Le Père André HOUDAN,
1918-1948.


Cinquième d'une famille de huit enfants, André Houdan naquit à Caen, le 13 juillet 1918 et fut baptisé à la paroisse Saint-Jean.

Très tôt il désira être prêtre et bien vite il songea aux missions lointaines ; ses aînés lui donnaient l'exemple : un frère le devança au séminaire et deux sœurs dans la vie religieuse. Ses études à l'institution Saint-Marie le confirmèrent dans sa vocation.

Le 4 août 1936, le supérieur du collège écrivait à son sujet :"Des renseignements sur André Houdan ? Excellents, tout ce qu'il y a de plus excellents. Je vous en souhaiterais comme celui-là à la douzaine. Ce n'est pas qu'André soit un sujet brillant. Je ne lui connais pas de talent qui puisse le mettre en vedette, mais ce qui vaut mieux : du sérieux, de la pondération, un jugement droit, doublé d'une certaine finesse d'appréciation. Avec cela foncièrement pieux. Reçu à la seconde partie du baccalauréat, grand prix d'honneur de sa division, prix d'excellence, d'instruction religieuse, de dissertation, de physique, de chimie, de mathématiques, en somme un très bon ensemble. Si j'ajoute que sa famille très nombreuse jouit à Caen de l'estime générale, vous pouvez vous réjouir de le voir venir, et nous plaindre d'être obligés de vous le donner ... Mais penserez-vous seulement à nous plaindre ? "

Profès à la fin de son noviciat le 8 septembre 1937, ses études furent interrompues par la guerre de 1939-1940. Incorporé dans l'année le 19 septembre 1939, il passa le "caducée" le 15 décembre et partit peu après dans l'est de la France, pour une destination inconnue. L'armistice survenu le 22 juin 1940 le rendit à Chevilly, où il reçut l'ordination sacerdotale le 29 juin 1943. L'année suivante, ses vœux étaient exaucés : il était affecté aux missions du vicariat apostolique de Guinée-Conakry.

L'obéissance ne lui permit pas cependant de partir aussitôt. Des confrères plus anciens, retenus par la guerre, avaient priorité pour le départ. Il lui fut demandé de prendre la place du P. Hyernard aux œuvres d'Auteuil, et de profiter de ce séjour à Paris pour suivre les cours de droit canon à l'institut catholique ! Les supérieurs ont parfois des projets que la Providence n'entérinent pas ... Après une année à Auteuil, section "Foyer à la campagne", le P. Houdan rejoignit la Guinée et son poste d'affectation : la mission d'Ourous-Youkounkoun ; il y parvint au mois de novembre 1945. Ce poste missionnaire s'adresse à trois ethnies, trois langues : Coniagui, Badiar et Bassari.

C'est le supérieur de la mission, le P. Besnier, qui a composé la notice de la courte vie missionnaire de son jeune confrère :

" La mission du Badiar est de nouveau en deuil. Le P. Houdan, après àpeine trois ans de présence, a été appelé chez le Maître ; trois ans à étudier les langues et les gens du Badiar, et avec quelle activité jamais en repos ; il ne savait pas ce qu'est la détente. Il n'était pas très solide, mais pouvait tenir longtemps ici, s'il ne commettait pas d'imprudence.

"Le 23 septembre, il eut un accès de paludisme dont il ne se remit que lentement. Le 8 octobre, M. Raynal commandant la subdivision devant partir pour deux jours à Sambaïlo, lui proposa de l'y emmener et de le ramener en voiture. Avec sa bicyclette il pourrait de là se rendre facilement à Paonka, sans fatigue, pour régler certaines questions de ministère. Le vendredi soir, 9 octobre, le P. Houdan coucha au campement de Sambailo. Le samedi matin, le commandant fit préparer le petit déjeuner sans bruit, et quand tout f-ut prêt il alla pour réveiller son hôte. Plus personne ! En regardant le réveillematin, il put constater que la sonnerie était à 3hl5 : il était parti dire la messe à Paonka, malgré les grandes herbes chargées de rosée glacée. A quelques kilomètres, il s'était arrêté, terrassé par la fièvre et un début d'hémoglobinurie . ...

"Malgré le mauvais état de la route, où il s'enlisa plusieurs fois, le commandant partit le chercher avec son camion. Dans la soirée, ils étaient de retour à Youkounkoun. Le médecin auxiliaire Diakité aussitôt alerté, voulut garder le malade près de lui, au caravansérail. Et la lutte commença contre le mal. Le médecin et ses infirmiers, de jour et de nuit, furent admirables dans leurs soins éclairés et dévoués. Les européens ne quittèrent pas le malade un seul instant, se relayant sans discontinuer . ...

"Malgré sa faiblesse, il gardait toute sa lucidité, souriant à tous, remerciant pour tous les soins, me recommandant de ne pas me fatiguer. Le matin du 18, il me dit :"Aujourd'hui c'est l'anniversaire de la mort du Père rentrera..." Le 19 et le 20, nouveaux accès de fièvre. Le paludisme l'emporte ; le délire commence. Je profite des moments de lucidité pour renouveler l'absolution, l'indulgence de la bonne mort, le Père répète les invocations que je fais. Vers onze heures c'est l'agonie, et à midi et demie, sans secousse, la mort … Le soir, on ramena le corps à la mission où il fut déposé. Les chrétiens vinrent se recueillir près de celui qui venait de donner sa vie pour eux.

"Le 21, ce fut l'enterrement. Le cercueil, que le commandant avait fait faire, fut porté par nos grands catéchistes. Toute la population européenne et indigène était là ; notre église était trop petite . ... Et maintenant le P. Houdan repose en notre petit cimetière, avec le Père Montels décédé le 2 septembre 1912, à 36 ans, et le Père Fautrard décédé le 18 octobre 1934, à 39 ans. Le P. Houdan est mort à 30 ans. Tous trois de fièvre bilieuse hémoglobinurique ! La mission est durement éprouvée. C’est que Dieu a de grandes vues de miséricorde sur elle. J’ai espoir. "

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