Mgr François-Nicolas-Alphonse KUNEMANN
ÉVÊQUE TITULAIRE DE PELLA,
VICAIRE APOSTOLIQUE DE LA SÉNÉGAMBIE ET PRÉFET APOSTOLIQUE DU SÉNÉGAL
décédé le 20 mars 1905. (Not. Biog. III p. 280-311)


Le lundi 30 mars 1908, au soir, Mgr Le Roy recevait de Dakar cette triste et inquiétante dépêche : « Mgr Kunemann disparu depuis le 20 ; craignons naufrage. »

Dès le lendemain matin, notre T. R. Père allait au Ministère s'informer si l'on avait des nouvelles du Sénégal. Il apprit que le Gouverneur général avait envoyé la dépêche suivante :

« Dakar, 31 mars. Cotre Saint-Joseph, parti le 30 mars à 7 heures du matin de Ngasobil, près Joal, à destination de Dakar, et naviguant sur l'est, a disparu. A bord se trouvaient, évëque Kunemann, deux passagers indigènes et 5 hommes !'équipage. Les recherches faites par le bâtiment de la station locale, que le Gouverneur général. avait envoyé sur la Côte, et par le bateau Jean-Pierre, du port de Dakar, sont demeurées infructueuses. »

Hélas! Nos poignantes inquiétudes se changèrent bientôt en certitude complète; les renseignements ultérieurs ne firent que confirmer le grand malheur : Mgr Kunemann avait péri en mer. C'était une bien douloureuse épreuve qui frappait la Mission du Sénégal, qu'il gouverna pendant 7 années avec zèle et prudence. Cette disparition tragique était une perte énorme pour la Congrégation, car elle perdait un Chef de Mission, pour l'Alsace, qui était fière de posséder en lui un prince de l’Église, pour sa famille, dont il était l'honneur.

1. - Enfance. Vocation

François-Nicolas-Alphonse Kunemann naquit à Schweighausen (Bas-Rhin), au soir du 8 mai 1856; et dès le lendemain l'eau sainte coulait sur son front. 11 avait à peine atteint sa septième année qu'il avait le malheur de perdre son père. Tout enfant, il avait manifesté du goût pour être missionnaire. Sa mère le fit donc passer des bancs de l'école primaire au Petit séminaire de la Chapelle. « Dès mon enfance, écrivait-il, à l'âge de dix-huit ans, l'état de missionnaire me parut le plus beau, et celui pour lequel j'avais le plus d'attrait. »

Le séminariste se mit aux études latines, et pendant 2 ans environ, il travailla sérieusement. Puis, au début de l'adolescence, un changement se produisit en lui. Le monde avait des charmes ; la pensée de la vocation apostolique s'effaçait peu à peu de son âme ; il voulut tout abandonner. « Je ne voulais plus, avouait-il plus tard, à aucun prix continuer le latin ; tout ce que mes parents purent obtenir de moi, ce fut que je suivisse des cours de français. » II sortit donc du Séminaire et entra au Collège tenu par les Frères de Marie, à St-­Rémy. Cependant, un sentiment secret lui disait que, de fait, il résistait à l'appel de Dieu. « J'eus bien souvent des remords, dit-il, qui me reprochaient ma lâcheté à suivre ma vocation ; mais je tâchais de les faire taire le mieux possible, en cherchant à me persuader moi-mème que j'étais dans la bonne voie, et surtout en évitant avec soin de lire quoi que ce fût qui traitât de la vocation. »

Cependant, vers le commencement de cette épreuve, Alphonse avait perdu sa mère. Ce malheur, joint aux réclamations de sa conscience, fut une nouvelle grâce de lumière. Il se mit à apprécier plus justement la vanité des joies de la terre. Puis il avait une tendre dévotion pour la Ste-Vierge. Les prières qu'il adressa à Marie étaient intéressées, mais sincères et ferventes. " Je lui demandais sans cesse, écrit-il, de me rendre heureux. La Mère des miséricordes m'a exaucé, mais elle a eu des vues toutes différentes des miennes. Elle savait mieux que moi où est le vrai bonheur ; et je crois toujours que c'est par son intercession qu'il se fit en moi une heureuse réaction, et que la grâce enfin l'emporta sur mes mauvaises dispositions. Je pris donc la ferme et sincère résolution de retourner sur mes pas. J'avais déjà repris le latin depuis deux mois, et je n'attendais plus qu'une occasion favorable, lorsque j'entendis parler de la Congrégation du St-Esprit au Collège de St-Rémy. Dès lors, mon parti était pris; et c'est avec bonheur que je reçus la nouvelle de ma réception comme postulant. » C'est, en ces termes que dans sa lettre de demande de prise d'habit, Alphonse, victorieux de l'épreuve, racontait par quelles voies providentielles il avait été amené dans notre Institut.

Une religieuse de la Congrégation de la Providence, Soeur Marie-Constance, tante d'Alphonse Kunemann, lui servait de seconde mère, s'occupant du jeune homme autant que ses fonctions d'institutrice dans un village d'Alsace le permettaient. C'est à elle que le collégien confia ses regrets d'avoir quitté le Séminaire et sa volonté d'en reprendre le chemin, mais cette fois pour se préparer à devenir missionnaire.

L'excellente religieuse, ravie de cette détermination de son neveu, se chargea d'obtenir son admission au Scolasticat de Langonnet, où il entra le 9 juin 4873.

Vu la fin prochaine de l'année scolaire en cours, des leçons particulières étaient ce qui convenait le mieux pour le nouveau venu. A cause de son âge, on pouvait ainsi le préparer en quelques mois à une haute classe, grâce aux moyens plus qu'ordinaires dont il était doué. En octobre 1873. Alphonse entra en troisième, y prit la première place et la garda à peu près constamment jusqu'à, la fin de ses humanités, car ses aptitudes s'étendaient à toutes les branches du savoir humain. Les deux diplômes de bachelier ès-­lettres et de bachelier ès-sciences, conquis non sans éclat, devant l'Académie de Rennes, furent le couronnement de ses études secondaires.

Mais, pendant que l'intelligence pénétrante et la mémoire heureuse de l'étudiant opéraient dans son esprit une assimilation méthodique des connaissances profanes, que devenait son âme? Elle aussi subissait une importante transformation. Au moment de son entrée en Communauté, Alphonse comprenait que le bonheur possible sur la terre consiste seulement dans le service de Dieu, accompli de la façon désirée par Dieu. Mais, combien l'expérience augmenta l'intensité de lumière de cette vérité conquise par son esprit ! - Servir Dieu véritablement, c'est lui faire, dans une bonne mesure, le don de soi, de son intelligence, de son cœur, de sa volonté, de sa liberté, par les actes qu'on est appelé à accomplir d'après l'ordre du plan providentiel. Servir Dieu parfaitement, c'est pousser au plus haut degré, possible à la Faiblesse humaine, cette donation de tout notre être, de toutes nos facultés, de toutes nos actions, sans réserve d'aucune sorte ; c'est ne lui rien refuser de ce qu'on peut lui offrir. - Et voilà ce qui procure le bonheur terrestre; voilà ce qui fait jaillir des profondeurs de l'âme les cantiques de jubilation : « Mon âme, bénis le Seigneur! que tout ce qui est au-dedans de moi bénisse son saint nom ! » Ainsi chantait, dans l'âme d'Alphonse Kunemann, la louange émue et reconnaissante qu'il adressait à Dieu, en commençant à le servir d'un cœur vaillant et d'une volonté généreuse. Aux protestations, faites et réitérées dans le secret de son cœur, de ne jamais plus s'abandonner à la tiédeur dans le service divin, succéda la promesse solennelle, énoncée publiquement, par laquelle il s'engageait à concentrer tous ses efforts afin de devenir un bon religieux missionnaire.

Cette promesse, il la fit le 24 mai 1874, en prenant place parmi tes Scolastiques titulaires. Voilà donc Alphonse Kunemann lié extérieurement par l'engagement contracté au pied des Autels. Cependant, cet engagement n'était qu'une sorte de parole d'honneur. En attendant la profession religieuse, il désirait faire l'holocauste de lui-même au Seigneur par les vœux privés de religion. Alphonse demanda l'autorisation de les émettre. Considérant la conduite exemplaire du jeune homme, la bonne grâce avec laquelle il se prêtait à tout ce qu'on demandait de lui, les Supérieurs accueillirent favorablement la requête ; le 20 septembre 1874, il émit ses vœux privés aux pieds de son Directeur.

2. - L'étudiant en théologie

En 1876, Alphonse entra au Grand Scolasticat. Ce fut un grand bonheur pour son âme de commencer les études théologiques. Pour mettre le comble à ce bonheur, la Providence voulut qu'il fût savouré par le pieux théologien au centre même de la Catholicité. II passa trois ans à Rome, où il prit rang parmi les élèves qui ont illustré cet établissement par leurs talents exceptionnels. Dès la, première année, luttant contre de nombreux compétiteurs, il obtint, la première médaille (premier prix) pour le cours de théologie dogmatique professé par le futur Cardinal Mazzella. Cette distinction le mit aussitôt en relief, et lui valut d'être fort souvent choisi comme champion des thèses du professeur, en sabbatine ou en menstruale. Ce qui étonnait surtout dans ce jeune théologien, c'était la rapidité avec laquelle 'il s'assimilait une thèse. Vingt minutes, trente minutes au plus, lui suffisaient pour la posséder et l'exposer ensuite, avec la plus vive clarté. Sa facilité était même si grande, qu'il ne prenait jamais aucune note en classe et ne résumait par écrit aucune thèse. Tout ce qu'il entendait, comme tout ce qu'il lisait, se classait aussitôt méthodiquement dans son esprit, presque sans efforts.

Peu après son avènement au trône pontifical, Léon XIII avait fondé la célèbre Académie de St-Thomas. Le P. Liberatore, directeur de cette académie, choisit Alphonse Kunemann pour exposer et défendre les thèses fameuses de l'Ange de l'École sur la forme substantielle et la matière première, dans une séance très solennelle, présidée par les Éminentissimes cardinaux Pecci et Zigliara. L'exposition fut admirable de clarté et de précision ; la réfutation des objections complète, péremptoire. Vers la fin de la séance, les cardinaux présidents crurent bon, dans l'intérêt de la thèse thomiste, de présenter eux-mêmes les plus sérieuses objections. Malheureusement, les deux Éminences s'exprimèrent en italien, langue dans laquelle le défendeur était peu versé. Il comprit pourtant les difficultés de ses illustres adversaires. Devant l'auditoire étonné, il les reproduisit aussitôt, sans le moindre embarras, en excellent latin, et y répondit parfaitement. Aussi, fut-­il vivement applaudi, à la clôture de cette séance mémorable.

Au milieu de ses succès, Alphonse Kunemann s'appliquait à faire briller de plus en plus dans son âme la flamme de l'amour divin, conjointement à la lumière de la science sacrée il voulait en lui une science et une vertu également solides. Adoptant l'axiome de saint Bernard : « Lucere parum; ardere vanum; lucere et ardere perlectum », c'est à la très Ste-Vierge qu'il s'adressait pour obtenir l'une et l'autre. Aussi, après avoir conquis la première médaille de théologie dogmatique, il s'était empressé de l'offrir, en hommage de reconnaissance, à la madone chère aux Chrétiens sous le titre de « Mater admirabilis ». .

I1 voulut également célébrer sa première Messe devant cette madone, au lendemain de son ordination, le 23 mai 1880. On peut deviner le soin pris par le nouveau ministre des autels pour avancer dans les voies de la perfection, par cette réflexion échappée à sa plume, à l'occasion de sa prêtrise : « Arrivé maintenant au comble et aux termes de mes désirs, et député au plus saint et au plus sanctifiant de tous les ministères, il ne me reste plus qu'à prouver au Seigneur la sincérité de mes sentiments, en profitant avec soin des moyens de sanctification qu'il vient de mettre à ma disposition quotidienne. » Du reste, un fait bien constaté demeure comme témoignage caractéristique de sa ferveur : le Chemin de Croix, que le pieux scolastique ajoutait, chaque jour, à la prière du soir. A la lin des journées de labeur sous le climat de Rome, il y a bien du mérite à retarder constamment d'un quart d'heure le repos de la nuit, pour consacrer ce temps à un exercice surérogatoire de piété 1...

Au sortir des passes d'armes d'un dernier tournoi théologique, les lauriers du Doctorat couronnèrent Alphonse Kunemann, qui reçut les félicitations chaleureuses des Maîtres ès-sciences sacrées, après le rude assaut qu'ils venaient de lui livrer. Le triomphateur s'empressa d'aller, en octobre 1881, cacher sa jeune gloire dans l'ombre propice d'une cellule du Noviciat de Chevilly. Là, son esprit se délecta dans le parcours des vastes domaines de la théologie mystique, en étudiant à fond les différentes manières de s'unir de plus en plus parfaitement à Dieu; là, son âme généreuse apprit, pour elle-même et pour d'autres âmes, les derniers secrets utiles à connaître, dans la lutte contre l'ennemi qui ne meurt pas, contre l'adversaire qui n'accorde ni paix, ni trêve ; là enfin, son cœur disciplina les élans du zèle apostolique.

Le profit de cette année de probation apparaît dans les lignes suivante, écrites par Alphonse Kunemann, à la veille de sa profession : « Je ne demande pas que vous fassiez ma volonté, mais je vous prie de faire de moi ce que le bon Dieu vous inspirera de faire; moi, de mon côté, je me contenterai de prier Dieu et la Très Sainte Vierge, surtout au saint autel, de faire en sorte que je sois placé là où ils me veulent et où je pourrai travailler, sinon le plus commodément, du moins le plus sûrement et le plus avantageusement, à leur gloire, à ma sanctification et au salut des âmes rachetées par le précieux sang de Jésus-Christ; et très volontiers j'ajouterai ici les paroles du saint roi David : Scio, Deus meus, quod probas corda et simplicitatem diligis, unde et ego in simplicitale cordis mei laetus obtuli universa. Maintenant, ô Dieu de notre vénérable Père, Deus lsrael, custodi in aeternum hanc voluntatem. » - Voilà, sous forme très simple, le programme d'une vie tout apostolique.

3. - Travaux apostoliques

Le P. Kunemann fit profession le 27 août 1882. Le 25 septembre suivant, il prenait, à Bordeaux, le paquebot des Antilles, afin de se rendre à son poste, au collège de St-Pierre (Martinique). Dans cet établissement, on lui confia, comme principale fonction, la classe de rhétorique. Sous le ciel tropical, l'habileté du professeur consiste surtout à stimuler suffisamment l'indo­lence apathique des nonchalants créoles, afin d'en obtenir un peu de travail. Le P. Kunemann s'y employait de son mieux ;depuis plusieurs mois, lorsqu'il l'ut saisi par l'une de ces fièvres coloniales qui terrassent en quelques jours l'homme le plus robuste, quand elles ne l'enlèvent pas eu quelques heures. Devant le danger manifeste, le professeur dut, bien malgré lui, abandonner sa chaire, en juin 1883, et rentrer en France.

Après un court temps de repos, le convalescent s'installait à la Maison-Mère, à l'effet de suivre des cours spéciaux préparatoires à la licence ès-lettres. Travailleur ardent et infatigable, dont l'intelligence supérieure coordonnait et s'assimilait toutes les notions puisées dans des lectures innombrables, il en dévora des volumes, pendant une année ! La Providence le préparait ainsi, à son insu, au ministère qu'elle allait lui assigner bientôt, ministère autrement important qu'un diplôme de licencié.

Depuis son retour en France, le P. Kunemann souffrait presque sans relâche de la dysenterie. Il fallait une volonté de fer, comme la sienne, pour continuer le labeur des études avec une incommodité pareille. Cependant, même chez les hommes de cette trempe, les forces corporelles ont des limites. Au mois de novembre 1884, les Supérieurs envoyèrent l'acharné travailleur au Sénégal, dans l'espoir que le climat de ce pays amènerait peut-être la guérison inutilement tentée à Paris. L'inspiration était heureuse. Au bout de peu de jours passés à l'hôpital de St-Louis, le malade se sentait beaucoup mieux. Immédiatement, il voulut utiliser les forces reconquises, comme l'indique cette lettre au T. R. Père : « Je suis très heureux d'être de nouveau bien portant et d'avoir retrouvé mes forces perdues; ma convalescence et l'intérêt que vous portez à mon rétablissement, raniment en moi le désir de bien employer maintenant cette santé que le bon Dieu a bien voulu me rendre. Je ne puis vous dire combien je suis heureux en Afrique, et combien il m'est doux ici de me fatiguer au travail. Vraiment, je commence à croire que je me trouve à ma place, et que je suis né bien plus pour être missionnaire que pour être professeur ; du reste, mon cœur et mon esprit étaient toujours là. Les études sérieuses que j'ai faites me sont ici plus utiles que jamais, et la préparation à la licence a été pour moi une occupation toute providentielle; j'en ai recueilli la science qui m'est ici si utile. St-Louis est bien travaillé par la franc-maçonnerie, et, à côté de cette masse coupable d'indifférents,! nous avons des ennemis déclarés, sur lesquels il faut absolument exercer le prestige de la science, même toute humaine, car ils affectent de nous traiter d'ignorants et d'arriérés ; mais je ne reculerai devant aucun travail ni aucun sacrifice, mettant ma confiance en Dieu, le Père des lumières, de qui vient tout don excellent. »

Le P. Kunemann entreprit donc de rendre raison de la foi chrétienne, à la population lettrée de St-Louis, par des discours dans lesquels, sous une forme littéraire attrayante, les arguments de la science humaine venaient ajouter leur poids aux preuves théologiques. Après quelques sermons sur la Providence, la création de l'homme, la Passion de Notre-Seigneur, sa réputation d'orateur était faite. Les personnes distinguées de St-Louis se pressaient avec assiduité autour de sa chaire. Il prêcha le carême en 1886 et en 1887, exposant à ses auditeurs, dans des conférences restées célèbres là-bas, les Origines et l'Établissement de l'Église. A la vérité, il ne convertit pas tous les mécréants qui vinrent l'entendre : ce résultat eût été trop beau, et le prédicateur ne l'avait point escompté; mais, outre ceux qui revinrent à la pratique de leurs devoirs de chrétiens, des personnes peu sympathiques à la religion avouèrent que « ses conférences les avaient vivement impressionnées. »

En s'occupant beaucoup de faire au moins respecter les enseignements de l'Église, par la haute société de St-Louis, le P. Kunemann travaillait encore davantage au bien des fidèles de condition plus modeste, meilleurs chrétiens que ses auditeurs plus illustres. Vicaire de la paroisse de St-Louis, il fut aussi directeur spirituel de l'école supérieure des Frères de Lamennais et aumônier de l'école des Soeurs A ces différents titres, il eut à s'occuper de bien des chrétiens. Mais ces occupations ne suffisaient point à son zèle. Auprès de lui, combien de malheureux indigènes croupissaient dans les ténèbres et les désordres du paganisme, ou du mahométisme ! Pour ceux-là surtout, il voulut être missionnaire. Aussi, dès son arrivée au Sénégal, se lança-t-il, avec son ardeur coutumière, dans l'étude de la langue arabe et du volof, afin de pouvoir prêcher la religion aux pauvres gens du pays. Une fois maître de la principale langue indigène, il s'en donna à cœur joie dans l'exercice du saint ministère; il s'en donna tant et si bien, qu'après 4 ans de travail excessif sous le climat débilitant de St-Louis, on le vit à bout de forces. Bon gré mal gré, il fallait quitter la fournaise sénégalienne, et redemander à l'air salubre de la mère-patrie et faire courir à nouveau un sang vigoureux dans les veines épuisées de son intrépide enfant.

Débarqué à Bordeaux, en novembre 1888, le P. Kunemann entendait bien ne pas demeurer longtemps inactif. Après quelques mois de repos, le voilà chargé d'un cours de dogme au Scolasticat de Chevilly. I1 a juste le temps de se mettre en train, dans cette nouvelle position, de prendre ses mesures en vue d'organiser fructueusement sa vie de professeur, et il doit abandonner ce poste ! A la rentrée de l'année scolaire 1889-90, on fait appel à son dévouement pour diriger le petit Séminaire de St-Sauveur, à Cellule. Il gagne aussitôt l'Auvergne, examine sur place l’œuvre dont il doit assurer le bon fonctionnement, et entreprend les mille et une démarches nécessaires dans ce but : relations avec l'autorité diocésaine et le clergé, avec les familles, avec les anciens élèves, avec les religieuses auxquelles sont confiés certains services de l'établissement; combinaisons pour la répartition des charges entre les membres du personnel dirigeant; explications à ses collaborateurs sur les réformes à introduire, sur la manière dont il convient de procéder, vu les circonstances dans tel cas difficile, etc. La dévorante activité du P. Kunemann peut se donner là libre carrière, afin de conduire heureusement les volontés qu'il doit diriger, en les amenant à converger toutes vers le but à atteindre.

Mais, à peine le P. Kunemann est-il tout entier à son oeuvre, que la dysenterie vient le tourmenter cruellement. Cela lui paraît un indice fourni par la Providence, à dessein de le rappeler au Sénégal. Il communique son idée au Supérieur général, en ajoutant : « Je vous en conjure, faites ce que le bon Dieu vous dira de faire à mon sujet ; tenez compte de tout, excepté, oui, excepté de ma volonté et de mes désirs; ceux-là, je vous le dis en toute sincérité, je les ai immolés au bon plaisir de Dieu, et je le prends à témoin que je ne voudrais à aucun prix être au Sénégal sans son gré. Je ne sais pourquoi je pleure en vous écrivant ces lignes, que je voudrais signer de mon sang!... Que la sainte volonté de Dieu soit faite! je vais le prier de vous la faire connaître pleinement. » Il fallait soustraire promptement le P. Kunemann au péril de mort qu'il courait à Cellule. Le T. R. Père lui écrivit donc de reprendre le chemin du Sénégal.

L'exécution de pareil ordre coûta beaucoup à celui qui le reçut. Cet homme, que d'aucuns croyaient de bronze, à cause du masque de froideur dessiné sur sa physionomie, épanchait ainsi son chagrin : « Je prie le bon Dieu de ménager un peu mon pauvre cœur... Il est donc arrêté que ma vie sera tourmentée de toute manière, et que je ne sortirai d'une épreuve que pour en trouver une autre. Oui, je puis le dire avec l'apôtre : Coarctor e duobus. D'un côté je ne saurais continuer; et de l'autre, il m'en coûte de rompre déjà tous ces liens qui commençaient à se former et qui aident à faire le bien... Sicut Domino placuit ita factum est : sit nomen Domini benedictum !... »

Le 5 janvier 1890, le P. Kunemann quittait Bordeaux, voguant de nouveau vers le Sénégal. Cette fois, il allait dépenser son savoir-faire et son activité dans l'établissement de St-Joseph de Ngasobil, dont il fut nommé supérieur en septembre 1890.

Quelles oeuvres devaient là bénéficier de ses soins? La simple énumération en est très suggestive : le séminaire indigène de la Mission, pépinière des prêtres de race noire ; un orphelinat de garçons; la maison des sœurs indigènes du St­ Cœur de Marie, auxiliaires précieuses pour la formation et l'éducation des jeunes chrétiennes ; un orphelinat de filles; le village chrétien de Ngasobil ; des ateliers : imprimerie, menuiserie, l'orge, scierie à vapeur, etc. ; une immense propriété à mettre mieux en valeur par des plantations nouvelles; une chapelle à remanier considérablement et à décorer; des constructions indispensables à élever, d'autres à refaire ; le ministère à exercer de temps en temps dans les stations voisines. Vraiment, l'ouvrier apostolique, qui réclamait de la besogne, était servi à souhait. Il mena de front, et tambour battant, tous ces travaux, avec une inlassable énergie, durant une dizaine d'années.

Avec la profonde piété dont il était animé, le P. Kunemann s'occupa, avant tout, de donner aux âmes, mises sous sa direction, tous les soins capables de les faire progresser dans le chemin de la vertu. Sans prétendre montrer sur ce point le résultat complet de son travail spirituel, on peut signaler, au moins, un progrès sensible dans la conduite des habitants du village chrétien de Ngasobil, durant l'administration de ce supérieur très ferme, d'une activité sans pareille, d'une régularité militaire.

Il prenait, du reste, les moyens extérieurs propres à favoriser l'éclosion et le développement de la piété. Il aimait passionnément les belles et grandes solennités, et payait de sa personne pour le chant, qu'il dirigeait lui-même avec beaucoup de talent. Le P. Kunemann voulait des cérémonies bien faites, dans un sanctuaire aussi beau que possible. Or, qu'avait-il trouvé à Ngasobil en fait de chapelle? Une misérable bâtisse, espèce de baraque (jadis atelier de menuiserie), flanquée de deux prétendues chapelles latérales, constructions laides et fort mal commodes. Impossible de laisser le bon Dieu logé de la sorte dans cette communauté. Pas moyen pourtant de remplacer l'édifice du jour au lendemain. Mais, le zélé supérieur en commença la transformation, le plus vite possible, avec les premières économies qu'il put réaliser sur le budget de l’œuvre. De sa main, il peignit d'abord le chœur. Puis, en dessinateur expert, il dressa les plans des nouvelles chapelles latérales et du chœur agrandi. Ensuite, il se transforma en maître de chantier pour l'exécution des travaux. Bref, peu à peu, il fit de l'informe bicoque comme un bijou, une cathédrale au petit pied, dans laquelle le chant et les cérémonies s'exécutaient à la perfection. Mais, les cérémonies ont plus de majesté, lorsque les vêtements sacrés sont plus riches : le supérieur procura à sa chapelle un ornement de 1000 francs. D'autre part, le chant d'église est plus expressif, quand il est soutenu par les sonorités harmonieuses de. l'orgue, l'instrument religieux sans rival : la chapelle eut son orgue (de 2000 francs), au commencement de 1895. C'était encore le P. Kunemann qui avait fourni les indications nécessaires au fabricant, pour que l'instrument fût adapté à l'édifice dans lequel il devait résonner.

Après ces embellissements, les processions des grandes solennités, - une vingtaine dans l'année, - déjà magnifiques à Ngasobil, devinrent des fêtes tout à fait splendides, auxquelles on accourut de fort loin. Dans ce pays, comme ailleurs, du reste, c'est un moyen puissant de développer la piété des chrétiens et leur attachement à la religion. A certaine procession de la Fête-Dieu, on vit assister des gens de Poponguine ces braves chrétiens avaient franchi les 70 kilomètres de distance, en une marche de douze heures consécutives.

Avec les soins pris par le P. Kunemann pour fournir aux âmes les aliments spirituels nécessaires, on admirait les labeurs qu'il consacrait à procurer aux corps la nourriture et le logement convenables. Il acheta des pompes, des réservoirs, et surveilla minutieusement leur installation aux endroits favorables ; il fit creuser à nouveau les puits, afin d'avoir l'eau réclamée par les légumes des jardins. Par son ordre, une forte charrue remua le sol, de telle sorte que tous les noirs des environs admirèrent, comme phénomène, le riz superbe qui poussa dans le champ ainsi labouré. D'autre part, le Père décupla l'étendue de la bananeraie, qui produisit alors bien au-delà des besoins de la communauté. Des ressources très appréciables furent ainsi obtenues à bon compte, sans nuire ni aux classes, ni aux ateliers, avec l'avantage d'habituer les orphelins à une vie laborieuse et de fournir en abondance, à tous les moments de l'année, des légumes et des fruits; d'où : bonification sensible du régime, sans tirer un sou de la caisse.

Cette pauvre caisse, elle avait assez à fournir, par ailleurs, pour les constructions et reconstructions indispensables, que le P. Kunemann devait nécessairement entreprendre, car en aucun pays les bâtiments ne sont éternels. Dans cette catégorie de travaux. qu'il préparait et dirigeait en architecte habile, l'industrieux supérieur trouva encore moyen de réduire considérablement les dépenses, de façon qu'à peu de frais, outre les bâtiments construits ou refaits, il dota l'établissement de Ngasobil d'un haut et solide mur de clôture. II remplaçait ainsi avec avantage les haies vives, repaires des reptiles et autres bêtes dégoûtantes; il protégeait aussi, du même coup, les passants contre la convoitise que la vue de certains fruits excite chez les Noirs !

Si habile que soit un supérieur, il ne saurait empêcher les épreuves d'atteindre les oeuvres dont il a la direction. L'épreuve atteignit St-Joseph de Ngasobil, d'abord par une sécheresse persistante de trois ans, qui rendit presque stériles les travaux d'agriculture et de jardinage ; puis par les incursions des sauterelles, qui ravagèrent ce que la sécheresse avait épargné. Tous les moyens humains restant impuissants contre ces deux fléaux, le P. Kunemann recourut à Celle qu'on n'invoque jamais en vain. Plusieurs dimanches de suite, il conduisit toute sa communauté en procession à une grotte de N. D. de Lourdes. Voici comment le « Bulletin » raconte le résultat prodigieux de cette pieuse démarche : « Nos prières ont été exaucées. Les pluies abondantes du dernier hivernage (1898) ont réparé les désastres de trois années de sécheresse. Nos arbres ont reverdi, et nos puits, revenus à un niveau normal, nous ont fourni de l'eau pendant toute la bonne saison. Les sauterelles n'ont pas cessé d'envahir nos plantations ; pendant trois mois, leurs bataillons immenses ont passé et repassé sur les terres ; mais elles ne leur ont fait aucun dommage, non plus qu'aux terres des chrétiens. Or, pour qui connaît les mœurs de ces animaux, cela tient du miracle. Et ce qui est à remarquer, c'est que nos voisins païens, malgré leurs conjurations, malgré un fort tribut payé aux sorciers, ont vu leurs champs ravagés, quelques-uns anéantis. Puisent ces malheurs ouvrir les yeux de ces pauvres gens et les amener enfin à notre sainte religion qu'ils n'ignorent déjà plus, mais que leurs passions les empêchent d'embrasser! »

En 1900, les Missions catholiques fournirent à l'Exposition universelle de Paris nombre de travaux artistiques, nouvelle preuve du concours précieux que les missionnaires apportent à l'avancement de la civilisation. Le P. Kunemann voulut que le Vicariat apostolique du Sénégal figurât avec honneur parmi les exposants. Il dessina donc, à l'échelle d'un millimètre par mètre, le plan de l'établissement de St-Joseph de Ngasobil. Ce plan, mesurant 2 mètres de long sur 0,80 de large, fut très remarqué, au Pavillon des Missions. Les statistiques des examens avaient révélé, par ailleurs, les résultats de l'enseignement donné au noirs, à Ngasobil. Aussi, on put lire, dans la liste officielle des prix de l'Exposition

CLASSE I. - ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ET ÉDUCATION DE L'ENFANCE.
Mission des Pères du St-Esprit de Ngasobil. Médaille d'argent. »

Ce n'était point dans le but de chercher cette médaille que le P. Kunemann débarquait à Bordeaux, le 12 mai 1900. Il espérait trouver en France, pour son organisme fatigué par la maladie et le soleil d'Afrique, un regain de vigueur : voilà tout ce qu'il demandait. Il lui échut, par surcroît, un héritage bien inattendu : le Vicariat Apostolique du Sénégal. La science éminente du P. Kunemanu, jointe aux talents d'organisateur et d'administrateur qu'il avait fait paraître à la tête de son oeuvre importante et de tout le district de Ngasobil, dont il était devenu le supérieur principal, le désignaient tout naturellement comme successeur de Mgr Buléon, que la fièvre jaune venait d'emporter.

4. - L'Épiscopat

Nommé évêque de Pella, le 27 février 1901, Mgr Kunemann fixa son sacre au 26 mai de la même année, fête de la Pentecôte, dans la chapelle du Séminaire du St-Esprit, à Paris. L'onction des pontifes lui fut donnée par Mgr Le Roy, assisté de NN. SS. Barthet et de Courmont, trois anciens Vicaires apostoliques, heureux de se créer un si digne et si vaillant successeur dans les travaux de l'évangélisation des peuples infidèles.

« Deux jours après son sacre, nous le trouvons en Alsace, à Wissembourg, chez sa sœur, et à Schweighausen, chez son frère. Je ne m'arrêterai pas à décrire ici les honneurs qu'on lui fit dans son pays natal; l'accueil qu'il reçut fut extraordinairement cordial et solennel. C'était le 6 juin; Schweighausen était en fête comme jamais : il s'agissait, en effet, de la réception d'un évêque, un événement rare dans une paroisse de la campagne ; de plus c'était la réception d'un évêque enfant de l'endroit : deux raisons d'un intérêt spécial, non seulement pour la population de Schweighausen, mais encore pour les fidèles des environs, qui accoururent en foule. Après le sermon de circonstance, prêché par le R. P. abbé mitré d'Oelenberg, Mgr Kunemann chanta la messe pontificale, assisté des huit prêtres natifs de l'endroit, et entouré d'une soixantaine de prêtres des environs.

Dès le surlendemain, Mgr Kunemann partit pour Paris, pour s'embarquer quelques jours après à Bordeaux et aller exercer les durs labeurs de l'apostolat.

Le nouveau Vicaire apostolique arriva, le 24 juin 1901, à Dakar, où il fut reçu triomphalement. Même accueil dans toutes les stations, quand il put les visiter. Dans une lettre du 15 octobre 1901, il racontait à Mgr Le Roy ses premiers travaux, pleins de consolations : « Dès mon arrivée dans la Mission et malgré la mauvaise saison, j'ai fait rapidement la visite de la plus grande partie du Vicariat : Dakar, Gorée, Thiès et les stations environnantes, St­-Louis, Rufisque, Ngasobil, Ndianda, Mbodiène, Joal, Fadioute. De là, je suis revenu sur Dakar, St-Louis, pour gagner le Soudan, Cayes, Dinguira jusqu'à Kita. J'étais de retour le 6 septembre... » Monseigneur raconte ensuite qu'il prêcha lui-même, à cinq novices des Sœurs indigènes du St-Coeur de Marie, de la station de Ngasobil, la retraite préparatoire à leur profession. L'une d'elles, très malade, ne put assister qu'à une des instructions. « Avec quelle ferveur, avec quel bonheur sont-elles venues faire à Dieu leurs promesses, prononcer leurs vœux recevoir de la part de Jésus-Christ les insignes de ses épouses : le voile, le scapulaire, la médaille du St-Coeur de Marie, le livre de leurs règles, l'anneau de l'alliance, le cierge allumé, la couronne qui sera, sans doute, pour elles souvent une couronne d'épines sur la terre, mais qui se transformera sûrement en couronne de joie, d'honneur et de gloire, comme celle de Jésus-Christ lui-même !

« Alors que ses quatre compagnes faisaient joyeusement leur offrande à Dieu, samedi soir, le 28 septembre, elle (la cinquième) dans son lit de douleur attendait patiemment son tour. Le lendemain dimanche, en la fête de la Dédicace de St-Michel Archange, j'ai été lui porter les insignes des épouses de Jésus-Christ. A mesure que je les lui passais, elle les saisissait de ses mains crispées, avec une joie, un bonheur, un empressement difficile à décrire; elle les portait à ses lèvres pour les baiser; à la fin, elle semblait rassembler toutes ses forces pour dire qu'elle était contente, qu'elle était heureuse, que rien ne lui manquait plus, que rien ne la retenait plus sur la terre... La Sœur Thècle est morte, le mercredi 2 octobre, fête des Saints Anges gardiens. Elle sera du haut du ciel l'ange gardien, la protectrice de ses quatre compagnes qui, pleines de force, de vie, de bonne volonté et de générosité, iront travailler pour Dieu, auprès des âmes qu'il voudra sauver par elles et qui seront les précieux joyaux de leurs couronnes. »

On sent passer, dans ces lignes, la joie du directeur, satisfait de voir aboutir des vocations qu'il a cultivées, des années durant, au milieu de difficultés de toutes sortes ; on sent, surtout le bonheur du Chef d'une portion de l'Église, de l'Evêque du Sénégal, heureux d'offrir à Dieu des âmes qui, parvenues pour leur propre compte, sur cette terre du Sénégal, au degré lé plus élevé de la vie chrétienne, y vont amener d'autres âmes!

Toutefois, Mgr Kunemann éprouva une autre consolation, encore plus pénétrante, par l'admission définitive d'un clerc indigène dans tes ordres sacrés : « Une fête bien plus grande, plus belle et plus solennelle se préparait pour la Mission de St-Joseph de Ngasobil. Elle était réservée au splendide dimanche du Très Saint Rosaire et préparée pour l'ordination au sous-diaconat de M. l'abbé Gabriel Sané. » Cette fois, il s'agit d'un sauveur d'âmes proprement dit, de par les fonctions sacrées du saint ministère qu'on va lui confier bientôt. Ici, Mgr Kunemann pour faire partager la joie dont son cœur est inondé, emprunte la plume de son nouveau sous-­diacre, en citant la lettre dans laquelle celui-ci (écrivant à Mgr Barthet, ancien Vicaire apostolique du Sénégal), racontait ses impressions, au lendemain de l'ordination

« Saint-Joseph de Ngasobil, le 11 octobre 1901.
MONSEIGNEUR ET BIEN AIMÉ PÈRE,
« Je viens d'être ordonné sous-diacre, et j'éprouve le besoin de vous faire partager mon bonheur, à vous qui avez été pour moi un vrai père. Je suis vraiment heureux et ma joie est d'autant plus grande, que celui qui me mettait au nombre des ministres de l'autel était pour moi, non pas un inconnu, non pas seulement un évêque, mais un père aussi, et ce seul titre suffit pour faire le bonheur d'un enfant.

« Comment vous dépeindre les douces et intimes émotions de mon cœur? Aucune plume ne saurait les décrire. Lorsque, prosterné la face contre terre, j'entendais Mgr Kunemann appeler sur moi les bénédictions de Dieu, du fond du cœur je répétais après lui : Seigneur, exaucez-le, car c'est un père qui prie pour son enfant. Oui, ce moment où je faisais à Dieu le sacrifice de moi-même et me consacrais sans retour au service des autels, laissera dans mon âme un souvenir ineffaçable.

« Béni soit le Seigneur qui m'a arraché comme par miracle à la secte de Mahomet, car, vous le savez, j'étais son disciple avant d'appartenir à Jésus-Christ. Comment et pourquoi m'en a-t-il retiré ? pourquoi m'a-t-il appelé ? ou pourquoi ai-je répondu à son appel? Mystère! mais mystère de miséricorde_

« Notre-Seigneur daignait m'accepter, me séparer de mes frères pour être son homme à lui, son ministre éternellement attaché au service de l'autel. A vrai dire, mon offrande était faite depuis longtemps. Je n'ai fait que la renouveler.

« Me voilà donc sous-diacre ; j'espère être admis bientôt à monter à l'autel. Nous serons alors sept prêtres indigènes dont quelques­ uns sont, presque des vieillards. Je vois encore après moi de jeunes frères que Dieu semble appeler. Ils sont neuf au petit séminaire, dont cinq de la Casamance, qui sera bientôt heureuse de voir un de ses enfants, sauvé comme par miracle de la tyrannie de Satan, monter à l'autel et appeler sur elle les bénédictions du Seigneur. Que Dieu garde mes jeunes frères et les soutienne! Je veux prier pour eux tous les jours... »

On le voit, le Vicaire apostolique avait raison d'exulter : son sous-diacre sénégalais comprenait si bien la grandeur de la vocation sacerdotale !... -M. l'abbé Sané fut ordonné prêtre à Dakar, le 29 mars 1902.

Mgr Kunemann avait surtout vu, dans la charge éminente confiée à sa sollicitude, l'agrandissement du champ de son activité. Le nombre de collaborateurs dévoués qu'il possédait, lui aurait permis d'exercer son action apostolique, principalement par l'intermédiaire de ses missionnaires. Mais, il entendait payer beaucoup et souvent de sa personne, un peu partout, dans son Vicariat. A le voir multiplier les tournées pastorales, o­n devinait, chez cet évêque, l'impérieux besoin de porter, aux âmes soumises à sa houlette, l'Évangile que son consécrateur avait déposé sur ses vaillantes épaules. « Les voyages et les fatigues qui en sont la conséquence semblaient ne pas lui coûter. Il s'y livrait sans réserve, sans ménagement. A peine de retour à Dakar, il songeait déjà à repartir, visitant sans cesse toutes les communautés, particulièrement celles de la Casamance. Aussi bien, il était facile de constater que cette partie de son Vicariat (qui semble réservée à un avenir prospère) avait toutes ses sympathies. »

Voici l'épisode principal de l'une de ces tournées pastorales, raconté par Mgr Kunemann lui-même

« Laissez-moi détacher un petit point de l'ensemble de mes courses apostoliques à travers le Sénégal, la Sénégambie et 1a Casamance. Ce n'est peut-être pas le point le plus brillant ; mais c'est, à coup sûr, un des plus intéressants. Vous allez voir. Il s'agit de Sangué, chez les Diobas, le champ apostolique de M. l'abbé Louis César...

Après avoir chevauché près de 2 heures, nous sommes arrivés sur le penchant du gracieux petit vallon qui nous séparait du village et de la chapelle. M. l'abbé Louis (prêtre indigène) est un organisateur distingué, surtout lorsqu'il a sous la main un élément de couleur locale. La population était massée à l'ombre de beaux arbres touffus qui maintiennent la fraîcheur autour des puits creusés par les ancêtres, et où les Rébecca modernes et leurs compagnes viennent puiser de l'eau, le matin et le soir...

J'ai trouvé que la procession de Sangué n'avait rien à envier à celles qu'on fait dans les pays civilisés et chrétiens depuis de longs siècles. En tête, la croix avec les acolytes, puis les petites filles et les petits garçon; après eux les grandes personnes des deux sexes. Des deux côtés, plusieurs cavaliers, voltigeant ça et là et exécutant leurs fantasias, semblaient vouloir nous servir d'ailes. Au milieu, entre les deux files de la procession, à quelques pas en avant du clergé, était placée la maîtrise, composée d'abord d'une douzaine de grandes filles, revêtues de leurs plus beaux habits, qui allaient être ou baptisées, ou confirmées, ou mariées. Derrière elles, un groupe de jeunes gens portant devant eux leurs livres de chant ouverts, car ils savent lire leur langue imprimée et ils en sont justement fiers.

Nous avançons. Le soleil darde sur nous ses rayons de feu et verse à flots une lumière .blanche et éblouissante. Le chant des cantiques est ininterrompu. II est exécuté avec un ensemble, une précision et une justesse auxquels je ne m'attendais pas. Décidément, il me faut faire des efforts pour refouler une émotion que je ne veux pas montrer... On entonne le magnificat et une troisième salve d'artillerie, encore plus nourrie que les deux premières, envoie son majestueux salut à tous les échos d'alentour, car ici nous étions sur le haut de la petite colline. Enfin nous entrions dans la modeste petite chapelle. Pas le vingtième des personnes présentes ne pouvait y pénétrer. Il a fallu réserver la place pour ceux qui devaient être baptisés, confirmés et mariés.

Me voilà bientôt revêtu des ornements pontificaux. Quand ces pauvres gens virent la chape, la mitre et la crosse, c'était une stupéfaction qui tenait de l'extase. On ouvrait de grands yeux luisants, brillants, immobiles. On se poussait du coude, on se faisait mille réflexions tout haut. L'heure était déjà avancée et la cérémonie allait être assez longue. Il y eut cinq baptêmes d'adultes, une trentaine de confirmations et trois mariages. Il était 11 heures et demie, quand on entonna le cantique d'action de grâces. Oui certes, il venait aux lèvres bien naturellement, le chant de l'action de grâces ! Quelle magnifique, quelle consolante matinée ! Nous ne pensions pas à la fatigue.

La population se retirait joyeuse et ravie, tandis que nous allions prendre notre petit déjeuner.

Vers 2 heures, je sortis pour aller dire mon bréviaire à l'ombre d'un arbre. Je n'y fus pas longtemps sans recevoir des visites. I1 y avait là quatre grandes filles, très instruites dans la religion, mais dont on croit devoir différer le baptême pour des raisons venant de leurs familles. Elles étaient désolées de ces retards. « Quand est-ce que nous serons baptisées, nous aussi? Oh ! c'était si beau aujourd'hui! Nous sommes heureuses de ce que nous avons vu, peinées de ce que nous n'avons pas été baptisées ; nous n'avons pas encore mangé, nous n'avons pas faim ! »...

Mgr Kunemann rencontrait rarement, dans ses courses, les commodités qu'il avait pour se rendre à Sangué. Le plus souvent, il devait naviguer en rivière. «Plus d'une fois, disait un Père de la Casamance, Monseigneur fut le héros d'aventures plutôt désagréables, mais assez fréquentes dans ce pays, où la navigation en rivière offre beaucoup de difficultés pour qui ne sait pas calculer avec l'heure de la marée. En cours de route, au dire des l'ères qui l'accompagnaient, il montrait une bonne humeur qui ne lui était pas coutumière en communauté. »

Il faudrait bien des pages, pour décrire par le menu la marche des oeuvres, auxquelles Mgr Kunemann a consacré les ardeurs d'un zèle toujours en éveil. Parmi les entreprises du prélat, bon nombre furent couronnées de succès, amenant un progrès durable ; d'autres n'ont point abouti, parce que « l'homme ennemi » a reçu la permission de les ruiner ; d'autres enfin n'ont réussi qu'à moitié; ou, après un temps de splendeur, sont retombées dans une situation précaire, subissant les vicissitudes produites par les coups de la mort, par l'influence des mauvaises passions, ou par le jeu de certaines petites combinaisons antichrétiennes.

« En 1902, il dote la Mission de Ziguinchor de trois Sœurs indigènes et fait construire pour elles, suivant ses plans, une belle habitation. A la même époque, il se préoccupe de fournir à cette importante station une église grande et belle. Le Conseil général lui alloue un premier secours, avec promesse que d'autres suivront. On jette en terre les fondations d'un vaste édifice. Mais, l'argent manquant en 1904, il laisse au P. Esvan le soin d'achever le travail sur des bases plus modestes.

Dès 1903, il replaçait deux Pères à Elinkine, avec mission de desservir Kagniout et Cap-Rousse. La station de Kagniout lui doit une modeste, mais confortable résidence avec chapelle.

Les Soeurs de Carabane étaient plus que modestement logées, et dans une maison d'emprunt, depuis 7 ou 8 ans. Une bonne occasion s'étant présentée, Monseigneur fait l'acquisition de l'immeuble de la Douane, où s'installent les Pères, en 1905, pendant que les Sœurs viennent occuper la maison où se trouvaient ceux-ci.

La station de Diembéring avait été quasi abandonnée, depuis 4 ou 6 ans, pour difficultés spéciales. En décembre 1906, Monseigneur charge un Père de l'évangélisation de cet important village (qui compte plus de 3,000 habitants). II s'y rend` personnellement, à différentes reprises. Le rêve de Monseigneur était de faire de Diembéring une Mission de premier ordre. Mais toujours il se heurta aux obstacles que l'Administration se plaisait à semer sous ses pas. Le Gouvernement ne reconnaissant pas aux indigènes le droit de propriété, ceux­ ci, malgré leur grand désir et leur bonne volonté, ne purent jamais décider Monseigneur à accepter les immenses concessions de, terrain qu'ils lui offraient de grand cœur.

Une partie du Vicariat du Sénégal, autrefois soumise, pendant deux siècles, à la domination portugaise, renferme des populations absolument ignorantes, mais fort bien disposées à l'égard de la religion chrétienne, car elles ont gardé comme une sorte de foi ancestrale, très robuste. Mgr Kunemann se dit : « On peut bâtir avec facilité sur ce fondement. » Il achète donc, à Sindone, l'ancien immeuble de la « Compagnie commerciale de la Casamance », qui lui sert à installer une station centrale, de laquelle les missionnaires peuvent facilement rayonner au loin, vers les villages où se trouve une population portugaise et chrétienne assez nombreuse.

La station de Sédhiou est redevable à Mgr Kunemann de la construction d'une chapelle de très bel aspect, mais malheureusement pas assez fréquentée, parce que les préoccupations du commerce et du plaisir dominent tout chez les habitants de l'endroit.

Dans le district de la Gambie, situé en territoire anglais, le vicaire apostolique, heureux de voir son action favorisée par le gouvernement britannique (qui reconnaît loyalement qu'en prêchant la religion, les missionnaires catholiques font oeuvre de moralisation et de civilisation), fonde la station de Boulelaï.

Au milieu de l'année 1906, Mgr Kunemann vient en France, pour prendre part au Chapitre général de la Congrégation. Après la clôture des travaux de cette assemblée, il fait à Rome sa visite ad limina Apostolorum. Reçu affectueusement par le Saint-Père, Monseigneur lui rend compte de l'état de son Vicariat et entend les éloges mérités et les encouragements de Pie X. Fortifié par la bénédiction du Pape, il retourne au Sénégal, dès le mois de septembre 1907, et se remet à ses oeuvres avec plus d'ardeur que jamais.

Certain changement commençait pourtant à paraître dans sa manière d'agir. Les missionnaires virent ce changement s'accentuer, durant la retraite de 1907, qu'il leur prêcha lui-même, en laissant parler son cœur d'apôtre. Jamais on ne l'avait vu si aimable, si bon. Jusqu'alors, on avait plutôt admiré la réalisation de la seconde partie de sa devise Suaviter et fortiter; on se mettait à savourer la première. Le prélat, en effet, avait caché toute sa vie, - instinctivement ou volontairement, peut-être les deux? - son cœur d'or sous un extérieur rigide (accentué encore par les marques de la vérole), de sorte que les fins psychologues seuls avaient su le découvrir; et maintenant, les moins perspicaces l'apercevaient et en jouissaient comme les habiles... Hélas ! cette joie ne devait guère durer.

V. - Le naufrage

Le 17 mars 1908, Mgr Kunemann s'était rendu à Ngasobil, pour y célébrer le surlendemain la fête patronale de cette communauté. Le 20 mars, après avoir dit la messe, il s'embarqua, à 7 heures du matin, sur le cotre St-Joseph regagnant Dakar. Le bateau, monté par un capitaine et quatre hommes d'équipage, portait, outre Monseigneur, deux passagers indigènes. Au départ, le temps était bon, mais menaçait de se gàter dans la soirée. Le vent devint en effet assez fort, l'après-midi, et vers 9 heures du soir, une bourrasque s'éleva.

Qu'advint-il du cotre et des 8 personnes qu'il portait? On ne put rien savoir à ce sujet, durant un mois. Mais, à Dakar, tout le monde pressentait un malheur. L'administration de la marine fit de longues et actives recherches sur mer et sur les côtes. La mer, qui demeurait très mauvaise, rendait ces recherches fort difficiles. On ne trouvait rien ! Les gens du métier supposèrent que le cotre, après avoir fait route vers la pleine mer, vira de bord en se rabattant sur Dakar. Au changement de la voile, le vent très fort, couchant le bateau sur le flanc, l'aurait coulé, parce qu'il ne portait pas de chargement et ne se trouvait point muni d'un lest suffisant.

Le 22 avril, des pêcheurs de Ngaparou dirent avoir vu le Saint-Joseph immergé, à 8 kilomètres de la côte, entre Somane et Ngaparou. Le lendemain, le F. Fulgence se rendit. à l'endroit indiqué et reconnut le bateau, dont on retrouva ailleurs des épaves : une partie de la cabine et le casque colonial de Monseigneur.

Tous les efforts tentés pour renflouer le Saint-Joseph demeurèrent inutiles; mais il n'y avait plus d'espoir à entretenir l'Océan avait pris et gardait 8 victimes!

Mgr Monnet, le premier membre de la Congrégation nommé évêque de Pella, en 1848, avait eu juste le temps d'atteindre un rivage hospitalier, pour y rendre le dernier soupir. Soixante ans plus tard, son successeur abordait directement aux rivages éternels !...

Les pauvres noirs ne pouvaient croire leur évêque mort si tragiquement! Ceux de Joal, en apprenant la découverte du Saint-Joseph au fond de l'Océan, erraient dans les rues, en regardant la terre, les deux mains jointes sur la tête, répétant, désolés : « E y ! Monseigneur ! èy ! Kunemann !...

Service solennel - Oraison funèbre

Lorsqu'on eut acquis la certitude de la catastrophe, le deuil fut général dans tout le Vicariat. Les chrétientés rivalisèrent d'empressement à multiplier les pieux suffrages, en faisant dire des messes à l'intention du Pontife et de ses infortunés compagnons.

Le 28 avril 1908, un service solennel de quarantaine était célébré, à Dakar, pour le repos de l'âme de Mgr Kunemann. M. le général Audéoud, commandant les troupes de l'Afrique occidentale française, était en grande tenue, au premier rang de l'assistance. L'armée, la magistrature, le commerce étaient largement représentés à la cérémonie. Après l'évangile, le R. P. Jalabert, vicaire général du regretté défunt (depuis, son successeur) prononça l'oraison funèbre de Mgr de Pella

MES RIENS CHERS FRÈRES,
« Dieu est le maître de nos destinées ; lorsqu'il lui plait de nous demander le sacrifice de notre vie, nous ne pouvons que nous courber sous sa main toute ­puissante. Personne n'est à l'abri des coups de la mort. La science, qui a fait tant de progrès, se sent bien peu de chose en face de cette souveraine qui frappe les grands comme les petits, les puissants comme les faibles, les riches comme les pauvres, les couchant dans la tombe sous le niveau d'une impitoyable égalité.

« Aux yeux de l'incrédule, la mort est une porte ouverte sur le néant, Pour nous, chrétiens et croyants, elle est le prélude d'une vie nouvelle, dans les radieuses clartés d'un bonheur sans fin. Devant cette perspective et en face du trépas, toutes nos terreurs cessent, et quelque douloureux et poignant que soit le dernier combat qui doit briser la fragile enveloppe de notre corps, nous acceptons avec joie le suprême sacrifice qui met un terme à nos souffrances et nous ouvre toutes grandes les portes de la Patrie.

« C'est bien cet idéal de foi et d'espérance qui est venu illuminer d'un rayon divin les derniers moments du Père que nous pleurons. Notre raison s'étonne, se scandalise même à la pensée d'une telle mort réservée à un homme de Dieu. Mais la foi impose silence à la raison, pour nous dire qu'il est toujours glorieux de mourir quand on fait son devoir. Il faisait son devoir, ce vaillant,, lorsque la mort est venue le saisir brutalement, lui et ceux qui l'accompagnaient.

« Que pouvait-il redouter de la justice de Dieu? Il était toujours prêt. Le matin même de son départ, n'avait-il pas encore une fois offert l'adorable sacrifice et puisé dans cette manducation du pain de vie le courage de mourir et de s'immoler pour les siens? C'est ce qu'il a fait, vous n'en doutez pas, et ce sacrifice, accepté dans des circonstances particulièrement douloureuses, qui effraient notre sensibilité, ce sacrifice, dis-je, uni à celui de la Victime de nos autels, aura sûrement pour effet d'attirer sur cette terre africaine, réfractaire aux principes de l'Évangile, une surabondance de grâces et de bénédictions.

C'est bien ainsi que nous l'avons compris, tout en déplorant amèrement une fin si prématurée qui nous prive d'un chef aimé et vénéré.

« Mgr Kunemann était jeune encore : il n'avait que 52 ans. Il était fils de cette Alsace, qui a vu naître le second fondateur de notre Congrégation, le vénérable Libermann. D'un tempérament ardent, d'une volonté de fer, dur pour lui-même, il était doux aux autres, et cachait, sous des dehors un peu sévères, un coeur débordant de bonté.  

« Il est allé recevoir sa récompense... il avait travaillé, il s'était dépensé sans mesure...
« Il tombe glorieusement : honneur à lui.
« Cependant, prions pour lui. C'est notre devoir. Associons dans notre religieux souvenir la mémoire de ceux qui ont péri à ses côtés.
« Que Dieu leur donne bientôt le repos et la lumière éternels!
« D'ici, j'adresse en votre nom et au nom de tous les missionnaires, à la famille du vénéré défunt et aux familles des indigènes qui ont partagé son sort, l'expression émue de notre douloureuse et très vive sympathie.
« Et maintenant, élevons nos âmes. Dans la douleur qui nous étreint, rappelons-nous ces divines et consolantes paroles tombées des lèvres du Christ : « Je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit en moi ne mourra pas éternellement! Ego sum resurrectio et vita : qui credit in me non morietur in aeternum ! Amen. »
L. DEDIANNE.

Page précédente