Monseigneur Georges GUIBERT
décédé à Paris, le 30 septembre 1997, âgé de 82 ans
inhumé à Chevilly, le 3 octobre


Né: 05.09.15, Paris. Prores: 08.10.38, Orly. Prêtre: 10.08.41, Chevilly.
Evêque : 19.02.50, Dakar.
AFFECTATIONS: Sénégal : Dakar, procureur du vicariat (42-46). France : Maison mère, vice­procureur général (46-49). Sénégal : évêque auxiliaire de Dakar (50-60) La Réunion évêque de Saint-Denis (60-75). France : aumônier de clinique à Paris (75-92) ; retraite (92-97).

Le berceau de la vocation de Georges Guibert a été sa famille de petits commerçants qui plus tard prirent leur retraite à Massy. Il a passé quelques années au séminaire de Versailles, avant d'entrer, tonsuré, au noviciat d'Orly. Mobilisé en 1939, libéré en 1940, ordonné prêtre en 1941, il part, un peu à l'aventure, pour Dakar en 1942. Après un difficile passage en « zone libre », il est pris à la fin de la traversée dans le débarquement des troupes alliées à Oran. Il n'est mobilisé que quelques jours et peut enfin rejoindre son poste au Sénégal. Il sera procureur du vicariat avant d'être affecté, pour une durée très brève, à Kaolack et Diourbel.

Il est rappelé en France en 1946, et il assume la charge de vice-procureur général, sous les ordres du P. Letourneur. En 1949, il est remarqué par Mgr Lefebvre, jeune vicaire apostolique de Dakar, mais qui ressent le besoin d'un auxiliaire, du fait de ses absorbantes fonctions de Délégué apostolique pour l'Afrique francophone. Dakar eut ainsi pendant dix ans deux pasteurs : l'évêque volant, le Délégué partant souvent en avion pour visiter les territoires africains commis à sa sollicitude ; l'évêque roulant, l'auxiliaire parcourant inlassablement en voiture les missions de brousse, attentif aux besoins matériels et spirituels de ses confrères. De parole et d'abord faciles, il souffrait cependant d'ignorer les langues locales et de ne pouvoir engager la conversation comme il aurait voulu, comme il aurait fallu, avec chrétiens et musulmans.

En 1960, les fonctions du Délégué apostolique prennent fin, ce qui libère son auxiliaire. Mgr Guibert est alors nommé évêque de La Réunion, en remplacement de Mgr de Langavant, démissionnaire. Son premier message, au Nouvel An 1961, trace son programme apostolique, qu'il emprunte au cantique des anges dans la nuit de Noël : «La gloire pour le Seigneur, et pour nous la paix ». Ce qui est inscrit en quelque sorte dans sa devise (elle lui avait été suggérée par Mgr Le Hunsec, qui l'avait empruntée à saint Augustin) : « Dilatentur spatia caritatis ! » que l'on pourrait traduire : « Tout faire pour que l'Amour rayonne le plus possible ». La tâche du nouvel évêque ne sera pas facile. La fin de l'époque coloniale avec le retour de De Gaulle au pouvoir avait déclenché une effervescence politique, concernant le statut de l'île : départementalisation, autonomie, indépendance?... Cette bipolarisation passionnelle traverse toute la société : toute la vie de l'ile est passée au crible du filtre politique.

Le clergé n'échappe pas aux passions. Le démarrage de la période post­conciliaire engendre aussi bien des remous. Bien qu'on ait voulu lui forcer la main, Mgr Guibert a su rester libre et favoriser la liberté pour tous. En tant qu'évêque, il a toujours refusé de bloquer l'Eglise avec un choix politique. Sans transiger avec les exigences de l'Evangile, il a su transmettre ce que l'Eglise a reçu. Avec le recul du temps, l'on peut dire que l'Eglise, durant l'épiscopat de Mgr Guibert, a porté une sérieuse contribution à l'assainissement des mœurs électorales, comme au développement de la vie associative à travers l'éducation populaire.

L'attention de notre évêque à la situation des jeunes en difficulté s'est traduite par l'implantation de l'Oeuvre des Apprentis d'Auteuil à La Réunion. De même la création de l'Aumônerie réunionnaise à Paris voulait aider les Réunionnais à s'insérer dans le tissu social et pastoral de la Métropole, dans la mesure où des personnes avaient fait le libre choix de partir.

Mgr Guibert a donné un nouvel essor à la catéchèse diocésaine. Il a encouragé les relations entre catholiques des diverses îles du sud-ouest de l'Océan Indien. Ce faisant il a contribué au lancement de ce qui allait devenir la Conférence Episcopale de l'Océan Indien. A son initiative, les Frères de Saint-Jean de Dieu se sont implantés dans l'Ile. Surtout, en 1972, l'évêque installait les moniales dominicaines cloîtrées, qui sur la colline du Rosaire témoignent de la nécessité de la croix et de la contemplation pour parvenir à la résurrection. A une époque où les vocations se faisaient rares, il pouvait souligner que vingt ordinations avaient été faites en quinze ans.

Après vingt-cinq ans d'épiscopat, à Dakar et à Saint-Denis, Mgr Guibert quitta son siège, souhaitant laisser la place à un enfant du pays, qu'il prit soin d'ordonner lui ­même. De retour en France, aumônier dans une clinique des Frères de Saint-Jean de Dieu, il s'intéressa toujours de près à la vie du diocèse, et les Réunionnais vivant dans l'Hexagone pouvaient compter sur lui dans la mesure de ses disponibilités. Depuis sa retraite chez les Petites Sœurs des Pauvres, ses forces commencèrent à baisser. Il passa de nombreuses fois à l'hôpital pour des opérations sérieuses.

Quand je l'ai rencontré, en août dernier, il crânait, sans donner le change. Il y a des pudeurs d'homme qu'il faut savoir déchiffrer : pour faire comprendre qu'il approchait de son heure dernière, il affirmait bravement que « bientôt cela irait beaucoup mieux ». L'infirmière qui le soignait en sa période finale témoigne : « Il était très digne dans la souffrance. Jamais il ne se plaignait. Il est allé jusqu'au bout dans son combat. Il a tout offert dans la joie ».

Je redis aujourd'hui ce que j'écrivais au moment où Mgr Guibert quittait le diocèse : « Dans la lourde tâche qui a été la sienne on retiendra surtout l'image d'un homme aux épaules larges, qui a su encaisser les coups durs, tenir bon dans l'adversité et manifester une réelle bonté à l'égard de ses prêtres à qui il laissait une grande liberté ».
Repris et résumé de l'homélie de Mgr Gilbert AUBRY, Evêque de Saint-Denis de La Réunion

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