P. Oscar KOHLER
Décédé aux Bangalas le 14 aout 1925

à l'âge de 44 ans, après 26 années passées dans la Congrégation, dont 21 ans et 11 mois comme profès.

La Mission de la Lounda passe par de grandes épreuves. Trois semaines après la mort du P. Robert, de la Mission du Libollo, décédé fin juillet à l'hôpital de Loanda, voici que la jeune station des Bangalas pleure son troisième missionnaire dans la personne du regretté P. Oscar Kohler, victime d'une bilieuse hématurique

Le P. Oscar Kohler naquit à Cernay (Haut-Rhin), le 23 juin 1881 d'une famille aisée. Il commença ses études au lycée de Thann, de là il passa au collège catholique de Fribourg en Bade. Pendant les vacances de 1800, i1 fit la connaissance d'un missionnaire du Saint-Esprit; ce fut une révélation pour lui. En octobre suivant il vint frapper à la porte du Petit Scolasticat de Merville, où le 2 février 1901 il reçut le saint habit religieux.

Il n'oublia jamais ce jour béni de sa première donation à Dieu et à la Congrégation. Quelques jours avant sa mort, il rappela à un confrère qui avait participé avec lui à la même faveur, les paroles que leur avait adressées alors le P. Riaux: Potestis bibere calicem, quem ego bibiturus sum. Ce calice fut bien amer pour le P. Oscar Kohler; toute sa vie fut une vie de croix. Aux difficultés provenant d'un caractère excessivement sensible, dont il souffrait tout le premier, s'ajoutèrent des épreuves que la Providence, dans un but miséricordieux, ne lui ménageait guère. A 1a fin de son noviciat, une maladie d'estomac l'obligea à rentrer dans sa famille et ce fut que l'année suivante, le 30 septembre 1903, qu'il fut admis à faire sa profession religieuse. Il poursuivit régulièrement ses études philosophiques et théologiques à Chevilly, avança sans difficultés aux Saints Ordres et fit sa Consécration à l'Apostolat le 13 juillet 1008.

Destiné pour la Mission de la Mounda dont la renommée et certains récits enthousiastes avaient exalté son zèle de Scolastique, il s'embarqua le 3 septembre de la même année à Lisbonne. Ses premiers mois de mission à Malange furent consacrés à l'étude du portugais et du Kimbundu. Le 12 février suivant, on rouvrit la station de N.D. de Lourdes de Canamboa, à 3 kilomètres de Malange. Quelle ne fut pas la joie du jeune missionnaire, quand le R. P. Wenling lui confia ce poste en lui donnant comme confrère le Fr. Gérald ! " Que je suis heureux, écrit?il, je suis vraiment missionnaire; du matin au soir, je cours les cases et les villages. Il y a tant de bien à faire au milieu de mes Ambaquistes, qui, malgré leurs vices, ont gardé la foi!

" Priez et, faites prier le Sacré-Cœur, afin qu'Il ramène ces malheureuses âmes à la pratique de notre sainte religion. " La joie fut de courte durée; à la fin de mars la mission de Libollo demanda du renfort et ce fut avec bien des regrets qu'il abandonna ses Ambaquistes pour les sauvages Libollos.

Au Libollo, le travail à l'intérieur d'une mission, l'économat, l'internat avec quatre heures de classe par jour et comme conséquence la préparation aux examens, absorba toute son activité. Malgré tout il ne perdit pas de vue son idéal, l'évangélisation; les jeudis, il visitait les villages des environs; et tous les deux mois il se réservait une dizaine de jours pour courir la brousse. Au bout d'un an, il avait constitué sa paroisse avec trois centres de catéchistes.

Le 5 octobre 1910, jour de la proclamation de lia République en Portugal, fut une date fatale pour Ira Mission de Libollo. Par ordre de l'administration locale la Mission fut fermée, les scellés apposés et les missionnaires chassés. Le Père se retira dans une de ses stations de catéchiste, où pendant trois mois il vécut à la manière des Noirs, se nourrissant, de bouillie de manioc et de riz cuit à l'eau. Entre temps il fit une réclamation à son consul et le Gouvernement général de Loanda, grâce aux Conventions internationales, obligea l'autorité locale à lever les scellés. Pendant la tourmente les internes s'étaient dispersés, ce qui permit au zélé missionnaire de suivie plus librement ses goûts apostoliques, se donnant de plein coeur au ministère extérieur. Mais cette vie de voyages continuels et de fatigues épuisa sa santé toujours un lieu faible, et en octobre 1912, il fut obligé de venir à Malange prendre un peu de repos.

Depuis longtemps on pensait fonder une Mission intermédiaire entre les stations de Malange et, Mussuco, situées à 290 kilomètres de distance l'une de l'autre. Profitant de son séjour à Malange, le P. P. Principal envoya 1e P. Oscar Kobler avec un autre missionnaire en voyage d'exploration. Leur choix tomba sur la région de Muanha-Hiba, à 119 kilomètres de Malange, qui devint la Mission du Saint-Esprit des Bangalas. Ce voyage à pied, que le Père poursuivit jusqu'au Mussuco, le fatigua beaucoup. A son retour des fièvres continuelles l'abattirent de telle sorte que le médecin ordonna son retour en Europe en mars 1913.

Comme bien d'autres, la guerre le surprit en Alsace. Après lui avoir raccordé quelques mois de repos, la Maison-Mère le plaça provisoirement à Saverne. Là comme économe il fut le bras droit de Mgr Klerlein, alors Supérieur de l'École Apostolique. Grâce à son dévouement et à son industrie et malgré toutes les restrictions, les caries et les fameux ersatz, la communauté passa sans trop souffrir la crise si difficile du ravitaillement.

La piété filiale imposa au P. Oscar Kohler un autre devoir. Dès le début de la guerre sa vieille mère, âgée de 71 ans, fut obligée d'abandonner sa maison. Il l'amena à Saverne, où grâce à des amis, il put lui préparer un chez-soi provisoire, à l'abri du besoin. Dès la fin de la guerre son premier soin fut de la ramener chez elle. Hélas ! il trouva la maison, mi-détruite, mi-transformée en blockhaus en ciment armé. Mais quelques mois suffirent à son savoir-faire pour la reconstruction. Tranquille de ce côté, il reprit en février 1920 le chemin de l'Afrique et de sa chère Lounda, qui de plus en plus éprouvée dans son personnel, réclamait du renfort.

On lui désigna la Mission des Bangalas comme champ d'action apostolique. Il trouva la Mission organisée matériellement; au milieu de solides constructions cri briques, s'élevait une belle église dominant la plaine du Lui. A l'internat il y avait une trentaine de garçons avec une vingtaine de filles; autour de la Mission un village chrétien avec une dizaine de familles et une trentaine de Catéchumènes. Il s'agissait d'organiser maintenant le ministère au dehors. Malheureusement les Noirs, harcelés par les exigences des autorités et surtout le recrutement continuel de travailleurs pour l'île de Saint-Thomé, avaient déserté la région et ce n'est qu'à une ou deux journées de marche de la Mission, qu'on rencontrait des villages un peu peuplés. Une nouvelle expédition militaire, deux mois après son arrivée, retarda encore les sorties et les visites aux villages. Puis fin octobre, le P. Alves, épuisé depuis longtemps, tomba malade et succomba.

Le voilà donc seul, sans Frère, occupé du matin au soir aux travaux multiples de la direction d'une Mission, sans compter les nombreuses visites de Blancs, officiers et commerçants, qui dans leurs voyages vers l'intérieur, venaient demander l'hospitalité ! Ce n'est qu'en février 1922 que le P. Jérôme Ferreira fut envoyé le seconder. Enfin, pendant deux ans, on pouvait se livrer à l'évangélisation des environs. Malheureusement le Père ne supportait plus les fatigues de ces courses apostoliques; au retour de chaque voyage de fortes fièvres l'obligèrent à s'aliter.

En mars 1929 les circonstances ayant rappelé le P. Ferreira au Mussuco, le P. Kohler resta de nouveau seul jusqu'en juillet; de la Mission du Libollo lui arriva alors le jeune P. Kuentzler. Hélas ! au bout de trois mois ce zélé confrère, plein d'avenir, lui fut, enlevé par une mort prématurée. C'est au milieu des larmes qu'il continua son travail, résistant malgré des fièvres continuelles au prix d'efforts surhumains dans sa solitude, sa grande distraction était sa correspondance; il aimait à écrire et à recevoir des lettres et ses missives, d'un ton enjoué et spirituel, étaient toujours goûtées par ses nombreux amis et confrères.

En janvier dernier la divine Providence lui envoya une autre épreuve. Ce fut la mort de sa mère, qu'il avait toujours espéré revoir.

Un voyage à Malange, en juillet 1925, épuisa ses dernières forces. Parti un lundi, il voulut être de retour le dimanche suivant, afin de ne pas priver ses chers chrétiens de la Messe. I1 partit donc de Malange a marches forcées. Arrivé le samedi soir à 40 kilomètres des Bangalas, il se leva le lendemain à 4 heures du matin, parcourut la dernière étape à bicyclette et arriva à la Mission à l'Heure de l'office. Deux jours après de fortes fièvres se déclarèrent, qui le retinrent pendant une semaine au lit. Un confrère de Mussuco, de passage aux Bangalas, le trouva cependant debout, vaquant à ses devoirs habituels; à peine se plaignait?il de quelques douleurs aux reins. A nos recommandations de ménager sa santé et d'éviter des imprudences, le P. Kohler répondait invariablement : " Il faut tenir malgré tout et contre tout ! "

Les deux amis ne devaient plus se revoir. La veille de l'Assomption arriva à Malange un télégramme : P. Kohler malade, bilieuse hématurique, si possible venir. " Aussitôt le P. Cardona partit en automobile jusqu'au Quella; le lendemain vers 5 heures du soir il était aux Bangalas; hélas ! trop tard, le P. Oscar Kohler avait succombé la veille à 11 heures de la nuit. Le mercredi 12 août, au moment de l'examen particulier, le Père, se sentant très fatigué, s'était retiré dans sa chambre. Pendant la nuit du mercredi au jeudi l'hématurie se déclara. Toute la journée du vendredi fut une longue prostration; de temps en temps on l'entendait prononcer le saint nom de Jésus. Vers 11 heures et demie de la nuit, après avoir regardé une dernière fois le crucifix, il rendit son âme à Dieu ; mort très douce, sans douleur et sans lutte.

L'Administrateur du Quella avec le Fr. Florinus furent les seuls Blancs qui assistèrent à son enterrement. Le lundi 17 août, le P. Cardona célébra un service funèbre; tous les chrétiens de la Mission y firent la sainte communion pour le repos de l'âme de leur " Père" qui s'était donné à eux jusqu'à son dernier souffle.
P. J. Brendel.

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