 novembre 1839 qui réglait l'emploi et la répartition des fonds de moralisation, stipulait, à l’article 3, qu'un concours serait ouvert, sous la direction de l'autorité ecclésiastique, dans les quatre Colonies, pour la confection d'un catéchisme destiné spécialement aux Noirs; et qu'une médaille d'or de la valeur de, 1.500 francs serait décernée à l'auteur du travail présenté au concours, qui en aurait été jugé digne par l'autorité ecclésiastique compétente pour l'approuver. - Trois ou quatre prêtres essayèrent de composer ce Catéchisme; mais il n'y eut pas de concours proprement dit. En. conséquence, la médaille d'or n'eut pas de destinataire.

Biographie et décès de M. Fourdinier.

Avant, de terminer cet aperçu sur son administration, retraçons rapidement les traits principaux clé la vie. de cet excellent prêtre. Amable-Jacques-Célestin Fourdinier naquit le 31 août 1788 à Hubersent, canton d'Etaples, arrondissement de Montreuil-sur-Mer, Artois, diocèse de Boulogne (aujourd'hui Pas-de-Calais, diocèse d'Arras). Il eut pour père Jean-François Fourdinier et pour mère Marie-Jeanne-Élisabeth Dézoteur. La famille était très nombreuse - quatorze enfants, dont il fut le douzième - et jouissait d'une grande aisance de fortune ainsi que de la considération du pays

L'enfant fut baptisé le même jour dans l'église de sa paroisse. Son parrain fut M. J.-M. Bertout, prêtre, professeur de théologie au Séminaire du Saint-Esprit, et il eut pour marraine Dame Célestine Wallois, sa cousine. « Le jeune Amable, dit l'abbé Lefebvre, son compatriote, fut élevé dans une profonde piété, et on sut faire germer en son cœur ces biens stables et réels qui dirigent sûrement les âmes vers le bonheur éternel. Au milieu de cette atmosphère de piété, l'enfant se décida de bonne heure à se dévouer au service de Dieu. Après avoir terminé ses humanités, il vint faire sa philosophie à Arras et y reçut la tonsure en 1809. Le 7 octobre, même année, il obtint son diplôme de bachelier ès lettres. Durant ses études théologiques au grand Séminaire, il fut toujours pour ses condisciples un modèle de régularité, d’obéissance et d'édification; intelligent et studieux, il était considéré comme un des élèves les plus distingués du Séminaire. Nous avons remarqué, autrefois sur le mur du cloître de l'ancienne abbaye de Saint-Waast le nom d'Amable Fourdinier, brillant en lettres d'or sur fond d'azur : cet, honneur, réservé aux « éminents » de chaque année, atteste la rare distinction avec laquelle il termina son cours de théologie. Obligé d'attendre l'âge canonique, l'abbé Fourdinier ne fut promu au sacerdoce que le 12 juin 1813. Le lendemain, son évêque le nommait curé du petit village de Tubersent, à quelques kilomètres de son pays d'origine et presque, au milieu de sa famille.

Dans cette paroisse, le jeune prêtre sut s'attirer les sympathies de tous... Le premier acte signé, par lui est daté, du 30 juillet 1813, et le dernier porte la date du 26 septembre 1814. Dès la fin de cette année, une décision de Mgr Ch. de la Tour d'Auvergne lui confiait, au grand Séminaire la chaire de théologie. Deux ans après, sur les pressantes invitations de M. Bertout, il se rendit à Paris, Ic 23 juin 1817, pour lui prêter son concours dans l’œuvre si ardue de la réorganisation. Nous avons vu comment, malgré, les difficultés, l'entreprise réussit, et comment se développa le Séminaire qui, installé quinze ans durant rue Notre-Dame-des-Champs, put réoccuper l'ancien immeuble de la rue des Postes, et dès lors, selon l'expression du ministre de la Marine (Lettre du 12 octobre), devint exclusivement colonial. - Jusqu'à la mort de M. Bertout, il se dévoua à cette oeuvre avec un zèle, un dévouement et une constance inaltérables. Supérieur à son tour, sans perdre courage dans des circonstances extrêmement critiques, il soutint l’œuvre par son zèle, sa piété, ses prières et celles des Communautés religieuses. Il eut la joie de recevoir au nombre des membres de la Congrégation plusieurs bons sujets : M. Bertrand, le 8 juin 1834; M. Warnet, le 11 juin 1834; l'abbé Gaultier, le 3 décembre 1837, et l'abbé Joseph Tixier le 20 octobre 1844. - Il s'intéressa, selon l'esprit de l'Église, à la formation du clergé indigène en Afrique : MM. Fridoil, Boilat et Moussa, après avoir, par les bons soins de la Vénérable Mère Javouhey, fait leur Séminaire à Carcassonne, vinrent encore passer une année au Saint-Esprit. Ils furent ordonnés prêtres à Paris aux QuatreTemps de septembre 1840.

Pour donner plus de relief à son autorité, Grégoire XVI le nomma Protonotaire apostolique le 30 juillet 1839. Il fit la profession de foi requise lors de ces sortes de nominations entre les mains du Nonce de Paris, Son Exc. Mgr Antonio Garibaldi. Nous tenons ce dernier détail de l'abbé Amable Robert, neveu de M. Fourdinier, et ancien élève du Saint Esprit.

Directeur du Séminaire, M. Fourdinier était sévère; mais, au témoignage de ceux qui l'ont connu, d'une inépuisable charité envers les séminaristes ainsi qu'envers les prêtres des Colonies. Si ceux-ci ont, pour la plupart, refusé d'entrer dans la Congrégation ils ne laissèrent pas, pendant les années de détresse, de venir au secours du Séminaire, par l'envoi de sommes assez considérables prélevées sur leurs économies. Respectueux à l'égard des autorités temporelles, il ne craignait pas de faire au ministre des représentations calmes et judicieuses quand il apprenait que des Gouverneurs abusaient de leur autorité, en nommant directement dos prêtres à des cures ou à des vicariats.

Depuis plus d'un an, M. Fourdinier souffrait d'un asthme opiniâtre et d'une toux violente; néanmoins, en hiver comme en été, il se levait de très bonne heure et devançait l'oraison commune pour faire à la chapelle le chemin de la croix. Les froids de décembre 1844 aggravèrent ses infirmités, et il décéda pieusement au Séminaire le 5 janvier 1845. M. Fourdinier, ancien receveur de l'Enregistrernent, neveu de M. Fourdinier, demeurant à Outreau, près de Boulogne-sur-Mer, possède une belle toile représentant le vénérable Supérieur du Saint Esprit ; le portrait qui se trouve au grand parloir du Séminaire a été peint par M. Boilat, prêtre sénégalais.

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