Mgr François MAURER
Vicaire apostolique de Saint Pierre et Miquelon
décédé à Wolxheim, le 5 avril 2000, âgé de 77 ans
Né : 08.05.22, Bernardvillé (67). Profès : 02.10.42, Cellule
Prêtre : 15.02.48, Chevilly. Évêque : 31.05.71


Regard bleu, perçant, sourire avenant sur les lèvres, voix puissante, François Maurer avait le teint rouge vif et l'accent alsacien prononcé des vignerons de Bernardvillé. Il a suivi depuis 1932 le parcours régulier de nos petits ou grand scolasticats, bousculé parfois par les événements de la guerre.

Le 5 octobre 1948, il débarque à Saint-Pierre : « J'y suis venu par obéissance, j'y suis resté par amour... Moi aussi je souhaitais l'Afrique. Mais, me rencontrant un jour dans les couloirs du Séminaire, le supérieur général me dit : 'Vous, un Alsacien, vous supporterez le froid !' Je compris que mon sort était fixé ! » Il y restera cinquante ans...

Enjoué, s'intéressant à tout et à tous, tou ours en quête de quelque nouvelle entreprise, il a déployé dans mon petit pays (242 km , 7 000 habitants), un zèle digne des premiers spiritains de notre histoire, débarqués dès 1763 dans notre archipel, après d'épiques traversées de l'Océan. Il n'avait pas pour autant le pied marin ; à peine franchie la rade, le mal de mer lui blanchissait le nez ! A l'hilarité générale !

Il fut d'abord professeur et directeur au collège Saint-Christophe. Un vrai maître de jeunesse, exigeant pour lui-même, exigeant pour les autres, amoureux des camps de vacances dans les îles voisines, arpentant la « montagne » en tous sens avec les jeunes; herboriste, jardinier - le plus beau jardin du pays, où il travaillait d'arrache pied aux premières heures du matin : « Mon parloir », disait-il, car on y venait le consulter ou se faire aider discrètement. (Sa générosité, tant dans les îles qu'à l'extérieur, fut proverbiale).

François était un authentique disciple du P. Libermann, dont il citait de mémoire les paroles essentielles. Toute son action apostolique émanait de son 'union pratique avec le Seigneur', entretenue par une intense vie de prière et une offrande joyeuse de lui-même à l'Esprit Saint. Il a toujours manifesté une piété d'enfant envers le Saint Coeur de Marie. Il a parsemé nos îles de statues mariales diverses auprès desquelles il multipliait les pèlerinages.

Dix-huit ans plus tard, il demande à nouveau à partir pour l'Afrique. Pas de dialogue à l'époque : la réponse est sa nomination comme quinzième préfet apostolique des îles ! En 1970, Rome érige l'archipel en vicariat. Le père Maurer en devient le premier évêque. Quatorze prêtres religieux saint-pierrais sont alors présents dans tous les continents, et une quarantaine de religieuses saint-pierraises. Lui n'aura, pour l'aider dans son ministère, que deux prêtres et deux séminaristes stagiaires et quelques religieuses de Saint-Joseph !

« Monseigneur », - ainsi l'appelle-t-on désormais, - va donner durant trente ans d'épiscopat, toute sa mesure d'apôtre. Ministère paroissial de curé avec ses engagements les plus variés, visites aux malades, dans la brume ou dans la neige (il fut un homme de compassion), promoteur et défenseur de l'enseignement catholique, dont il restera directement responsable (ce qu'on lui a parfois reproché), bâtisseur ou rénovateur d'écoles, de chapelles, d'églises, favorisant un culte populaire adapté aux orientations de Vatican II... Monseigneur déléguait peu ; omniprésent, il tenait le gouvernail fermement. Des photos célèbres l'ont représenté à la tête d'un mouvement social avec les autorités locales, lors des conflits de pêche avec le Canada. Quand il s'agissait de défendre les siens, il s'élançait à l'abordage ! Son nom est inscrit dans l'histoire de l'archipel.

Une terrible maladie l'a terrassé aux alentours de ses 75 ans. Ce fut son « ultime croix rédemptrice », comme il disait, qu'il a portée sereinement, encourageant lui-même ,eux qui l'entouraient... « Je veux mourir comme Jésus, en souffrant pour mon peuple ... Mon coeur restera dans les îles. Je continuerai, par la prière, à les rassembler auprès de Dieu... Père, sauve-les tous, que nul ne se perde ! ... Au royaume de l'Amour, il n'y aura que l'Amour »... Il me souffle à l'oreille : « Alphonse, quand tu parleras de moi aux gens de là-bas, dis-leur de ma part que ma dernière parole pour chacun et chacune aura été, comme toujours, celle de la sainte espérance ». Le 5 avril 2000, il « entrait dans la vie ».
Alphonse Gilbert