P. Charles GRUNER

Pendant mon congé en Alsace, une question m'a été souvent posée. "Voyons, mon Père, l'Afrique a-t-elle encore besoin de missionnaires ? La plupart des diocèses ne sont-ils pas actuellement gouvernés par des évêques du pays ? "

Comme seule réponse à cette question, laissez-moi vous exposer tout simplement la situation du diocèse de Bangui en République Centrafricaine. J'y travaille depuis 25 ans. Il compte 495 000 habitants. Sur ce demi-million, à peine 100 000 sont catholiques. Il faut faire vivre ces derniers et convertir les autres. Que feraient nos trois abbés indigènes, s'ils étaient tout seuls ? Et ce n'est ni demain, ni dans quinze ans que les 51 spiritains et les 9 prêtres européens qui les aident seront remplacés.

Certes, la promotion du clergé indigène indique, à notre grande joie et fierté, que le christianisme a pris chez nous des racines profondes, mais, croyez-moi, la formation d'un nombreux clergé demeure une tâche bien rude, Il nous est difficile d'avoir de grands séminaristes qui persévèrent. Alors que notre petit séminaire compte, cette année, 52 élèves, eux, les grands, ne sont que trois en tout. Avec l'indépendance du pays, les carrières les plus honorifiques sont ouvertes à ceux qui sont capables de faire de longues études. Alors, il faut à nos jeunes Africains d'aujourd'hui beaucoup plus de générosité pour se faire prêtres. Il y a une autre difficulté avec laquelle il nous faut lutter. C'est celle des distances. Notre diocèse compte 21 missions, ayant chacune son église et ses prêtres. Certains d'entre eux passent la plus grande partie de leur temps en voyages. Il s'agit de visiter les nombreux villages qui dépendent des paroisses et qui, bien souvent, en sont éloignés de 100, 200 et même 300 km. Ces villages ne voient donc leur prêtre que 4 à 5 fois par an. Ce triste état de choses dont vous, en Alsace-Lorraine, ne voudriez à aucun prix, vos frères et soeurs africains devraient-ils s'en contenter toujours ? Il nous faut absolument fonder de nouvelles paroisses. Pour cela, davantage de missionnaires nous sont nécessaires. L'Afrique ne peut encore les fournir. C'est donc à vous de nous aider.

A tout ce1a s'ajoutent enfin les divers mouvements d'Action Catholique qui se multiplient, non seulement dans nos paroisses, mais aussi dans certains villages importants. Ces mouvements ne se rnaintiendront que s'il y a suffisamment de prêtres spécialisés pour s'en occuper régulièrement. Or ce n'est que d'Europe que nous pouvons attendre ces spécialistes. Nous en avons déjà quelques-uns, mais ils sont loin de suffire.

De ce bref exposé, vous avez déjà tiré la conclusion qui s'impose: " Oui, l'Afrique a encore besoin de beaucoup de missionnaires. " Dans vos prières pour les vocations sacerdotales, n'oubliez pas les diocèses africains; Dieu ne se laisse pas vaincre en générosité ! Plus vous donnerez de prêtres à l'Af rique, plus aussi, il fera germer parmi vous de nombreuses et solides vocations.
R. P. Charles GRUNER
Sup. princ. de Bangui - Türckheim (Ht-Rhin).

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