Le Père Jean-Baptiste Hivet,
décédé à Loango, le 4 décembre 1890,
à l’âge de 36 ans.


M. le chanoine Chédaille a composé, sur le Père Hivet, une fort intéressante notice dont voici les principaux passages :

« Jean-Baptiste Hivet était né à Saint-Quentin, le 24 octobre 1854. Il appartenait à une famille foncièrement chrétienne et qui a fait du dévouement aux œuvres d’enseignement comme sa carrière spéciale. À l’époque de sa première communion, qu’il fit le 10 septembre 1865, il montra une foi et une piété qui ne devaient jamais se démentir, et que les années qu’il passa au petit séminaire Saint-Léger de Soissons ne firent qu’accroître et fortifier chaque jour.

« C’est au séminaire de Notre-Dame de Liesse, tout d’abord, où son frère aîné était depuis de longues années déjà professeur, qu’il fut envoyé, lui aussi, comme professeur.

« Le 23 octobre 1886, il entrait au noviciat des Pères du Saint-Esprit. Il avait hésité un instant, nous le savons, entre cette congrégation et la société des Missionnaires d’Alger, dite des Pères Blancs. Il avait, lors de son voyage en Tunisie, été très gracieusement accueilli par Son Éminence le cardinal Lavigerie. Toutefois, la lecture de la vie du Père Libermann fit sur son esprit une impression décisive.

« Dès son arrivée à Loango, le P. Hivet fut chargé de la direction des séminaristes ; il devait les former à la connaissance de la langue latine, de l’histoire, de l’arithmétique et leur donner une culture générale suffisante pour les préparer à l’étude de la théologie. “ Mon lot, écrivait-il, est donc de préparer des prêtres noirs, qui devront régénérer l’Afrique équatoriale. Au lieu de convertir les Nègres, je dois préparer les convertisseurs, j’agis sur des multiplicateurs. ”

« Était-ce bien là ce qu’il avait rêvé en quittant sa famille, son pays, ses amis ?… Non, peut-être. Il aurait surtout désiré s’enfoncer dans l’intérieur des terres, après avoir appris rapidement la langue fiote, et, tout en se livrant avec toute l’ardeur dont il était capable à l’œuvre pour laquelle on le désignait dès son arrivée sur la terre d’Afrique, il étudiait sans relâche et dans ses rares moments de loisir sa langue dans laquelle il espérait parler à “ses frères noirs”, qu’il aimait déjà comme de vrais frères.

« Cependant, il se dévoua tout entier à ses fonctions d’instituteur et d’éducateur. Et, comme le meilleur moyen de sanctifier les autres est de se sanctifier soi-même, notre missionnaire travaillait ferme à sa propre sanctification.

« Dans une lettre reçue postérieurement, il parle de plusieurs missionnaires qui on dû retourner en Europe et d’autres qui avaient succombé. “ Nous avons, disait-il, dans notre cimetière, le corps d’un missionnaire, le P. Duparquet, celui d’une Sœur de Saint-Joseph de Cluny, et ceux de sept ou huit enfants, dont la mort est une bénédiction et sera pour notre mission une semence de chrétiens. ”

« Hélas ! il ne se doutait guère que le même cimetière, qui avait reçu le corps du P. Duparquet, allait bientôt s’ouvrir pour lui-même. Certes il ne s’était pas donné à demi au bon Dieu ; c’est de grand cœur qu’il s’était livré et avec toute sa volonté, Corde magno et animo volenti. Dieu voulait se contenter de ces quelques années d’un travail opiniâtre et lui donner de bonne heure le repos éternel. “ Je ne désire pas le martyre, écrivait-il à une de ses sœurs, je n’en suis pas digne d’abord et puis cela fait trop parler de celui qui a eu ce grand honneur ; tout ce que je désire, c’est une puissance irrésistible sur les Nègres pour que je puisse les sauver. Mon martyre sera ma fatigue de chaque jour… Heureux ceux qui vivent pour le bon Dieu, ils mourront en Dieu. ”

« Quand ces dernières lettres parvinrent à sa famille, il n’était déjà plus. Le 4 novembre, en la fête de saint Charles, il succombait à un accès de fièvre plus violent, et, le 20 décembre, c’est-à-dire six semaines après sa mort, sa famille, qui avait reçu, dans le cours même de novembre, une lettre où il ne parlait plus de sa santé, qui le croyait par conséquent plein de vie, recevait communication de cette lettre de Mgr Carrie au T. R. Père Général : “ Je viens vous apprendre une bien triste nouvelle, une très grande perte que vient de faire la mission de Loango. Il a plu au bon Dieu de rappeler à lui le cher P. Hivet, décédé le 4 courant, à neuf heures dix du soir, par suite d’une fièvre bilieuse, compliquée d’accès pernicieux. Le docteur de Loango et nous, avons épuisé tous les soins et tous les remèdes possibles pour conjurer le mal, rien n’y a fait.

“ Le cher père a succombé au quatrième accès pernicieux et s’est endormi paisiblement dans la paix de celui qu’il était venu servir en Afrique.

“ Le P. Hivet possédait, en effet, la science et la sainteté à un degré qui n’est pas ordinaire, tous lui rendent ce témoignage. Il se distinguait surtout par son amour envers le Sacré-Cœur de Jésus et par un zèle ardent pour le salut des Noirs. Il aurait voulu parcourir les villages pour les convertir ; il s’était mis pour cela à l’étude de la langue avec une ardeur étonnante.

“ Ses travaux à cet effet, joints à la fatigue qu’il se donnait pour ses élèves et à la vie mortifiée qu’il menait, ont, je crois, hâté sa fin. Que le bon Maître lui donne la récompense de ses bons et fidèles serviteurs ! ” » -
BG, t. 16, p. 16.

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