Le P. Alphonse GUHMANN,
profès des vœux perpétuels, décé-dé à Fribourg, le 9 juin 1956,
à l'âge de 63 ans et après 43 années de profession.


Le P. Guhmann, né le 1" août 1892, à Herrlisheim (Bas-Rhin), est mort à la tâche, après avoir rendu de très appréciables services, comme missionnaire d'abord, au Sénégal, de 1920 à 1937, puis au service de la Procure Générale, à Fribourg, de 1937 à 1956.

A défaut d'une notice plus complète, qu'un confrère nous adressera peut-être dans la suite, nous nous contentons de reproduire l'article paru dans le journal «La Liberté» du 12 juin dernier.

Au moment où paraîtront ces lignes, les Pères du Saint-Esprit, les Sœurs de la clinique Sainte-Anne, des parents venus d'Alsace et des amis auront conduit la dépouille mortelle du cherr P. Guhmann à sa dernière demeure.

Beaucoup d’anciens malades de la clinique auront eu une prière reconnaissante pour l'aumônier qui leur a apporté si souvent édification et réconfort. Beaucoup d'autres qui ont été préparés par lui à leur entrée dans l'éternité l'auront accueilli avec allégresse.

Et là-bas, au Sénégal, au pays des Sérères, l'émotion sera vive quand ils apprendront la mort de leur père dans la foi, car le P. Guh­mann fut un pionnier de la conversion de la population sérère au catho­licisme. Là où jadis il jeta les fondations d'une nouvelle mission, il y a maintenant des milliers de chrétiens et le mouvement de conversion continue à un rythme accéléré.

Le P. Guhmann était né à Herlisheim, en Alsace, de parents pro­fondément chrétiens. Très tôt, à l'âge de huit ans déjà, l'appel des mis­sions lointaines retentit dans son âme, et au soir de sa vie il a pu con­fier que jamais il n'eut d'hésitations sur la route, à suivre et jamais non plus le moindre, regret d'avoir suivi l'appel divin.

Et pourtant, sa route fut traversée de rudes épreuves. A l'âge de 2l ans, il est atteint de phtisie pulmonaire. Tout semble compromis, mas deux séjours à Montana, de 1913 à 1920, lui rendent la santé. Il se sent même assez fort pour solliciter la réalisation de son rêve: partir, missîonnaire, pour l'Afrique. Les Supérieurs lui attribuent comme champ d'apostolat le Sénégal, dont le climat ne serait pas trop défa­vorable.

Heureux de sa nomination, il s'empressede gagner Paris pour se joindre au groupe de mission aires qui doivent, sembarquer sur le paquebot L'Afrique, à Bordeaux en janvier 1920... Grosse déception en arrivant à Paris: on avait oublié d'inscrire son, nom sur la liste des passagers Surmontant sa déception, il part tout seul pour Marseille, à la recherche d'un bateau en partance pour Dakar. Par chance, il y trouve une place. Quinze jours plus tard, il débarque à Dakar. Mais personne ne l’attend plus! On le croyait sur l’Afrique; or, ce bateau qu'il aurait du prendre avait fait naufrage au large de Bordeaux, et les 22 misionnaires du Saint-Esprit, y compris l'évêque de Dakar, Mgr Jalabert avaient tous péri... Le P. Guhmann a toujours attribué cette mystérieuse sauvegarde à l'intervention de Ste Thérèse de l'Enfant-Jésus à qui il avait confié son apostolat.

Le jeune missionnaire se met au travail de tout son coeur... Pendant quelques mois, il fait encore la sieste l'après-midi pour suivre les con­seils du médecin, mais, bien vite il ne se ménage plus. Pendant dix-huit ans, il mènera la vie d'un apôtre infatigable. Sa jeune mission de Diohine progresse et s'avère pleine de promesses...

Et voilà que l'épreuve le visite de nouveau. Une crise de coeur le terrasse. De Noël 1936 à Pâques 1937, il est cloué sur un lit d'hôpital, à Dakar, entre la vie et la mort. Dès que son transport est réalisable, on le rapatrie. Il quitte son Afrique, le coeur serré, car il sait qu'il -ne pourra plus y revenir.

Le séjour au pays natal lui rend un peu de force, ce qui lui permet d'accepter son poste à l'Institut des Missions, à Fribourg. Contre toute attente, il peut rendre service pendant dix-huit années encore.

Modèle de courage et de fidélité au travail, il a eu la consolation d'exercer, en plus, son ministère auprès des malades de la Clinique Sainte-Anne. Quand il compatissait aux épreuves des malades, quand il les encourageait à accepter la souffrance et à regarder plus haut, ce n'était pas seulement des paroles qu'il leur apportait, c'était un peu de son état d'âme qu'il s'efforçait de leur transmettre

Prêtre profondément surnaturel, à l'esprit de foi vigoureux, il vivait dans la reconnaissance au milieu des épreuves. A un moment où il croyait sa fin toute proche, il confia à un confrère: «Père, je voudrais encore vous dire quelque chose. Voyez-vous, je ne voudrais, pas qu'à cause de mes maladies et de mes souffrances vous croyiez que j'aie jamais eu à me plaindre du Bon Dieu! Oh non! J'ai toujours été choyé par sa Providence. En quittant Montana, je lui ai demandé dix ans de vie pour travailler en Afrique. Il m'en a donné dix-huit de travail à plein rendement. Et puis, dans sa bonté, Il m'a donné encore dix-huit ans de maladie pour me préparer au ciel. Deux fois dix-huit ans! Je crois que je vais mourir: le Bon Dieu m'a comblé.»-

Devant une vie si bien remplie, comment oser nous plaindre de la voirr achevée trop tôt à notre gré? Remercions, plutôt le Bon Dieu pour l'oeuvre admirable qu'Il a accomplie par son missionnaire et pour l'oeuvre plus admirable encore qu'Il a opérée dans son âme.

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