Les Pères Jean et Léon LATAPPY

Jean et Léon Latappy sont deux frères "même père, même mère", originaires du même village d'Eyres-Moncube dans le canton de St-Sever. Le Père Réchède qui les a précédés était lui-même de Larrivière, village du même canton de Saint-Sever. Et le Père Philippe Rivals, l'unique spiritain actuel du diocèse, est né à Saint-Sever d'une famille d'Eyres-Moncube, comme les frères Latappy. Comment pourrions-nous passer sous silence un fait aussi exceptionnel ! Disons donc un grand bravo au canton de Saint-Sever et un grand merci au diocèse d'Aire et Dax ! "Rari nantes" peut-être, mais d'autant plus précieux, car ce qui est rare est cher, nous voulons dire d'autant plus apprécié.

Le papa Latappy, instituteur à Eyres-Moncube, était lui-même originaire de ce village où il enseigna toute sa vie. De ses huit enfants (cinq filles et trois garçons) cinq d'entre eux se consacrèrent à l'enseignement, à l'exemple de leur père. On ne sera pas étonné que les liens familiaux et régionaux aient joué dans la suite un grand rôle dans l'histoire de nos deux confrères.

Jean est né le 8 décembre 1850. Après l'école primaire au village, il fut élève du lycée de Saint-Sever, où il passa le brevet supérieur qui l'habilita à l'enseignement. Il obtint une place à l'école commerciale de Bordeaux et y travailla jusqu'en 1874. C'était un jeune homme adonné au travail et à la piété, dans la tradition de sa famille et de son village. Les mœurs de la grande ville scandalisaient parfois sa vie personnelle, qu'il avait mise à l'école de la spiritualité de St François de Sales. Il s'en ouvrit à l'abbé Campana, qui devina chez lui une vocation religieuse et missionnaire, et le mit en relation avec le Père Gravière, supérieur de la communauté spiritaine de Bordeaux. Le père de famille consulté donna généreusement son approbation : "Je soussigné, déclare consentir à ce que mon fils, Jean Latappy, entre dans la congrégation du Saint-Esprit et de l'immaculé cœur de Marie. EyresMoncube, 28 septembre 1874. Jn Bte Latappy."

Léon est né quatre ans après Jean, le 9 novembre 1854. Les classes élémentaires ten-ninées, il fut admis au petit séminaire et y resta six ans, de 1868 à 1874. Dans une de ses lettres il se dit ancien élève du petit séminaire d'Aire dans le département des Landes ; cependant le Père de Courmont précise que c'est l'abbé Laplace, supérieur du petit séminaire de Saint-Pé qui lui a envoyé les renseignements concernant Léon Latappy. A cette date en effet, Léon ayant terminé la classe de seconde demanda à poursuivre à Langonnet en Bretagne et y accompagner son frère chez les spiritains. Ceux-ci, ayant également reçu le consentement du père de famille pour son fils Léon, conseillèrent aux deux frères de faire route ensemble.

Les deux frères eurent d'abord à achever leurs études secondaires, Léon en classe de rhétorique et Jean par la mise au point de la langue latine.

Ils suivirent ensuite les cours habituels de philosophie et de théologie sans trop de difficultés. Ils se firent cependant remarquer en deux occasions : Jean en s'absentant plusieurs semaines, sans attendre la permission, pour préparer la benjamine de la famille à son examen de fin d'études ; Léon en remontant jusqu'au Supérieur général pour réclamer chaussettes, soutane et chaussures neuves pour aller déjeuner au château de M. Cavelier de Cuverville, dont les enfants bénéficiaient de ses leçons lors de son stage à St-Ilan. Heureusement ces incidents ne les empêchèrent point d'accéder ensemble à la prêtrise en 1879 et à la profession religieuse après leur noviciat en 1880.

C'est dans l'enseignement que le Père Léon Latappy fut affecté dans la Congrégation: à Cellule (Puy-de-Dôme) pour commencer, de 1880 à 1886. Ayant quelques difficultés d'adaptation, il songea déjà au clergé diocésain, mais n'insista pas. Affecté au collège de Mesnières (Seine Maritime) de 1886 à 1890, il ne s'épanouit pas dans le professorat : ü songerait plutôt volontiers, écrivait-il, aux fonctions d'économe, ou de vicaire paroissial, ou de mission lointaine (mais il craindrait que ses parents n'en soient attristés). Un troisième essai au collège de Castelnaudary, dans l'Aude, ne fut pas plus gratifiant. En 1896, il se résolut àdemander sa mise en congé, afin de chercher à obtenir son incardination dans un diocèse. Il l'obtint dans celui de Bordeaux, où il exercera, durant trente ans, le ministère paroissial : à Pomerol près de Libourne, au Pian-Médoc près de Blanquefort et enfin à Hourtin. Il y est décédé, en son presbytère, le 10 janvier 1926, soigné durant sa dernière maladie par sa sœur Joséphine, qui informa ellemême la Congrégation du Saint-Esprit du décès de son frère.

En 1880, après leur ordination les deux frères avaient passé quelques semaines en famille et célébré les offices dans leur paroisse d'origine. Tandis que Léon était affecté à Cellule, Jean rejoignait le collège de Mesnières comme professeur de sciences. L'année suivante on lui demanda de préparer à Bordeaux le baccalauréat-ès-sciences. Il l'obtint à la première présentation. Appelé à Cellule pour remplacer provisoirement un professeur malade, il eut quelque difficulté à assurer la discipline parmi ses élèves et rejoignit Bordeaux, de sa propre initiative, pour poursuivre des études littéraires. C'est sur l'injonction de l'obéissance religieuse qu'il consentit cependant à rejoindre Paris, où il fut affecté au secrétariat de la Maison Mère et spécialement à la rédaction du Bulletin Général.

C'est dans le Bulletin de janvier 1903 que Mgr Le Roy écrivait "La guerre antireligieuse, qui s'est abattue sur la France, s'étend tous les jours : nous nous ferions une inutile et dangereuse illusion si nous croyions que nous serons épargnés." En 1904 une nouvelle loi interdit tout enseignement aux congrégations, la France rompit ses relations diplomatiques avec la Papauté, et l'existence de la Congrégation du Saint-Esprit était mise en péril !
C'en était trop pour la santé fragile du P. Jean Latappy. Il obtint d'être relevé de ses obligations spiritaines et put rejoindre son frère dans le diocèse de Bordeaux. Il y fut successivement curé de Saint-Laurent du Bois et curé de Saint-Pierre de Bat. C'est là qu'il mourut le 26 décembre 1924, assisté par une de ses sœurs (Mme veuve Bec) qui notifia son décès à la Congrégation, qui n'avait jamais cessé de le soutenir.

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