Le Père Yves LE ROY
décédé à Langonnet, le 14 décembre 1951 ,
à l’âge de 65 ans et après 45 années de profession.


Les notes données au P. Yves Le Roy, au cours de sa carrière dans la Congrégation, le représentent sans exception comme un confrère souple, complai­sant aimable et de piété très sincère. Dans la dure épreuve de sa longue maladie, à Langonnet, il se montra tel qu'il avait toujours été, courageux dans la souffrance, patient, bon pour tous, et animé d'une vie surnaturelle très puissante qui, après avoir été le ressort de sa vie active, le soutint égal à lui ­même jusqu'au dernier sacrifice.

Il naquit à Lanvollon, au diocèse de Saint-Brieuc, le 2 avril 1886. Ses études achevées, au Petit Sémi­naire de Tréguier, il entra au noviciat de Chevilly, en 1905, fit sa profession l'année suivante, et passa. en philosophie. Il fit son service militaire à Vitré, en sortit adjudant, et, continuant ses cours, parvint enfin au terme de sa préparation. Il fit sa consécration à l'apostolat le 11 juillet 1913.

Il avait désiré les Missions, de préférence les missions françaises; on l'envoya à la Martinique où il fut affecté comme professeur au collège de Fort-de-France. Dès le début, il s'accommoda très vite de ses fonctions et trouvait même beaucoup d'agrément à son emploi. Mais la guerre écla­tait un an plus tard, et le Père, mobilisé, dut rentrer en France en février 1915..

Fait prisonnier à la bataille de Verdun, à la fin de cette même année 1915, il fut interné d'abord à Wiesa, puis à Bautzen où il eut beaucoup à souffrir.

A Wiesa, il n'avait manqué de rien. Le milieu d'officiers où il vécut s'était montré très sympathique à son égard; il y fut aumônier adjoint. Il se fit le professeur de deux jeunes prisonniers comme lui, leur enseigna, le latin et eut le bonheur d'amener l’un d'eux dans sa Congrégation.

Mais le séjour à Bautzen, où il arriva en avril 1917, l'épuisa. Sa santé compromise lui valut de pouvoir passer en Suisse où il devint l'aumônier des soldats français internés. Il résida d'abord à Bex-les-Bains, puis à Villars-sur-Ollon.

Rentré en France en juillet 1918, il demanda à passer à la Martinique ses trente jours de congé de démobilisation. A peine put-il passer quelque jours dans sa famille. Encore dut-il garder le lit avec une forte grippe. Revenu à la Martinique, il fut nommé vicaire à la Cathédrale et y resta de décembre 1918 à octobre 1919.

A la rentrée des classes 1919, il fut rappelé au collège où il resta jusqu'en mai 1925. Autant il avait paru se plaire dans cette maison durant les quinze mois de son premier séjour dans l'île, autant la classe lui pesait à présent. Il n'en donne pas nettement la raison, mais il a goûté de la liberté et son tempérament d’arti.ste - car il aimait la peinture –s’accommodait mal d'être enfermé entre les murs d'un collège au lieu de courir à travers la plaine et les mornes et de jouir, de la belle nature. On comprit ses désirs et on le nomma curé de Grand.Rivière. Il ne devait pas y rester longtemps.

Il fut envoyé cette fois ;au Canada, au collège Saint-Alexandre. Ce fut le coup de grâce: sa grande sensibilité n'y tint pas; il prit sa classe en dégoût et le milieu lui déplut. Il exposa sa misère; on le comprit encore en haut-lieu et on le destina à la Guyane (1929). Curé de Sinna­rnary, il se livra au travail sans aucun ménagement. Il entreprit de se bàtir une église décente. Architecte, entrepreneur et ouvrier tout à la fois, on peut dire qu'il réalisa son rêve à lui tout seul; car, s'il rencontra des concours dévoués, ces dévouements n'eussent abouti à rien s'il n'eût été le principal artisan.

De retour en France en 1939, il fut désigné ~omme aumônier du sanatorium de Bli gny. Là encore, il ne put s'y faire; il ne se sentait pas adapté à ce milieu de malades et regrettait Sinnamary au point de tout prendre en dégoût.

Mais bientôt il fut affligé du mal de Parkinson et n'eut d'autre res­source que d'attendre la mort dans la solitude de Langonnet, où il trou­va cependant bientôt l'occasion de se rendre utile. De 1939 à 1945, il de­ vint l'aumônier du Juvénat des Frères de Lamennais, à Roscoat, dans la région de,Paimpol. Sa maladie, d'abord relativement bénigne, lui laissa h_, moyen de remplir son ministère à la très grande satisfaction de la petite communauté. Il n'est que d'entendre les Frères,parler de leur Aumônier pour comprendre'dans quelle vénération ils le tenaient. - Le Roscoat était en plein maquis et tout le monde y était activement résistant, à tel point que le Fr. Directeur fut déporté et décapité à la hache...

Le P. Le Roy, avec sa perpétuelle « tremblotte», attira peu l'attention de la terrible Gestapo; mais il était de cœur et d'action avec les autres dans la rnesure où il le pouvait- dans une mesure de plus en -plus restreinte, car son mal inexorable faisait des progrès lents mais certains. Le seul re­mède d'une réelle efficacité qu'il ait trouvé, le «Parkinbell», soulageait ses souff rances tout.en démolissant peu à peu un organisme déjà bien usé Et le moment arriva où le P. Le Roy, se rendant bien cornpte que sa place n'était plus au Roscoat, demanda son retour définitif à Langonnet, au très grand regret des Frères et de tous ceux qui fréquentaient leur maison: ils avaient l'impression de perdre un saint!

C'est bien l’impression qu'il a laissée aussi à Langonnet où il fut vraiment héroïque. Ne se plaignant jamais, il se contentait de prier, son chapelet à la main, il circulait par la maison, les jardins et le pare, tout courbé en deux et tremblant de tout son corps. Toujours il avait un mot aimable pour les passants, et ne cherchait nulle consolation de qui que ce soit: il n'en avait pas besoin. Dans sa prière, il s'unisssait volontiers aux intentions qu'on lui suggérait et l'on éprouvait l'efficacité de son inter­vention auprès de Dieu. Il avait fait le sacrifice de toute sa personnc. Longtemps il put encore célébrer avec l'aide d'un confrère jusqu'au momeni où il lui fgt impossible de monter à l'autel. Il s'y résigna comme il s était résigné à ne plus être qu'une pauvre loque humaine. Le terme du sacri­fice arriva enfin et le Seigneur l'appela à lui le 11décembre 1951.

Page précédente