Le Père Jean-Marie JOUAN,
1856-1938


A Plumelec, Joseph Jouan et sa femme Marie-Louise Perrotin eurent six enfants, trois garçons et trois filles.

Jean-Marie naquit le 3 novembre 1856. Après ses classes primaires, ses parents donnèrent leur assentiment aux leçons de latin que le vicaire de la paroisse lui assurait. A la mort de son père, le 8 janvier 1873, ses études furent interrompues. Il resta quelque temps dans sa famille, puis trouva un emploi à Vannes chez un charcutier. Un ancien vicaire de Plumelec, professeur de dogme au grand sémînaire, l'abbé Le Roux, s'intéressa à lui et le fit entrer au petit scolasticat de Langonnet le 11 juillet 1873.

Après avoir fait ses études au Séminaire des Missions, à ChevillyLarue, il fut ordonné prêtre en 1881, et partit l'année suivante pour le Sénégal, où il demeurera 40 années. Sa mission au Sénégal fut des plus laborieuses et des mieux remplies. Il débute par Gorée, puis passe à Joal, où il construit en 1885, avec les subsides des Maisons

Maurel, les écoles de garçons et de filles. On sait l'importance de l'enseignement du Français dans ces régions, qui permet aux indigènes d'entrer en relations avec nos factoreries, à l'exclusion des étrangers. Puis il fonde la mission de N'Dianda dont la population lui fait l'agréable surprise de l'offre d'un immense champ d'arachides.

En 1890, il est appelé à la mission de Thiès, illustrée autrefois par le Père Audrain, le premier qui planta dans ces régions les arbres fruitiers des Antilles, dont la culture se répandit ensuite sur tout le territoire.

Ici intervient une randonnée curieuse faite par le Père Jouan à travers le royaume de Baol, où le roi l'accueille avec infiniment d'égards et d'amabilité. Devenu l'ami de ce roi et son confident, celui-ci le prévient que les Spahis, campés à 10 kilomètres, étaient sur le point de l'attaquer, mais qu'il est prêt à se défendre en leur opposant ses 2.000 cavaliers. Le missionnaire le détourne heureusement de ce projet, et lui conseille au contraire d'accueillir les Français, de leur faire fête, et de les recevoir en se parant de leurs plus beaux habits, et à coups de joyeux tam-tam. Il en fut ainsi, et grâce à cette intervention inspirée du plus pur sentiment de christianisme et de patriotisme, pas une goutte de sang ne fut versée.

On sait toute l'importance que les voies de communication ont toujours joué au Sénégal, surtout avant la création de la ligne de chemin de fer qui relie ce pays au Soudan. C'est grâce encore à l'activité du Père Jouan que certaines routes furent construites et permirent d'arriver dans les régions jusque là impénétrables. Dans la région des Diobas, une route est tracée d'après le plan fourni par le Père Jouan, pour permettre la visite de l'Administrateur. Cette route carrossable faite très rapidement par des milliers de villageois réunissait Thiès àla mer. Elle fut inaugurée par un escadron des Spahis, en présence de l'Amiral Decazes et de sa dame. Le chef du pays des Diobas, qui n'était qu'un tyran pillard, fut déposé, et les notables réunis voulurent lui donner pour successeur le Père Jouan, fonction qu'il n'accepta pas d'ailleurs, par modestie, se contentant d'exercer la charge de secrétaire du nouveau roi élu. Le Gouvernement ne manqua pas d'adresser ses remerciements au Père Jouan pour tout le bien qu'il faisait dans le pays (le document est au Ministère des Colonies).

Nommé vicaire général du diocèse du Sénégal par Mgr Jalabert, il prend la direction de la mission de Thiès au moment où le pays était ravagé par de terribles épidémies : la peste entre autres qui enlevait Mr Clerclaut de la Compagnie coloniale. Le Père Jouan triomphait alors des résistances des Européens eux-mêmes, rebelles à subir le traitement préventif de cette terrible maladie, en leur donnant l'exemple.

Tous ses travaux furent reconnus par la remise de la décoration de Chevalier de la Légion d'Honneur, à la demande de M. Diagne, maire de Dakar, député du Sénégal et sous-secrétaire d'Etat au Ministère des Colonies.

En 1922, le Père Jouan fut appelé par la congrégation à Bordeaux 83 rue Leyteire, comme directeur et procureur de la communauté. du St-Cœur de Marie. Il savait recevoir, et agrémenter toutes les grandes réceptions par la lecture traditionnelle de son sonnet de circonstance.

Il prit sa retraite à Langonnet, où il est décédé le 2 octobre 1938. La joie très sensible qu'il goûta, la semaine avant sa mort, fut la visite du Général Flye de Sainte-Marie, Président régional de la Légion d'Honneur. Il put descendre au salon et participer à la petite fête organisée en son honneur. Et son triomphe fut la lecture d'un sonnet composé par lui en l'honneur du Général:

Gloire à la croix d'honneur ! qui brille en ce beau jour Sur le cœur rajeuni d'un vieux missionnaire C'est l'image du bien qu'il fit avec amour Au riant Sénégal, sous la chaleur solaire. Sur le bord des chemins il cueillait tour à tour Les roses du Thabor, les ronces du Calvaire Il prenait son repos au divin sanctuaire, Mais toujours en jouant, gaîment, avec humour. L'élu de ce pays, qui connut sa jeunesse Et suivit ses travaux, décore sa vieillesse. Quel jour délicieux ! nous sommes au Thabor !

Le bonheur suit l'honneur: le Pontife de Rome Embaume ce beau jour de son divin arôme. Fêtons ma Croix d'Honneur ! Fêtons mes noces d'or.

Page précédente