Le Père Christophe Marichelle,
décédé à Loango, le 19 juillet 1929,
à l’âge de 60 ans.


Christophe Marichelle naquit à Beaurevoir, diocèse de Soissons, le 25 juillet 1869. Il devint orphelin dès l’âge d’un an et se trouva remis aux soins de l’abbé Marlier, son oncle maternel. Il fit ses premières études à Laon, puis au petit séminaire de Notre-Dame de Liesse ; dans cette maison, il rencontra un jeune professeur qui y enseigna de la rentrée d’octobre 1883 au commencement de 1885, l’abbé Jean-Baptiste Hivet, et qui entrera au noviciat de Chevilly en octobre 1886 : il exerça la plus profonde attraction sur le jeune élève. Christophe Marichelle, à dix sept ans, prit la résolution de suivre l’exemple de l’abbé Hivet.

La loi militaire de 1889 dérangea ses plans. L’abbé Marichelle fut appelé au service, qu’il fit au 45e de Ligne. Pendant son séjour à la caserne, le P. Hivet, parti en 1887 pour Loango, y mourait le 4 novembre 1890, avec la réputation d’un saint missionnaire. L’abbé Marichelle se promit plus fortement que jamais de tenir la place du défunt.

Après des études supérieures de théologie à Saint-Sulpice il subit avec succès les épreuves de la licence en droit canonique. Quand il eut, à vingt-deux ans, achevé ses cours, il résolut d’exécuter son dessein d’être missionnaire et fut admis le 24 novembre 1892 au noviciat d’Orly. Le 24 mars 1894, il fit profession et se disposa à se rendre en mission.

Les liens d’amitié qu’il avait contractés avec le P. Hivet, les relations qu’il avait déjà entretenues avec Mgr Carrie, au souvenir de son ami, le désignaient pour Loango. Il y arriva en mai 1894, et fut reçu à bras ouverts, car on avait besoin de monde.

L’œuvre des enfants lui fut confiée. Trois ans plus tard, quand il eut donné sa mesure, Mgr Carrie énumérait les qualités de son nouveau missionnaire : « Franchise, gaîté, zèle. » et il ajoutait : « Intelligent, débrouillard. »

Le P. Marichelle avait de beaux projets : multiplier les écoles, former des maîtres. « J’ai fondé sept écoles, non loin de la côte, écrivait-il en 1898 : sur ces sept, quatre sont encore inexistantes et en très bonne voie, je crois. En outre, j’ai avec moi un jeune homme qui est mon domestique pour les voyages, qui est bien instruit et que je forme au ministère des écoles. Avant un an, il sera installé dans un beau centre de population. »

Dès cette époque, il était chargé, en plus des écoles, de la paroisse de Loango, fonction qui exigeait de lui de longues courses et des voyages. Sa santé résistait à toutes les fatigues, malgré quatre accès de fièvre bilieuse hématurique qu’il avait subis.

Il trouvait en outre le temps de tirer parti de sa connaissance de la langue vili, en publiant en cette langue, en 1898, une traduction des Devoirs du Chrétien, en 1900 un Catéchisme vili de cent douze pages, avec un petit catéchisme. Toute sa vie il s’appliqua à ses travaux de linguistique. Pendant qu’il était en France, en 1901, il s’expliquait en ces termes à ce sujet : « Je travaille énergiquement à mon dictionnaire que je refais à neuf, et à la grammaire si ardemment désirée à Loango. » Son Dictionnaire Vili-Français parut en 1902, et en 1907, ce fut sa Méthode pratique pour l’étude du dialecte Vili, qui eut une seconde édition en 1913. En 1912, il avait déjà donné un Dictionnaire Français-Vili et, à différentes dates, il fit paraître des ouvrages de classe ou de piété : Leçons de l’enfance (1911), Les Évangiles des dimanches et fêtes (1924), des Mois de Marie, du Sacré-Cœur, de saint Joseph.

Les Missions Catholiques, en 1910, insérèrent une longue étude de lui, “Tablettes d’un Congolais” sur la géographie et l’histoire du Congo.

À son talent de savant et d’écrivain, s’ajoutait une très grande facilité de parole. En 1901, il fit des Conférences à la Société de Géographie, à Paris, à Laon, au Palais de Justice ; à Soissons, à la Cathédrale, au grand séminaire, dans beaucoup de paroisses : partout il obtint le plus grand succès.

Les journaux, L’Univers en particulier, firent son éloge quand il prit la parole à Paris, dans les chaires de Saint-Jacques du Haut-Pas, Saint-Thomas d’Aquin, La Madeleine, Saint-Augustin ; il parla aussi au petit séminaire de Notre-Dame des Champs, au Cercle du Luxembourg.

À Loango, le P. Marichelle continua sans trêve son œuvre paroissiale et scolaire ; il vit tomber Mgr Carrie, Mgr Dérouet et Mgr Girod, avec combien d’autres confrères ! En décembre 1919, quand mourut Mgr Girod, il était en France ; à la première nouvelle du malheur il écrivait : « Le jour de notre mort, on dira que l’événement est arrivé parce que nous avons commis une imprudence. C’est exact, et Mgr Girod abusait de ses forces en voyageant trop souvent et sans essayer de parer à l’excès de privations, et, si cet état de choses continuait, on aurait d’autres deuils. »

Comme son évêque, on peut dire du P. Marichelle qu’il est mort à bout de fatigues et de privations. Voici ce que nous écrit à ce sujet le P. Bonnard, le 20 juillet 1929 « Le P. Marichelle devait prendre le paquebot de juin, pour rentrer en France refaire sa santé. Le 13 mai, alors qu’il était en voyage, il fut pris d’une sciatique et de rhumatismes très violents. Il aurait fallu qu’il restât au lit, la jambe bien enveloppée, pour conserver une chaleur toujours égale. Malgré tous nos efforts et ceux du docteur, nous ne pûmes arriver à le décider à se soigner comme il aurait dû le faire.

« Le mal fit des progrès : le pauvre Père ne mangeait pas; On le voyait dépérir à vue d’œil. Le 17 juillet, les vomissements commencèrent ; il n’avait pas de fièvre. On eut dit une hémorragie. Je fis remarquer au cher malade la gravité de son état. Il ne se faisait pas illusion. De suite, il me demanda de le confesser et fit une confession générale très édifiante.

« La nuit du 17 au 18 fût assez bonne. Le 18 au matin, je lui portai la sainte Communion (il la faisait plusieurs fois la semaine). Vers les huit heures, les vomissements reprirent de plus en plus abondants. À une heure, le Père eut une faiblesse ; il me fit appeler pour lui administrer le sacrement d’extrême onction. J’étais très ému ; le P. Marion me remplaça. Le P. Marichelle, assis sur le bord de son lit, et soutenu par deux enfants, reçut les saintes onctions en pleine connaissance, répondant lui-même à toutes les prières. On l’étendit ensuite sur son lit.

« Très peu de temps après, une nouvelle faiblesse. C’était la fin : pendant qu’on récitait les prières des agonisants, en présence de toute la communauté et des religieuses arrivées quelques instants avant, le bon père rendit son âme à Dieu, tout doucement et sans secousse. » -
BG, t. 34, p. 438.

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