Le Père Pierre LAMOUR,
1900-1959


Pur breton du Finistère, Pierre Lamour naquit à Elliant, le 5 avril 1900. Devenu bientôt orphelin de père et de mère, il fut recueilli par un ami de la famille, curé dans le diocèse de Versailles, et c'est à Notre-Dame de Granchamp, le petit séminaire de Versailles, qu'il fit de bonnes études secondaires, couronnées par le baccalauréat en juillet 1919.

Sa vocation missionnaire était déjà née et il partit tout de suite, avec un ami, le Père Lafage, au noviciat de Neufgrange. Le service militaire le vit aux E.O.R. (Elèves Officiers de Réserve) et, durant le stage de Saint-Cyr, l'aspirant Lamour suivit les cours d'histoire du capitaine de Gaulle. Il devait toujours aimer les sciences historiques.

Chevilly le reçut pour le scolasticat. Comme pour bien d'autres, sa vocation mûrit dans le calme. De nature plutôt fermée, Pierre Lamour n'aimait guère les manifestations de groupe, mais sa charité délicate et son sens du service désintéressé lui valurent de belles et solides amitiés.

En 1926, il fut désigné pour le Gabon. Malgré une santé plutôt moyenne, il devait y vivre 33 ans sans consulter le médecin ! Envoyé à Boutika, puis à l'Okano, en plein pays Fang, le P. Lamour se livra au travail ardu de la connaissance de la langue. S'il ne connaissait pas l'exubérance extérieure de certains, il avait le secret de l'efficacité ; il savait organiser le spirituel aussi bien que le temporel. Il ne sacrifiait pas le catéchisme à la chasse, mais savait à l'occasion pourvoir la table de la mission du gibier nécessaire à la nourriture. Son adresse était proverbiale autant que son amour de la nature. Ces qualités de pionnier le firent nommer dans une région encore peu explorée : le pays Bakota ; il se mit à la langue qu'il fut le premier européen à connaître. Le catéchisme qu'il composa alors fut une véritable réussite par sa simplicité.

Un congé bien mérité le ramena en France en 1935 ; l'administration provinciale le retint pendant un an, pour assurer un intérim comme maître des novices-frères. Il fut très heureux de retourner au Gabon à la fin de 1936, et fut chargé d'organiser la mission de Bitam, au Nord du Vicariat, près du Cameroun .... Il chercha, suivant ses idées qui maintenant sont celles de tout le monde - à rapprocher le plus possible la mission des gros villages et des villes.

La guerre vint le prendre à Bitam. Mobilisé comme lieutenant, il partit pour Bangui, et en revint en 1940 pour être incorporé, comme officier, dans les Forces Françaises Libres. Nommé à Bitam, il y assura - fait singulier - les trois gouvernements : pouvoir religieux, pouvoir civil, pouvoir militaire. Dans les événements douloureux qui partagèrent alors le Vicariat, il sut se conduire en bon religieux, respectant toujours l'autorité. Quand le corps expéditionnaire, la 61 D.B. fut constitué, il fut nommé pour le rejoindre au Nord-Cameroun, et il connut les campagnes de Lybie, de Tunisie, de France, sous les ordres du Général de Larminat.

Rentré rapidement au Gabon en 1945, le P. Lamour regagna Bitam. L'évêque avait besoin d'un homme pour réorganiser la région Bakota. Plusieurs postes avaient été créés au mieux des possibilités, mais un regroupement s'imposait. Le Père choisit Makokou comme centre le plus adapté à une mission. Il participa à l'érection de Mékambo, à l'extrême Est du Gabon. Le P. Lamour eut bien des mérites dans ces fondations : le Gabon, dont le réseau routier est encore très précaire malgré les moyens actuels, ne possédait pas de moyens de communication réguliers. La pirogue, avec tous les risques qu'elle comporte, et la marche à pied, avec sa poésie bien vite monotone, étaient les vrais moyens du bord.

En mars 1951, il passa son congé chez son frère, curé au diocèse d'Oran. A son retour, après un remplacement à Sindara, où se trouve le noviciat des Sœurs de Sainte-Marie du Gabon, il est affecté au collège Bessieux qui vient de naître. Au collège, il trouvera le moyen de mettre toute sa science au service des jeunes élèves en enseignant l'histoire et la géographie. Une vie intellectuelle régulière lui avait donné une culture étendue et les spécialistes avaient du mal à trouver quelque faille dans son savoir. Au milieu d'un corps professoral très jeune, le P. Lamour était l'ancien, mais avec un cœur toujours neuf. Sa vie religieuse était aussi scrupuleuse que son devoir professionnel. Exemple de fidélité, il entraînait les autres par sa charité délicate et vivante. Les livres ne lui avaient pas fait oublier l'apostolat effectif, et il assurait le service religieux d'un quartier de Libreville. Cette vie semblait devoir durer longtemps.

Et pourtant, après le ministère de Noël, le Père se sentit fatigué. Il reprit son métier de professeur malgré des maux de tête intolérables. Le 19 janvier 1959, épuisé, il arrête les cours. Pour être mieux soigné, il est hospitalisé. La maladie s'aggrave bien vite. Les analyses révèlent une congestion cérébrale, et le 28 au matin, il s'éteignit sans bruit, après quinze jours de maladie, rejoignant Dieu tout simplement, comme il avait vécu.

Le lendemain, autour du cercueil du P. Lamour - qui ne quittait le collège que pour se rendre à son ministère de Nkembo - c'est tout Libreville qui se trouvait réuni autour du Président du Gouvernement pour témoigner la sympathie respectueuse aux Pères du Collège et de la Mission. Cette mort laisse un grand vide dans la communauté Saint-Jean du séminaire-collège de Libreville. Bien qu'âgé de 58 ans, le Père Lamour était le doyen de la jeune communauté, comme un élément modérateur et cependant très agréable. Doué d'une excellente mémoire, il savait animer les "conversations de table"; c'était un charmant confrère.

Chaque ami qui s'en va laisse un message à ceux qui restent. Le Père Lamour est pour nous l'image d'un prêtre zélé et profond, d'un missionnaire réfléchi qui sait travailler utilement, d'un professeur compréhensif et vivant, d'un religieux ponctuel, sans raideur, charitable sans ostentation, fraternel sans faiblesse : ses paroissiens, ses élèves comme ses confrères furent unanimes pour évoquer la loyauté et la fidélité d'une vie qu'on se sent tenté d'imiter.

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