Le Père François MICHEL,
1906-1962


C'est le 2 juillet 1906, en la fête de la Visitation de Notre-Dame, à qui il devait vouer une si grande dévotion, que naquit François-Marie MICHEL, au pays de Kéruon, à quelques kilomètres du grand port de Brest. Le papa était "dans la marine" et avait bourlingué un peu sur toutes les mers ; la maman une authentique maman bretonne.

François était le benjamin. Il aimait à raconter avec quelle insistance sa mère lui disait : "Si tu savais, mon petit "Fanch," comme maman serait heureuse si le bon Dieu voulait te prendre à son service, et faire de toi un prêtre." Le petit François grandit, et un beau jour des années 1918-1919, il quitta tout, car le Seigneur l'appelait. Le voyage fut long... pensez donc ! Le train ne devait s'arrêter qu'en pleine Auvergne, pour atteindre Cellule, alors école apostolique, avant de devenir le noviciat des clercs.

Le premier soir, c'est près de Notre-Dame de la vocation, qu'anciens et nouveaux étaient réunis pour la prier, lui confier leur vocation et chanter son cantique : "Elle nous aime et nous sourit des cieux." Le bon père Blériot, ancien supérieur de Braga (Portugal) et de Gentinnes (Belgique), présidait aux destinées de la maison. Le corps professoral était déjà réputé et devait l'être davantage encore les années suivantes. Alors comme aujourd'hui, les vocation bretonnes étaient nombreuses ; l'élève François MICHEL ne fut pas trop dépaysé, car parmi les Finistériens il y avait son cousin germain Henri Lavanant. Ils ne pouvaient se douter que quarante ans plus tard ils se retrouveraient aux Antilles, l'un comme supérieur du séminaire-collège de Fort-de-France, l'autre, comme supérieur de celui de Basse-Terre.

Les études secondaires terminées, ce fut le départ pour le noviciat d'Orly et la prise de soutane. A la fin du noviciat, le jeune abbé MICHEL fut désigné pour un "stage" au collège de St-Pierre-et-Miquelon, puis ce fut le service militaire en Afrique du Nord, la philosophie à Mortain et la théologie à Chevilly. En 1934, il était ordonné prêtre : le rêve du fils et de la mère était réalisé.

L'apostolat du père MICHEL peut se diviser en trois temps :
A Landudec, il resta une dizaine d'années. Comme il les aimait ses petits gars! Les pères Gayet et Bélec pourraient nous dire tout le bien qui s'y fit, comment peu à peu l'école du village se vida au profit de celle des pères. Survint la guerre en 1939 : soucis, démarches, camps de prisonniers d'où il réussit à s'évader, mais où il avait attrapé cet ulcère dont il devait souffrir toute sa vie.

En 1946, il fut désigné pour St-Pierre-et-Miquelon. Ce n'était pas pour lui déplaire : il en avait gardé un excellent souvenir et allait retrouver ses anciens élèves dont beaucoup occupaient des postes importants. Il fut reçu dans l'enthousiasme. Douze ans durant il fut curé de Saint-Pierre et pro-préfet apostolique, sans compter la direction du chant, car il était musicien dans l'âme.

En 1958, il rentra en France pour un congé bien mérité. Celui-ci terminé, il fut désigné pour la Guadeloupe, où il arriva en 1959. Reçu avec joie par le père Bélec à Pointe-à-Pitre, il fut maître de chapelle à la grande église. Cela dura quelques mois, et un jour, Son Excellence lui demanda s'il accepterait la direction du séminaire-collège. "Monseigneur, dit-il, ne me demandez pas si je serais content d'aller au séminaire ; dites-moi d'y aller, et j'irai." Il y alla ; la désignation fut heureuse. Par sa bonté, son calme, sa patience, son habitude des enfants, il gagna l'estime générale. Pour tous, il était "le bon père MICHEL"

Malgré ses nouvelles fonctions, il aimait beaucoup le ministère paroissial, et acceptait toujours de rendre service ; parfois même, il y avait contestation entre deux promesses, car il ne savait pas refuser. Sermons de fêtes patronales, journées des vocations, retraites, remplacements, l'ont fait connaître et estimer dans tout le diocèse, y compris les lointaines dépendances.

Cependant, certaines paroisses le voyaient plus souvent, on ne saurait s'en étonner. Aux Mangles, il y avait l'ancien de St-Pierre-et-Miquelon, le père Strullu ; à Sainte-Anne, il y avait l'ancien de Landudec, le père Gayet ; à Capesterre, il y avait l'abbé Saint-Félix, et à Terre-de-Bas sa population, ses marins qui lui rappelaient Saint-Pierre et avec lesquels il liait volontiers conversation, souhaitant pour eux des méthodes nouvelles pour leur rude métier. Cette vie calme, sans bruit, lui plaisait beaucoup. Il avait une âme franciscaine : il aimait la conversation de l'agneau et de sa mère ; Rex, le bon chien, compagnon de ses sorties, au Cap pour la marche, à L'Anse-à-Dos pour le bain ; il aimait "biquette" qui venait manger dans sa main, et il avait fabriqué une petite maison transportable pour les petits lapins.

Au début de l'année 1962, son ulcère, son vieux compagnon comme il disait, devint plus méchant. Dans la nuit du 29 au 30 mars, il sentit comme un déchirement, eut la force de se lever et d'aller au réfectoire chercher de la glace.

Entendant du bruit, le père Le Pautremat accourut, le trouva prostré et gémissant. Le père économe téléphona au docteur Julan qui arriva tout de suite : il était un peu plus de quatre heures. Soins, piqûres, et, bien qu'il s'en défendit, départ pour la clinique, où dès son arrivée, il fut opéré d'urgence. Tout se passa bien.

Il rentra à la clinique le mardi 10 juillet pour la deuxième opération qui devait lui donner une nouvelle jeunesse. Il fut opéré le 12, l'opération semblait réussie. Le vendredi, il se réveilla souriant. Le samedi matin, il était si bien que la sœur lui disait : "On ne croirait vraiment pas que vous venez d'être opéré." Le soir, tout à coup, il dit à la mère : "Je ne me sens pas bien du tout." Le dimanche, on lui fit une transfusion, et l'on gardait un peu d'espoir. Le lundi, deuxième transfusion sans aucune réaction. Quand on le coucha dans sa chambre, il ébaucha le signe de la croix, mais, arrivée au font, sa main retomba. Le mercredi, peu après l'angélus du soir, pendant que près de lui deux de ses confrères disaient les prières des agonisants, il rendait son âme à Dieu. Il avait 56 ans et 16 jours. Son souhait fut exaucé : ne pas être longtemps malade pour ne pas gêner.

Les funérailles furent grandioses malgré la pluie. Elles eurent lieu au milieu d'un grand concours de peuple, de deux évêques et de plus de quarante confrères tant religieux que séculiers, de religieuses de toutes congrégations, de quelques élèves et de leurs parents. Dans son allocution, Monseigneur Gay insista sur la bonté du cher père MICHEL, sur le vide que laissait son départ, et sur l'urgence de susciter des vocations.

De nombreuses lettres vinrent de Bretagne, du Midi, de St-Pierre-et-Miquelon, des Etats-Unis, à l'occasion de sa mort. On est frappé de leur unanimité à célébrer les qualités humaines du père :

"Le père MICHEL était si bon, c'était vraiment le bon pasteur." "En lui nous perdons le meilleur conseiller ; qui dira ses bontés ?" "Il ne pouvait passer à côté d'une souffrance sans essayer d'y porter secours." "Sa bonté, sa douceur, son calme, ont été une révélation et une leçon pour nous."

Cher père MICHEL, vous voilà désormais dans la maison du Père, parce que vous fûtes tout à son service. Vous qui avez été si bon, obtenez-nous la bonté ; c'est une forme de la charité... et Dieu est Charité
. Jean-Baptiste Lahondès

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