Le Père Louis LANNURIEN DE BARAZER,
1823-1854


Disciple du Père Libermann et fondateur du Séminaire français de Rome. Sixième d'une famille de huit enfants, "de François-Etienne Barazer-Lannurien, avocat, premier adjoint du maire de Morlaix, et de Anne-Marie-Françoise Kermarec son épouse", Louis Lannurien naquit à Morlaix le 10 mars 1823.

Elève au collège des Eudistes de Rennes, il aura l'occasion d'y rencontrer François Libermann, maître des novices, encore minoré ; cette rencontre sera décisive. L'influence du juif converti sur le jeune Morlaisien se fera sentir dès ce moment, mais plus encore au séminaire de Saint-Sulpice, à Issy, où il entre en 1839, à16 ans. Au terme de ses deux années de philosophie, M. Lannurien est décidé à se consacrer aux missions des Noirs, et fait part de son désir d'entrer tout de suite au noviciat ; prudent, M. Libermann le fera terminer à Saint-Sulpice ses études théologiques.

L'esprit missionnaire, pour M. Libermann comme pour Louis Lannurien, ne limite pas leur intérêt aux âmes lointaines. Dès le temps de son noviciat à La Neuville-les-Amiens, puis au faubourg Noyon, près d'Amiens, Louis Lannurien s'intéresse aux petits Savoyards pour lesquels le P. Libermann avait créé une œuvre du dimanche, aux ouvriers belges affectés à la construction de la nouvelle voie ferrée Paris-Amiens, aux filles repenties de la maison du Bon Pasteur, près de Saint-Acheul...

Profès le 22 août 1845, ordonné prêtre le 7 mars 1846, le Père Lannurien, lorsqu'il sera à Paris, chargé de la direction du séminaire du Saint-Esprit, continuera à s'intéresser aux œuvres qui s'offrent à lui ; il introduit dans la chapelle du séminaire une œuvre d'aide spirituelle et matérielle pour les pauvres, qui seront bientôt plus de quatre cents. Le Père s'intéresse aussi aux jeunes gens du quartier, notamment au sein du Patronage Sainte-Mélanie fondé en 1850, et qu'il dirige avec plein succès. Il faudrait citer encore une œuvre des soldats, et les catéchismes du soir...

Quand un certain nombre d'évêques de France s'adressèrent à la congrégation pour fonder à Rome un séminaire pour les Français, comme il en existait pour les Germains, les Irlandais et les Ecossais, c'est le Père Lannurien qui fut chargé de cette fondation. Il s'était toujours occupé de la formation de futurs prêtres, comme professeur de théologie, puis comme directeur du séminaire pour les colonies.

Mais un autre fait devait orienter vers lui le choix de ses supérieurs et la confiance des évêques, c'est son rôle de secrétaire dans les Conférences de Saint-Jean, présidées par le P. Libermann. Pour comprendre la valeur de ces réunions hebdomadaires, on notera la présence de M. Girardin, futur directeur général de l'œuvre de la Sainte-Enfance, M. Gay futur évêque auxiliaire du cardinal Pie à Poitiers, M. de Ségur, M. Duquesnay futur archevêque de Cambrai, le Père de Ratisbonne fondateur de Notre-Dame de Sion, M. Batisfolier futur évêque de Mende, etc. Tous les problèmes de la spiritualité sacerdotale et de l'apostolat contemporain étaient abordés par eux, préparant ainsi le futur fondateur du séminaire français à sa mission providentielle.

Il arriva à Rome le dimanche 27 février 1853. Après les questions matérielles résolues, la première nécessité fut de composer le règlement du séminaire et de le faire approuver par les autorités romaines : les consulteurs italiens le trouvèrent trop large sur bien des points, et surtout pour certaines libertés prévues en faveur des élèves prêtres. On a conservé sa réponse, pleine de mesure et de prudence : le règlement doit tenir compte de ceux auxquels il s'adresse et des habitudes des séminaires de France. Fort de son expérience du séminaire des colonies, le Père Lannurien sait bien qu'aucun règlement de détail n'a une valeur absolue, ainsi que Pie XII, en son temps, devait le rappeler avec force. Il savait surtout, comme il le dit explicitement à la première page de son Explication du Règlement aux jeunes gens de Rome " que leur règle doit être règle de liberté et d'amour, et qu'ils doivent tendre à la perfection " non pas pour un motif extérieur de discipline et de crainte, mais en raison même de leur vocation spéciale, et en vue du bien commun qu'ils doivent réaliser au sein de l'Eglise dans l'œuvre dont ils font partie.

Bien d'autres aspects de cette personnalité mériteraient d'être connus. Il faudrait parler en particulier, de ses relations avec le milieu romain qui se formait à Paris autour du bibliothécaire du séminaire du Saint-Esprit, le Père Gaultier. Les relations de chaque jour que le P. Lannurien eut avec le Père Gauthier et avec les, représentants de ce mouvement romain l'avaient évidemment préparé immédiatement à l'œuvre qu'il devait fonder dans la Ville éternelle.

Mais il faudrait parler surtout de la vie intérieure qui animait cette action, la préoccupation de sainteté qui transparaît à travers toute sa manière d'agir : " Le bon ou le mauvais succès de notre œuvre dépend de nous, disait-il ; si les directeurs sont saints, tout ira bien ; c'est là le point capital : que nous soyons de dociles instruments, entre les mains de Dieu. Soyons sans préoccupation sur le succès ; cherchons fidèlement le royaume de Dieu et sa justice. ',

"Pendant tout le temps que j'ai passé avec lui à Rome, écrit le P. Leman, jamais je ne l'ai vu montrer d'aversion contre personne, quoiqu'il fut ardent et sensible ; il savait parfaitement conserver son âme dans la paix, même quand il avait à se plaindre de quelqu'un."

Telle est l'image que le Père Lannurien nous a laissée ; tel est l'exemple qu'il a légué à son séminaire, suivant lui-même les traces de celui qui fut son maître incomparable, le juif converti qui mourait en disant : "Ferveur, charité, sacrifice... charité surtout."

Le P. Lannurien est mort le 5 septembre 1854, lors d'une épidémie de choléra, alors qu'il en était au cinquième jour d'une retraite spirituelle chez les Pères Jésuites à Rome. Il avait 31 ans.
(Résumé de la notice rédigée par le Père Joseph Lécuyer)

En 2004, Roger Billy et Etienne Osty publient chez Kartala (Coll. Mémoires d'Eglises) un livre intitulé:
"le P. Louis Marie Lannurien, CSSP, disciple de Libermann (1823-1854)"

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