Le Père Auguste FRINAULT,
1846-1902

(Notice parue dans la Semaine religieuse de Vannes.)

Les journaux catholiques ont donné les noms des treize Pères du Saint-Esprit qui ont été ensevelis sous les ruines de leur collège de Saint-Pierre de la Martinique. Un de ces noms est connu d'un bon nombre de prêtres du diocèse de Vannes. C'est celui du Père Frinault, qui fut élève du petit séminaire de Sainte-Anne d'Auray de 1859 à 1866.

Dans une lettre adressée à des membres de sa famille, la sœur du P. Frinault, qui elle aussi appartient à la congrégation du Saint-Esprit et du Saint-Cœur de Marie, exprime le désir que le souvenir de son frère soit rappelé, par la Semaine religieuse de Vannes, aux prêtres qui furent autrefois ses condisciples à Sainte-Anne. Les quelques lignes qu'on va lire donneront satisfaction à ce désir si légitime.

Auguste Frinault naquit à Rosporden, au diocèse de Quimper le 29 octobre 1846, d'une famille profondément chrétienne, originaire du Morbihan, qui a donné à l'église plusieurs prêtres et religieuses. Ses parents quittèrent bientôt le Finistère pour venir habiter plusieurs localités du Morbihan, entre autres Beignon et Hennebont. Il entra en 1859 au petit séminaire de Sainte-Anne, pour y commencer ses études, au moment où son frère aîné venait d'en sortir pour avoir terminé les siennes. Pendant les sept années qu'il y passa, il sut mériter l'estime de ses maîtres et l'affection de ses condisciples. Au bout de ce temps, se sentant appelé à la vie religieuse, il quitta Sainte-Anne pour Langonnet, où il passa deux ans. Il en sortit en 1868 pour entrer au noviciat de Chevilly.

Le 17 décembre 1870, il reçut la tonsure cléricale dans la chapelle aujourd'hui disparue du grand séminaire de Vannes. Il eut le plaisir d'y retrouver plusieurs de ses anciens condisciples de Sainte-Anne, dont quelques-uns reçurent la prêtrise, pendant que d'autres recevaient soit les ordres sacrés, soit les ordres mineurs.

Ordonné prêtre en 1872, il s'embarqua l'année suivante pour la Guadeloupe, où on lui donna l'emploi de professeur au collège de Saint-Pierre, à la Basse-Terre. Il remplit pendant 25 ans ce ministère, sans autre répit que de courtes apparitions en France, où il revint passer quelques mois, d'abord en 1886 puis en 1894, pour y rétablir sa santé fortement ébranlée par le climat brûlant des Antilles.

Ce n'était jamais qu'à regret qu'il quittait la Guadeloupe, qui était devenue pour lui une seconde patrie. Pourtant sa santé étant redevenue chancelante, il dut revenir une troisième fois en France, vers la fin de l'année 1890. Il fut envoyé au collège de Cellule, en Auvergne, pour y combler un vide qui venait de se produire dans cet établissement. C'était en hiver, et sur les montagnes de l'Auvergne l'air est vif et souvent glacial. Au bout de quelques mois le P. Frinault dut venir chercher une température plus clémente au bord de la mer, à Saint Ilan, près de Saint-Brieuc. Au mois de septembre 1890, il s'embarquait une dernière fois pour les Antilles, après avoir fait ses adieux à sa famille, qu'il avait le pressentiment de ne plus revoir. Cette fois, c'était à la Martinique qu'il fut envoyé, pour occuper le poste de professeur de cinquième au séminaire-collège de Saint-Pierre.

La Martinique, c'était toujours les Antilles, mais ce n'était plus la Guadeloupe, sa patrie d'adoption. Dans son nouveau séjour, le souvenir de la Bretagne lui revient plus volontiers, et l'on dirait que, en vrai Breton, il éprouve la nostalgie du pays natal. N'est-ce pas l'impression qui semble se dégager de ce passage d'une de ses lettres :

" Charmant pays que les environs de notre ville : de l'eau , des bois, des montagnes : mais on n'en peut jouir à l'aise comme en Bretagne, à cause de ce brûlant soleil qui vous empêche de sortir jusqu'au soir. Oui, je préféré encore nos landes et nos genêts à toutes ces richesses de la nature, dont mille obstacles ne veulent pas que je profite. Mais à la volonté de Dieu !

Il a péri, avec douze de ses confrères, dans la terrible catastrophe qui a fait 30.000 victimes. Excellent religieux, le P. Frinault était de ceux qui sont toujours prêts à paraître devant Dieu et que la mort ne peut surprendre au dépourvu. Qu'il repose en paix dans le Seigneur.

Page précédente