LE F. XAVIER HOFBAUER 
DE LA PROVINCE DE FRANCE

décédé à N.‑D. de Langonnet, le 2 janvier 1908.
(Not. Biog. III p. 211-215)

Enfance et jeunesse.

François‑Xavier HofBaüer naquit à Lerchensang, paroisse d’Amtzelle, diocèse de Bottembourg, dans le royaume de Wurtemberg, le 2 décembre 1835. Son père Johannes Hofbaüer, forgeron du village, et sa mère, Adelheidt Friker, étaient de bons chrétiens. Ils eurent 4 enfants, 2 garçons et 2 filles; Xavier était le troisième. Il était encore en bas âge lorsqu'il perdit son père. Sa mère se remaria; et après avoir donné 3 demi‑frères à ses premiers enfants, elle mourut à son tour. Xavier n'avait encore que 7 ans.

Quelques mois après, son beau‑père, qui s'était remarié, le plaça chez le frère de sa grand'mère maternelle, Xavier Blattner, demeurant à Valdburg, qui l'adopta contre une petite redevance d'environ 18 francs par an. Il resta en cette maison jusqu'à l'âge de 14 ans (1843-­1849), chargé de garder un petit troupeau de 7 à 8 bêtes à cornes et d'aider un peu aux travaux de culture. Dans sa famille adoptive, il trouva une, bonne vieille fille qui fut un peu comme sa seconde mère; elle lui donnait souvent des sous pour l'engager à apprendre et à réciter des prières à la Sainte Vierge. D'ailleurs, il le dit lui‑même, on lui laissait la bride sur le cou, libre de suivre ses caprices et ses penchants à la paresse et au vagabondage.

Au printemps de 1849, Xavier revint à Amtzelle et se plaça chez un cultivateur nommé François Ortlicle. C'est là qu'il fit sa première communion, le dimanche de Quasimodo 1849. En 1851, il était reçu chez un riche facteur d'orgues. Xavier avait déjà manifesté de véritables dispositions pour la musique; il put donc, à sa grande joie, commencer à développer ses talents. Mais, au mois d'août de la même année, il dut entrer en apprentissage chez un maître tonnelier, où il travailla jusqu'à son entrée dans la Congrégation.

Vocation.

Une circonstance singulière lui donna la première idée de sa vocation. On était à cette époque au fort des tables tournantes. Xavier fréquentait une famille chrétienne où, sans en comprendre la gravité, on se livrait à ces pratiques superstitieuses Il y avait dans cette famille 4 jeunes filles; et Xavier avait eu la pensée de se marier avec l'une d'elles. L'oracle fut donc consulté. « Mais, dit‑il lui-­même, voici que, contre mon attente, il me fut répondu : non !» La table ajouta même que je deviendrais religieux. Je pris cette réponse comme une plaisanterie... cependant l'oracle avait dit la vérité. »

Vers la fin de février 1854, Xavier, poussé par ses instincts vagabonds, eut l'idée d'émigrer en Amérique. «N'ayant rien à perdre dans l'ancien monde, dit‑il, je pouvais bien, comme tant d'autres, aller tenter la fortune dans le nouveau. » Mais étant allé dans sa paroisse natale pour se procurer les papiers nécessaires, il arriva juste au moment où 3 Pères Rédemptoristes y donnaient une mission. Une sortie que fit en chaire le bon vieux P. Alter, contre les partisans d'émigration, décida notre aventureux tonnelier à remettre le voyage à plus tard.

L'heure de la Providence allait sonner. L'aîné des enfants de Johannes Hofbaüer avait été amené par un concours de circonstances providentielles à faire ses études classiques. Joseph, né en 1832, par conséquent de 3 ans plus âgé que Xavier, n'avait que 6 ans à la mort de son père et 10 à la mort de sa mère. Le curé d'Amtzell l'avait remarqué ; il lui proposa de lui donner des leçons de latin pour qu'il pût devenir prêtre : car le jeune enfant se sentait vivement attiré au service des autels. Mais, vu la modicité de son héritage paternel (environ 1500 francs), la chose présentait de graves difficultés. Des parents et d'autres personnes charitables lui vinrent en aide ; il fit ses études; et, après diverses péripéties, il était à N.‑D. du Gard (Somme) en 1852. Deux ans plus tard, son frère Xavier, qui avait eu aussi bien des velléités de vie religieuse, au milieu de ses projets de mariage et d'émigration, apprend qu'un jeune ecclésiastique est venu pour le voir en son absence. « Il est, lui dit‑on, vêtu d'une soutane, avec rabat et chapeau comme les séminaristes français ; on n'en a jamais vu comme cela ici : il dit qu'il est votre frère, et qu'il est venu pour vous voir. » Tout cela était exact : dans ses changements de domicile,jamais depuis deux ans, Xavier n'avait reçu de nouvelles directes de Joseph. « En voyant mon frère pour la première ffois en costume ecclésiatique, écrit‑il, cela me fit une forte impression ; puis j’éprouvai une grande joie quand il me dit que dans la congrégation où il se trouvait, on recevait aussi des frères coadjuteurs. »

Les deux Hofbaüer ne passèrent que deux jours ensemble ; mais au départ de l'abbé, il était con­venu que sous peu l'agriculteur‑boulanger‑musicien-tonnelier ferait des démarches pour obtenir son admission à N.‑D. du Gard. Sa demande ayant été agréée, il arriva à Paris au mois d'octobre 1854. Ne sachant pas le français, Xavier, pour payer son cocher. lui remet tout bonnement sa bourse... afin qu'il puisse puiser à volonté 1 « Je ne crois pas cependant qu'il en ait abusé, » observe le naïf voyageur. C'est à Paris même que Xavier trouva son aîné Joseph, car le Grand Scolasticat venait de s'installer à l'Impasse des Vignes. Sans retard, le nouveau postulant gagne le noviciat des Frères à N.‑D. du Gard. Le R. P. Burg, Supérieur, reçut Xavier Hofbaüer avec sa bonté, sa douce et gaie familiarité que tant de nos confrères ont expérimentées au Gard, à Mons‑Ivry, en Allemagne, et à Che­villy. On était presque à la veille du jour mémorable de la déclaration du dogme de l'Immaculée‑Conception, quand notre cher F. Xavier prit place parmi les heureux enfants du Cœur de notre Immaculée Mère, la Vierge Marie. (27 octobre 1854,)

Vie religieuse.

En octobre 1854, la Communauté de N.‑D. du Gard présentait un aspect vraiment religieux. Tout était modeste, édifiant. Quatre Pères : les PP. Burg, supérieur, Callu, économe, Guilmin et Corbet Jean‑Baptiste, professeurs. Il y avait bon nombre de Scolastiques, quelques Frères profès et 30 à 40 novices ou postulants Frères. Le nouveau venu fut très édifié de ce genre de vie, si différent de ce qu'il avait vu jusqu'alors. De leur côté, ses directeurs, constatèrent que, non seulement il avait la vocation religieuse, mais qu'elle était une nécessité pour lui.. Toutefois les épreuves ne lui manquèrent pas. Voici une des premières ‑ « J'avais apporté avec moi au Gard ma flûte et ma clarinette, et j'en jouais, au commencement, pendant les récréations : mais le bon P. Callu, trouvant mes airs de danse trop gais pour un noviciat, les fit supprimer; ce qui me causa un vif chagrin et me fit même verser des larmes. » Le noviciat, commencé en Picardie, devait se terminer en Bretagne : on venait d'accepter l'oeuvre de St‑Ilan. C'est alors que les Léonistes de M. du Clésieux furent incorporés à notre Congrégation.

Le 14 décembre 1856, le F. Xavier émit ses premiers voeux à St‑Ilan. Il avait été employé jusque là, soit à St‑Ilan, soit à Carlan, comme jardinier, boulanger, magasinier, tonnelier. Sa vocation comme musicien‑religieux, se révéla peu de temps après sa profession. Étant allé en Allemagne il fut, à son retour, sujet à des accidents qui lui causèrent une telle faiblesse qu'il ne pouvait plus se livrer à aucun travail manuel. Comme, depuis l'âge de 10 à 12 ans, il avait toujours fait un peu de musique, il s'exerça, pendant sa maladie, à jouer du piano, de l'harmonium et de l'orgue, Les succès surpassèrent son attente. En un temps relativement court, il devient organiste, chef de fanfare, maître d'orchestre, donnant des leçons de piano, d'harmonium, et de toutes sortes d'instruments. Avec un talent peu ordinaire, il prépare et rehausse les offices et les fêtes scolaires. Pendant 44 ans, il rendra de bons et loyaux services à nos maisons, et même pour pouvoir enseigner en France, sur sa demande, il fut naturalisé français, par un décret du 8 février 1896. Il fut maître de musique, successivement, à Cellule, à N.‑D. de Langonnet, à Merville, à Épinal. Pendant ces longues années d'enseignement, le bon Frère eut à faire bien des actes d'abnégation : il est parfois difficile, en effet, dans une maison d'éducation, de concilier les exigences des études avec celles de la musique. En bon religieux, il donna de grands, exemples de patience, d'humilité et de condescendance ; ces actes de vertus, souvent peu remarqués, ont reçu sans doute aujourd'hui leur récompense.

Derniers jours.

Cependant le F. Xavier avait dépassé sa 75° année ; malgré son âge, il travaillait toujours. Mais marcher, monter, des­cendre, lui était devenu peu à peu très pénible. Le 25 janvier 1901, au sortir de. la chapelle St‑Joseph d'Épinal, il fit une chute dans un escalier. Malgré les soins qui lui furent donnés, il resta infirme et le 8 octobre 1902,  1901, le F. Clet ramenait à N.‑D. de Langonnet ce vétéran qui avait rendu tant de services à cette communauté de 1866 à 1889. Il put encore, pendant quelques années diriger le chant aux offices, Mais l'année dernière il dut se résigner à laisser de côté toute direction, Il s’appliqua alors, plus que jamais, à se montrer bon religieux, par sa fidélité aux saintes règles. C'est ainsi qu'il se préparait au voyage suprême. Fatigué par l'âge et les travaux, sourde­ment miné par le diabète, il comprend, en effet, que l'heure du grand sacrifice approche. Le 26 décembre 1907, fête de saint Étienne, il demande les derniers sacrements, afin d'offrir à Dieu sa vie en union avec le premier martyr de Jésus­ Christ. Le lundi 26 décembre, il entre en agonie, qui se pro­longe 4 jours ; et le samedi 12 janvier, vers 3 heures et demie du matin, après avoir reçu une dernière absolution, il rend doucement son âme à Dieu.

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