Le Père Auguste KERMABON,
1864-1907


Auguste Kerrnabon naquit à Kéryado, en Ploemeur, le 10 janvier 1864. Il était le second enfant et le fils aîné d'une famille qui compta trois garçons et six filles. Le père de famille travaillait comme ouvrier au port de Lorient ; la mère, maman Jeanne, était l'ange du foyer et l'apôtre de Kéryado par son attention au service des malades et des mourants. Le vicaire de Ploemeur, qui desservait le dimanche la chapelle de Kéryado, trouvait un pied-à-terre chez les Kerrnabon.

Après une excellente instruction primaire chez les Frères, Auguste fut admis, comme son père, dans les ateliers du port, à titre d'apprenti forgeron-mécanicien. Engagé à 18 ans dans la marine, il fit cinq ans de service dans les équipages de la flotte de 1881 à 1886. A Brest, il suivit le cours des élèves mécaniciens, et fut reçu, à 22 ans, second-maître mécanicien. Il pouvait donc, par son habileté et sa bonne conduite, se créer dans le monde une position relativement confortable, mais Dieu avait sur lui d'autres desseins.

En 1883, Auguste, qui n'avait pas encore terminé son service, fut embarqué sur un navire partant pour la Guyane. A Cayenne, il rencontra nos Pères, qui évangélisaient la colonie depuis une trentaine d'années ; il entra en relation avec leur supérieur, un morbihannais, le saint Père Guyodo. A son retour en France, Auguste, les larmes aux yeux, avoua à son père qu'il voulait désormais être prêtre et missionnaire. Son père lui répondit : "Mon fils, tu as 24 ans ; tu sais ce que tu dois faire. Je te donne toute permission. Pour le reste, Dieu y pourvoira. A Dieu vat ." Continuant à travailler à l'arsenal, Auguste s'initiait chaque soir au latin chez l'abbé Guillerme. Le 11 septembre 1888, il entra comme élève de quatrième à l'Abbaye de Langonnet.

Au mois de juillet 1889, la politique anti-cléricale du Gouvernement exigea le licenciement des élèves de N.D. de Langonnet. Les jeunes scolastiques qui étaient décidés à suivre leur vocation furent répartis entre les diverses maisons d'éducation reconnues de l'institut : Mesnières, Merville, Cellule, Castelnaudary, Épinal. Auguste fut envoyé àMesnières. En 1892, il y terminait avec succès ses études classiques.

On jugea alors à propos, eu égard à l'état de sa poitrine un peu faible, de l'envoyer au séminaire-collège de la Martinique. Sous la direction du P. Prono, son compatriote, il rendit quelques services au collège tout en poursuivant ses études ecclésiastiques. Le 12 juin 1896, il avait le bonheur d'être élevé à la prêtrise par Mgr Carmené, évêque du diocèse, dans l'église de St-Pierre de la Martinique.

Mgr Le Roy, supérieur général, envoya le nouveau profès en Portugal, surtout pour l'étude de la langue, dans l'espoir de l'affecter dans les territoires lusophones. Mais les circonstances l'obligèrent bientôt àl'employer en Haïti, à l'oeuvre des "Ateliers de St-Joseph". Il fut d'autant plus heureux de cette destination qu'il y retrouva son ancien supérieur de la Martinique, le P. Prono, pour lequel il conservait une reconnaissance et une affection toute filiale.

Cet établissement, créé par le Gouvernement haïtien, ayant été supprimé par un vote législatif du 29 septembre 1899, le Père Kermabon fut destiné avec deux Frères de la même maison à la mission de l'Amazonie, province brésilienne de langue portugaise. Là, comme ancien marin, il fut tout spécialement chargé de la responsabilité des bateaux de la mission, ainsi que des ateliers ; il était en outre économe de la communauté de Teffé. Il eut à subir, avec succès, l'examen brésilien de sa spécialité, qui lui donnait l'autorisation de commander tout bateau dans toute l'étendue du Brésil. Peu de temps après, il fit sur le Jurua, affluent du grand fleuve des Amazones, une excursion de six semaines avec le P. Parisier et le Frère Valentin. Il en revint exténué. Voici ce qu'il en écrivait au Supérieur général :

" Depuis trois semaines, je n'ai pu prendre aucune nourriture ; j'ai vécu de purgatifs et de vomitifs, sans un moment de repos, ni jour ni nuit. Aussi suis je réduit à ma plus simple expression. Je ne peux plus marcher, mes jambes enflées refusent tout service sérieux. Ne croyez pas cependant, Monseigneur, que je regrette pour cela d'être venu ici, ou que je refuse le travail. Non, mille fois non ! J'ai sans doute beaucoup souffert depuis les sept mois que je suis en Amazonie ; mais si vous jugez que je doive être utile encore, ne fûtce qu'à une seule âme, je le dis devant Dieu, je consens à souffrir encore davantage. Tant que j'aurai un souffle de vie, tant que je pourrai mettre un pied devant l'autre, ce sera un bonheur pour moi de vous obéir, de rester jusqu'au bout au poste où vous m'avez placé. Parfois vaincu par la souffrance, il m'est échappé quelques plaintes ; mais aussitôt j'en demandais pardon à Dieu, et je suis sûr qu'il m'aura pardonné. " (Lettre du 26 juin 1900)

Les médecins obligèrent le Père à revenir en Europe. On l'envoya en repos à Misserghin (Algérie). Rentré en France, à la suppression de cette communauté, il profita de son séjour à la maison mère pour demander les voeux perpétuels, qu'il émit à Chevilly le 22 août 1903. A sa demande, il repartit pour le Brésil le 9 février 1904. Mais, bien tôt, retombé malade, il en revint en décembre de la même année. A peine remis, il redemanda à retourner à sa chère mission ; il s'embarqua pour la troisième fois pour lAmazonie le 5 octobre 1905 ; mais hélas! au bout de cinq mois, il se retrouva contraint de reprendre le chemin de l'Europe. Un mal inexorable, dont il portait les germes depuis longtemps, la phtisie pulmonaire, allait bientôt le conduire à la tombe.

Après quelques mois passés au pays natal, le mal s'aggravant, il dut rentrer à la communauté de Langonnet. Par son caractère jovial ' autant que par ses belles qualités et son tact pratique, le P. Kermabon a su gagner l'affection et l'estime de tous ses confrères et de toutes les personnes avec lesquelles son saint ministère le mettait en relation.

L'heure de l'éternelle récompense a enfin sonné pour l'ardent missionnaire. Il a rendu le dernier soupir le soir du 22 mars 1907, pendant que l'on récitait les prières de la recommandation de son âme.

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