Le R. P. Jean-Baptiste FREY, Supérieur du Séminaire français de Rome, décédé à Rome, le 19 mars 1939,
dans la 6le année de son âge et la 38e de sa profession reli­gieuse.

Le R. P. Frey était né à Ingersheim, au diocèse de Stras­bourg, le 26 avril 1878. Petit Scolastique à Mesnières, grand Scolastique à Rome, il fut ordonné prêtre le 19 sep­tembre 1903 et fit sa Consécration à l'Apostolat le 19 oc­tobre 1904. Saut un séjour d'un an à Paris (1905-1906) pour l'étude des langues orientales, il n'a pas quitté le Sémi­naire français où il fut d'abord répétiteur, puis professeur d'Écriture Sainte, Préfet des Études, et enfin Supérieur en 1933.

Il était Secrétaire de la Commission biblique, qualifi­cateur du Saint-Office, Consulteur de la S. C. de la Propa­gande et de la S. C. des Séminaires et Universités.

L'Osservatore Romano du 19 mars 1940 a publié sur le R. P. Frey, en l'anniversaire de sa mort, un article dont nous donnons la traduction :

LE R. P. JEAN-BAPTISTE FREY ET SON ACTIVITÉ DANS LES ÉTUDES BIBLIQUES.

19 mars ! Il y a déjà un an que l'illustre P. J.-B. Frey a quitté cette terre pour la vie éternelle! Il n'a pas vu sa patrie aimée enveloppée de nouveau dans une horrible guerre. Mais il a eu la grande consolation de voir monter sur le trône de saint Pierre, Pie XII, pour lequel il nour­rissait des sentiments de la plus profonde admiration et du grand attachement surtout depuis lejour où il était venu, au nom du Saint-Père, bénir la charmante statue de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, placée comme céleste protectrice au sommet de la Ioggia supérieure du Séminaire français.

Depuis un an déjà il est disparu du milieu de nous, et ceux qui l'avaient fréquenté pendant tant d'années peuvent a peine se convaincre de son absence. Il reste présent à leur pensée et à leur fidèle affection. C'était un homme très robuste, bien que d'une taille un peu inférieure à la moyenne. Toujours énergique, actif, il n'avait jamais connu la maladie. Aimable dans l'expression de son visage et dans le ton de sa voix, il était cependant très réservé et, prudent, plus par volonté que par tempérament naturel.

Il est parti sans avoir voulu recevoir de visites, même de ses amis. Il a voulu que fussent consacrées ses dernières heures aux grandes pensées de la mort imminente. Il avait dépassé les soixante ans de quelques mois à peine, étant né à Ingersheim, en Alsace, le 26 avril 1878; c'est en pleine ferveur d'activité qu'il a fait généreusement son sacrifice, comme il le répondit à l'Éminentissime Cardinal Tisserant, quand celui-ci, en vrai prêtre ami, lui conseillait de recevoir les derniers sacrements. Et il reçut le Saint Viatique en pleine connaissance. Il recommanda à ses confrères, comme sa dernière volonté de Supérieur ou de Recteur du grand Séminaire français, l'amour, l'attachement inconditionnel et absolu au Saint-Siège et à toutes ses directives. Il voulait que la caractéristique de cette belle maison, pour laquelle il avait vécu, fût et restât toujours : amour à Rome, fidélité filiale au Saint-Siège. Cet amour filial du Séminaire fran­çais pour le Pape, le P. Frey l'a illustré et transmis dans une publication spéciale intitulée : Le licales (1935), où il a recueilli pas moins de 52 documents pontificaux se rapportant à ce très florissant établissement français de Rome. Toute sa vie a été vraiment dépensée pour ce Séminaire, son Séminaire, où il fut préfet des études depuis 1914, puis recteur depuis 1923. N'avant l'intention de parler que de son activité littéraire, je ne fais qu'une simple allusion à son zèle et à sa direction spirituelle, que nous savons avoir été très recherchée et généreuse. Toujours à la disposition de ses chers séminaristes, pour rien au monde il ne se serait absenté le samedi soir, parce que c'était le temps des confessions (on a retrouvé cette réso­lution dans les papiers de son administration). Pour faire connaître et aimer son Séminaire, il écrivit, en 1919, une, élégante brochure Le Séminaire français à Rome. Il fut aussi collaborateur très fidèle de la Revue du Séminaire : Les Échos de Santa-Chiara, qui sert de lien entre les diverses générations d'élèves. Durant la guerre de 1914-18, il suivit avec un amour paternel ses chers jeunes gens appelés sous les armes et honora quelques-unes des glorieuses victimes d'une touchante et dévote mémoire. C'est dans ce sens qu'il publia : Un homme de devoir : l'Abbé Paul Terris (1916); Jeunesse d'âme : l'Abbé Constant Raibaut (1917); Un homme de volonté : Paul Delos (1918). Tous ces écrits, en plus d’une immense correspondance, se rapportaient au Séminaire pour lequel il a toujours vécu. Son amour pour la Cité du Vicaire de Jésus-Christ, il l'a révélé dans cet opuscule très utile intitulé : L'effort protestant à Rome (1919), qui lui mérita une belle lettre de félicitations de Benoit XV, de sainte mémoire, dans laquelle il reconnaissait l'amour filial de l'auteur pour l'Église. « Vous avez fait une œuvre très méritoire, et il Nous plaît de reconnaître dans vos pages les sentiments et le zèle d'un véritable fils de l'Église. »

Dans l'année 1910, il fut l'un des premiers, - exactement le cinquième, - à obtenir le Doctorat en Écriture Sainte devant la Commission Pontificale Biblique, et peu de temps. après il en devenait consulteur (16 nov. 1910). Après la mort de l'illustre Mgr L.-E. Janssens (17 juillet 1925), il en fut nommé Secrétaire (26 novembre 1925).

Sa thèse de Doctorat : « La Théologie juive au temps de J.-C. comparée avec la théologie néo-testamentaire », donna une direction définitive à ses études ultérieures. Cette grande dissertation de 491 pages lui mérita le Doctorat en Écriture Sainte « avec mention spéciale » (11 mai 1910). Il y travailla encore de nombreuses années dans l'intention de la publier, et dans ce but entra en tractations avec le P. Lagrange et avec Gabalda de Paris. Il en parut divers chapitres dans la Revue des Sciences philosophiques et théo­logiques, dans la Revue Biblique et dans Biblica : « L'Angé­lologie juive au temps de J.-C. »; « l'État originel et la Chute de l'homme d'après les conceptions juives au temps de J.-C. » (Rev. Sci. phil. et théol., 1911; « Le Pater est-il juif ou chrétien? » (B. B., 1916); « Dieu et le monde, d'après les conceptions juives au temps de J.-C. » (R- B., 1916) « La vie de l'au-delà dans les conceptions juives au temps de J.-C. » (Biblica, 1932); « Le conflit entre le Messianisme de Jésus et le Messianisme des juifs de son temps » (B., 1933). Sous la même rubrique il faut classer l'article du Grego­rianum (1927) : « Les juifs avaient-ils des dogmes? »

Il a publié, en outre, en divers ouvrages, des études d'introduction sur les apocryphes, comme il l'a fait pour les Institutiones Biblicae (1925), pour l'Encyclopédie Italienne, vol. III (1929), p. 662-663 (non signé), et spécialement pour le Supplément du Dictionnaire de la Bible, « Apocalypse d'Abraham »; «Testament d'Abraham »; « Livres apocryphes sous le nom d'Adam »; « Seconde Apocalypse apocryphe de S. Jean »; « Apocalyptique »; « Apocryphes de l'Ancien Testament », vol. 1, 1928.

Des livres apocryphes des Juifs, il passa à l'étude des inscriptions judaïques, pour mieux connaître les doctrines des Juifs sur l'immortalité de l'âme et la vie future. C'est pourquoi, depuis 1930 environ, il publia diverses études sur ce sujet : « La signification du terme « prototokos » d'après une inscription juive » (Biblica, 1930); « Signifi­cation des termes « monandros » et « univira » (Rech. Se. Pet., 1930); « Les communautés juives à Rome aux pre­miers temps de l'Église » (ibid. 1930-31); « La question des images chez les juifs, à la lumière des récentes découvertes » (ibid. 1934); « Une inscription gréco-hébraïque d'Otrante » (R. B., 1932); « Una communità giudaica di Arca del Libano a Roma net III secolo secondo une iscrizione inedita » (Bull. del Museo dell'Impero Boni., 1930); « Inscriptions inédites des catacombes juives de Borne » (Riv. di Archeo­logia cristiana, 1928, 1930, 1,931); « Il delphino col tridente nella catacomba giudaica in via Nomentana » (ibid. 1931). Toutes ces études, très appréciées des savants parce qu'elles étaient vraiment nouvelles, conduisirent le regretté P. Frey à son grand ouvrage, qui lui survit comme un « monumen­turn oere perennius », c'est~à-dire le « Corpus Inscriptionum ludaicarum. Recueil des inscriptions juives qui vont, du Ille siècle avant J.-C. au vire siècle de notre ère, » publié par les soins de l'Institut Pontifical d'Archéologie chré­tienne. Le premier volume (in-80 gr., pp. CXLIv-687) parut en 1936, dédié à Pie XI, de glorieuse mémoire, et ne com­prend que les inscriptions judaïques d'Europe. Le second volume est sous presse, par les soins de quelques amis, selon les notes du défunt. Ce « monumentale opus », comme l'écri­vit Biblica, « nomen defuncti etiani posteritatis memorioe prodet » (1939, p. 359).

Tout cela n'est pas strictement biblique; de tant d'articles écrits en près de trente ans, très peu sont bibliques. Parmi ceux-ci notons une étude sur la notion biblique du Règne de Dieu » dans le Dictionnaire universel de la Bible de Vigou­roux, vol. V, col. 1237-1257 (1910). En 1919, à l'occasion de la commémoration solennelle de l'Encyclique « Provi­dentissimus Deus », il fit, à l'Institut Biblique, un très impor­tant discours, qui fut ensuite publié sous le titre suivant : « L'Encyclique Providentissimus Deus et ses conséquences pratiques ». Enfin, dans le premier volume de Biblica il a donné une excellente étude sur le concept de de Vie » dans Saint Jean (1920). A part cela, il n'a jamais traité de ques­tion strictement biblique, sauf quelque rare recension, comme ce compte rendu enthousiaste sur le grand com­mentaire du P. Lagrange sur Saint Marc (1911) dans la Revue Scuola Cattolica (S. IV, vol. XIX, 1911, pp. 505-512) : « Un nuovo commentario su S. Marco ». En fait, le P. Frey est toujours resté sur les limites, mais à l'extérieur, de la Bible. Il fut prudent et ne se mêla jamais de controverses bibliques. Il a dû, en certaines circonstances, prendre la responsabilité de s'opposer à de- opinions ou à des tendances qu'il tenait pour erronées. Alors il était vraiment intran­sigeant, poussé par le zèle le plus sincère pour l'Église et la Sainte Écriture. C'est pourquoi, sur son lit de mort, il put dire, le cœur tranquille : « J'ai toujours aimé l'Église, Rome, le Pape. »

Et, pensant alors à toute sa vie dépensée au service de, son cher Séminaire, il ajouta : « J'ai beaucoup aimé le Séminaire, à qui je me suis dévoué sans réserve, » Comme sa dernière volonté, pour ce Séminaire, et comme son testament spirituel, il a laissé cette recommandation : « Et ma dernière volonté est celle-ci : que, dans le Séminaire, reste toujours la belle tradition de fidélité au Pape et à l'Église. » Il ne pouvait dire de plus belles paroles, celui qui, par vocation, était éducateur d'âmes sacerdotales dans cette noble Cité, où le Christ est Romain.
G.-M. VOSTE~

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