LE P. André FREYDT
(1922-1951)


Il connut, lui aussi, une mort tragique. A défaut d'une notice plus substantielle, nous nous bornerons à don­ner quelques détails sur les circonstances de sa mort.

Il accompagnait la troupe scoute 162e de Paris en qualité d'aumônier. Parti de Paris le samedi soir, veille des Rameaux, le groupe avait fait un voyage sans incident. Le dimanche, les jeunes gens étaient à Voguë, dans l'Ardèche.

Le lundi, départ en canoë, sur l'Ardèche. Il fallut déjà s'arrêter à Lanas par suite d'un petit incident survenu à une embarcation au passage d'une petite digue.

Le mardi, la troupe se rendit sans accroc de Lanas jusqu'au rapide Le mercredi matin, 21 mars 1951, en allant chercher du lait, l'intendant s'était laissé entraîner par le courant violent dans les arbustes de la ri­vière. Il fallut une heure d'efforts pour dégager le canoë par suite de la violence du courant. Le Père et les chefs qu'accompagnaient une douzaine de garçons décidèrent alors de continuer en faisant du portage. Puis, un habitant de l'endroit leur ayant assuré que le parcours ne comportait plus de risques, la troupe s'apprêta à repartir en canoë. La remise à l'eau s'effectua dans une boucle et le le P. Freydt devait partir le dernier. Celui qui le précédait ne le voyant pas rejoindre revint en arrière.

L'embarcation était retournée et le Père nageait. Un scout se porta à son secours, mais le courant rendait l'avance très lente et les manoeu­vres difficiles. De plus une hauteur avait déjà masqué le soleil. Il était 18 h. 30.

Quand le canoë arriva à sa portée, le Père n'eut même pas la force de s’y aggriper, et le scout ne put qu'accrocher son foulard au moment où il coulait.

Son corps ne fut retrouvé que le lendemain sur un banc de sable, dans un coude de l'Ardèche, près du village de Ruoms.

C'est le jeudi-saint, vers midi, qu'un coup de téléphone nous an­nonça la nouvelle de l'accident mortel, jetant la consternation dans toute la communauté où le P. Freydt avait été professeur en 1948-49.

On se mit aussitôt en communication avec la Maison-Mère qui nous engagea à chercher le pauvre Père afin qu'il repose auprès de ses confrères. Les PP. Sutter et Bohn se rendirent à Ruoms, à cent kilomè­tres d'Allex, pour régler les formalités du transfert.

« Depuis le matin, le corps était exposé à la cure et veillé par les deux chefs scouts, témoins impuissants de l' accident et dont le chagrin faisait peine à voir

« Plus de doute, c'était bien le P. Freydt, le visage congestionné sans blessure, avec une marque rouge au milieu du front provenant peu-être d'un choc contre un rocher du fond.

« Accompagnés par M. le Curé, admirable de charité fraternelle , nous allâmes à la Gendarmerie. Le brigadier donna quelques détails sur la découverte du corps et nous adressa à la Mairie, seule compétente pour autoriser le transfert: il était 17 heures. M. le Maire nous renseigna ,avec une amabilité parfaite, et un menuisier s'engagea à terminer le corcueil en chêne pour le lendemain matin à 7 h.

« Monsieur le Maire d'Allex, mis au courant de notre embarras, 'offrit spontanément à effectuer le transport avec sa camionnette le lendemain matin vendredi-saint. Le P. Freydt avait donné des leçons de mathématiques à son fils aîné. Accompagné du P. Econome, il partit à 6h. 30 et revint-à 11 h. avec le chargement funèbre. Le cercueil resta exposé au grand parloir transformé en chapelle ardente. Les Pères, Frères, Sœurs et élèves, priaient tour à tour près de la dépouille mortelle. A 23 h. arrivèrent en auto les parents du P. Freydt: son père, sa mère, son frère et sa soeur. Comment dire la douleur de ces pauvres gens qui réalisaient toujours davantage l'étendue de leur malheur.

« L'enterrement était fixé au samedi-saint, à 10 h. A la place des obsèques solennelles impossibles liturgiquement, on se décida à chanter les Laudes du jour, à la chapelle, après la levée du corps. Cet office con­acré à la déploration de Jésus au Tombeau est très émouvant et paraitement adapté à la situation. Puis ce fut le «Libera» récité seulement selon les prescriptions liturgiques, et la conduite au cimetière. Et après les dernières prières de l'Eglise, la dépouille mortelle de notre cher confrère descendit dans la tombe sous les rafales violentes d'un mistral déchaîné. »

S'associant à la peine que le décès du P. Freydt a mis au coeur de tous ceux qui l'ont aimé et plus spécialement de sa famille, la Cour d’Honneur dela 52 ème Paris a décidé de prendre le deuil jusqu'à la rentrée d'octobre et de faire célébrer pendant un an une messe à sa mé­moire tous les 21 du mois

Le dernier message que le cher P.Freydt adressait à ses scouts, celui qu’il a payé desa vie et qui doit nous hanter jusqu'à ce que nous le retrouvions dans la maison du Père, se résume simplement en ces mots: « Etre prêt »

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