Le Père Laurent LE BERRE,
1859-1919


Le P. Laurent Le Berre, profès des voeux perpétuels du District de la Guadeloupe, décédé le 6 décembre 1919, à l'âge de 60 ans, après 43 années passées dans la Congrégation, durant 39 ans et 3 mois comme profès.

Le R Laurent Le Berre naquit à Ker-Végant en Neuillac, près de Pontivy , le 21 juin 1859. Tout jeune, il donna des marques d'un goût prononcé pour l'état ecclésiastique : il voulait être prêtre, déjà pendant qu'il faisait ses premières études au pensionnat de M. Eveno à Pontivy, mais pour qu'il eût l'idée de devenir religieux et missionnaire, il lui fallut être envoyé au collège de N-D de Langonnet, où ses parents le placèrent en considération de son oncle, le R P. te Berre, missionnaire au Gabon et alors vicaire général de Mgr Bessieux. Aux vacances de 1876, après sa quatrième, il sollicita son admission au petit scolasticat, et pour donner une preuve de sa bonne volonté il revint à l'Abbaye, après 3 semaines seulement passées dans sa famille, le 19 août. Dès lors jusqu'en 1903, pendant plus de deux ans, les notes que lui ont données ses supérieurs successifs, confirmées par les lettres qu'il leur écrivit, nous révèlent un côté intéressant de sa vie intime : il a un caractère difficile, il est le premier à en convenir, il essaie sans cesse de se reprendre et de se corriger, mais il n'y réussit guère, et cependant aucun de ses supérieurs ne le laisse quitter sa maison sans se croire tenu d'affirmer qu'il a fait des efforts pour réformer ses travers et qu'il a obtenu quelque succès.

Au petit scolasticat, il est soumis deux fois à l'épreuve du retard de sa prise d'habit. Le 28 août 1887, il prononça ses premiers voeux ; après quoi il fut envoyé à la Martinique pour y être professeur au séminaire- collège de St-Pierre. Il n'y resta que trois ans, passa l'année 1891 à Cellule et en février 1892 il partit pour Haïti.

Le temps qu'il est resté à St-Martial, plus de onze années consécutives sans congé, prouve qu'il savait malgré tout s'accommoder aux circonstances. Lui-même nous explique alors ses sentiments et impressions : " Je souffre de tout, un rien excite ma trop grande sensibilité, une parole, un procédé, que sais-je ? Mais là où je souffre le plus, il me semble, c'est lorsque je me suis emporté contre l'un ou l'autre de mes confrères ou contre un élève : je me sens tout confus, tout humilié... Ceux-là seuls qui ont un caractère comme le mien savent ce que je souffre "

A son retour en France en 1903, il fut employé quelque temps à Langonnet et à Suse, puis revint en Haïti pour y être attaché à la maison des missionnaires, à Ste Madeleine (janvier 1906 à septembre 1908). Un nouveau séjour en Bretagne où il prêcha dans les paroisses voisines le prépara au ministère qu'il exerça à la Désirade (Guadeloupe) d'octobre 1911 à sa mort.

De son propre aveu, le P. Le Berre aimait surtout l'enseignement. A St-Martial (Port-au-Prince), il débute par la 6e, fait la 3e pendant deux ans, et pendant 8 ans la seconde. Aujourd'hui ses élèves, devenus hommes, lui gardent une vive reconnaissance, et son souvenir ne leur laisse d'autre impression que celle du dévouement, qu'il leur a constamment témoigné. Il réussit à se faire assez aimer d'eux pour que, aux moments pénibles, ils mettent eux-mêmes tous leurs soins à maintenir dans la classe la bonne entente avec leur maître. Bien qu'il sentit fortement les ennuis que de nombreuses relations pouvaient créer à sa nature impressionnable, il accepta volontiers toutes les charges accessoires qui lui furent imposées : aumônerie de l'hôpital militaire, catéchismes au pensionnat des Soeurs, préparation des séances récréatives, prédications diverses. Et en tout cela il réussit, comme il réussit dans sa classe. Plus tard, quand il fut missionnaire il se fit estimer à Port-au-Prince par la clarté de son exposition et sa franchise.

A la Désirade, le P. Le Berre se montra d'un zèle infatigable et d'un dévouement sans borne, surtout pour ses chers lépreux, ses enfants de prédilection. Ni la fatigue, ni la chaleur, ni l'infirmité dont il souffrait et qui ne lui permettait pas l'usage du cheval ni de la voiture, ne pouvaient l'empêcher d'aller régulièrement toutes les semaines voir, consoler, administrer ses malades. Pour mettre en relief ce zèle et témoigner au cher Père toute sa reconnaissance, Mgr Genoud le nomma en 1919 chapelain de Notre-Dame, nomination qui fut accueillie avec enthousiasme par tous ses paroissiens.

Le samedi soir, 6 décembre, après qu'il eut fini de confesser, il se trouva fatigué et on dut l'aider à sortir du confessionnal et de l'église. Arrivé dans la cour du presbytère, il renvoya les gens qui le soutenaient, fit quelques pas seul, et tomba à la renverse en se faisant une blessure à la tête. Tous les soins furent inutiles : il s'endormit dans le Seigneur vers minuit.

Le curé de St-François, mandé en tout hâte, s'empressa de prendre la mer, mais n'arriva à la Désirade que le dimanche à dix heures du matin et ne put que présider à l'enterrement.

Page précédente