Le Père Eugène GENDRON,
1877-1903


Ce jeune confrère, décédé à 26 ans, naquit à Mayenne le 29 octobre 1977. Après avoir passé quelque temps à l'école apostolique de Poitiers, il demanda son admission au grand scolasticat de Chevilly, où il arriva le 15 septembre 1895. Son cours de philosophie achevé, il fut envoyé àCellule, en qualité de professeur et y resta deux ans. Profès des premiers vœux le 2 octobre 1900 au noviciat d'Orly, il reçut les saints ordres à Chevilly et prit part en juillet 1902 à la consécration apostolique.

Tout épuisé par la maladie qui le conduisait à la tombe, il s'unit à ses confrères, immobile dans un fauteuil. A la fin de la cérémonie, une scène bien touchante émut tous les assistants. Monseigneur le Très Révérend Père, mitre en tête et crosse en main, s'avança vers ce malade, victime doublement consacrée, et lui donna l'accolage paternelle, avec une tendre compassion. On vit alors tout un rayonnement de joie illuminer ce front déjà couvert des ombres de la mort. En 1903, le P. Gendron rédigeait cette poétique méditation :

La Main de Dieu
0 douce main de Dieu ! son étreinte qui blesse
Me fait sourire à la douleur :
La vertu qu'elle cache affermit ma faiblesse,
Et me rend fort de mon malheur.
Il me semble que Dieu dans son caprice austère
Joue à la balle avec que moi;
Que plus il frappe fort, plus je saute de terre
Pour monter haut, pour monter droit.
Parfois je tremble et dis : ô fleur à peine éclose,
Il est trop tôt pour te flétrir ;
Puis je songe qu'il faut que les feuilles de rose
Tombent, pour voir le grain s'ouvrir.
Et si l'adversité, semblable au flot rebelle,
Me poursuit sans me relâcher,
Je dis : plus l'eau se trouble et plus la pêche est belle,
Quand c'est Dieu qui veut y pêcher.
Il m'accable souvent, mais sans me rendre triste,
Car je sais qu'il fait ce qu'il doit
L'orgue reste muet si la main de l'artiste
N'en frappe les touches du doigt.
Laissons, laissons frapper : la croix est un salaire
Et le paiement du Dieu qu'on craint.
Puis, à quoi servirait la gerbe au fond de l'aire
Si le fouet n'arrachait le grain ?
A quoi pourrait servir la grappe qui se penche
Aux rameaux d'un cep qu'elle tord,
Si la meule, au pressoir, ne l'écrase et n'épanche
La sève ardente en un vin fort ?
On émonde en son temps la vigne, jeune encore,
Pour que la fleur se change en fruit
Ainsi par la douleur, la vertu s'élabore,
Et l'âme, féconde, produit.
Souffrons donc dans la paix . l'homme est une semence,
Que la croix seule fait germer;
Elle active la vie et, sous voile, commence
Ce que le Ciel va consommer.
D'ailleurs le Dieu qui'frappe est le Dieu qui console;
Il boit au fiel qu'il vient offrir;
Sa main droite bénit ce que la gauche immole,
Et fait un bonheur de souffrir.
Je baise, ô mon Jésus, votre main salutaire
J'en veux adorer tous les coups
Jusqu'au jour heureux, où, m'enlevant à la terre,
Elle m'emportera vers vous !

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