Le Père Marcel FREY
décédé accidentellement à Cayenne le 7 avril 1951 à l’âge de 40 ans


Le P. Marcel Frey naquit à Riespach, dans le Haut-Rhin, le 25 juillet 1911. Après avoir essavé au noviciat des Pères Blancs, il vint frapper à la porte des Pères du Saint-Esprit et fit son noviciat à Orly. Profès le 8 septembre 1935, il vint directement à Chevilly où il fut ordonné prêtre le 29 septembre 1938, et y fit sa consécration à l'apostolat le 2 Juillet 1939.

Il eut tout juste le temps de s'embarquer avant la déclaration de guerre et c’est à Cayenne qu'il fut mobilisé. sur place pendant six mois.

Rentré en congé en juin 1948, il repartait l'année suivante, le 29 avril 1949, pour Cayenne. Le R. P. Robin, Supérieur Principal de la Guyane française, communiquait au T. R. Père les détails suivants:

« Notre télégramme du samedi 7 avril vous a apporté une douloureuse nouvelle: la mort brutale de notre cher Père Marcel dans un stupide accident d'auto.

Au retour du P. Haas à Montjoly, d'entente avec Mgr Marie, il avait été décidé d'envoyer le P. Frey à Sinnamary. Il tiendrait la paroisse une quinzaine de jours pour permettre au P. Fritsch d'assurer les communions pascales dans quelques centres: Saint-Elie, A-Dieu-Vat, Malmanoury. puis il devrait passer sur la Mana et assurer lui-même les Pâques de tous nos chrétiens dispersés sur le moyen fleuve. En juillet, il serait venu prendre l'intérim des paroisses dont le curé part en mai pour la France. Les hommes proposent et Dieu dispose.

Après avoir dîné avec nous samedi, le Père Frey nous quittait vers 13. h. pour prendre le car de Sinnamary; une demi-heure plus tard, une voiture particulière nous le ramenait plongé dans le coma. Un monsieur l’avait recueilli sur la route ainsi qu'un autre grand blessé, au 3ème kilomètre de Cayenne.

Le car de Sinnamary et un camion-benne des Travaux Publics s'é­taient télescopés avec une violence inouïe, semant leurs victimes sur une centaine de mètres. Le P. Frey, qui occupait la place gauche de la ban­quette avant, avait reçu le premier choc; il respirait encore et le P. Ma­lejac lui donna l'absolution, l'Extrême-Onction et lui appliqua l'indulgence apostolique. Le P. Texier alertait aussitôt l'hopital et le chirurgien qui déclara tout de suite que c'était la fin et qu'il n'y avait plus rien à faire. Et de fait, le temps de dégager l'autre blessé avant l'arrivée d’un deuxième brancard, le Père rendait son âme à Dieu.

Le Docteur l'ayant exigé, le corps fut transporté à la Morgue aux fins d'autopsie. Mgr Marie et les Pères vinrent lui tenir compagnie. M. le Préfet et le Secrétaire Général vinrent aussitôt présenter leurs condoléances, tandis que j'aillais visiter les autres blessés que ramenaient autos et ambulance. Neuf d'entre eux étaient dans un état assez grave: fortes contusions, jambes et bras broyés, déchirures musculaires. on n'avait jamais vu pareil accident ici.

Tandis qu'au presbytère on aménageait une chapelle ardente, je retournai près du Père qui semblait dormir sur la table de pierre. Le Procureur de la République, après constat, avisa le médecin-chef qu'il n'y avait pas lieu de faire l'autopsie: le Père était certainement mort des suites du choc reçu dans l'autocar. Il portait une plaie profonde. à la nuque et les vertèbres étaient brisées, une plaie à la tempe, gauche une autre à l'avant-bras gauche et une longue déchirure de la cuisse gauche. Le pauvre Père n'a certainement pas dù souffrir tellement le choc fut violent Son âme était prête pour le départ vers la Maison du Père et le matin même il avait vu son confesseur. C'était d'ailleurs une belle âme, fidèle au devoir, pleine d'amabilité pour tous. Le P. Frey avait été mon corn­pagnon de voyage lors de ma venue en Guyane, en mai 1949 et j'avais eu tout le temps, durant cette traversée de quarante jours, d'apprécier ses talents de photographe, son goût du beau travail bien fait.

Toute la population de Cayenne, du Préfet au moindre des parois­siens a défilé dans la chapelle ardente. Nous avons pu garder le corps du samedi au lundi matin.

Pour les obsèques, la Cathédrale était pleine de fidèles. Le P. Lutz fit la levée du corps; je célébrai la messe et Mgr Marie donna. l'absoute,. Je menai ensuite le deuil pour la conduite au cimetière, avec le Fr Roger de Montjoly et les PP. Texier, de Chaumont et Weibel. Les cordons du poêle étaient tenus par le Secrétaire Général de la Préfecture au norm de l'Administration, par M. Sitterlé, des P. T. T., un fils d'Alsace repré­sentant le pays (Madame Sitterlé était amie de la famille), le Président de la C. F. T. C. et M. Lepelletier, un des amis converti par le Père, repré­sentant tous ses dirigés. Les différents mouvements d'Action Catholique et les orphelins de Montjoly formaient le plus beau et le plus émouvant des cortèges. Tous les chefs de service nous accompagnaient dans le deuil.

Le P. Frey repose maintenant auprès du P. Rabillard et de nos autres confrères au milieu de tant de paroissiens qu'il avait préparés lui­ même au grand passage, et son souvenir demeurera longtemps encon chez les vivants qui ont eu si souvent l'occasion d'admirer sa piété, sa charité et son dévouement à l'oeuvre des orphelins. »

Page précédente