Le Frère Charles Morel,
décédé à Misserghin, le 18 novembre 1907,
à l’âge de 27 ans;


Charles Morel était venu, le 4 décembre 1880, apporter la joie au foyer de ses parents, honnêtes cultivateurs du village de Rignat (Ain). Dès qu’il fut capable de lire, le curé de Rignat lui mit entre les mains des publications pieuses : Almanach des Missions catholiques, Annales de la Propagation de la foi, etc. Le jeune Charles admirait l’héroïsme des missionnaires, et les récits des missions d’Afrique fasaient sur lui une impression particulière. Pourtant, il ne songea pas d’abord à la vocation apostolique. Son ambition première le porta vers la construction des machines : tout enfant, il ne rêvait que grands coups de marteau sur une enclume, qu’habiles manipulations d’outils divers qui transformeraient, sous ses doigts, des blocs de métal en pièces bien forgées, bien ajustées, de quelque puissante machine à vapeur… « Monsieur le curé, je serai forgeron, ou ferblantier ! », avait-il dit à son pasteur.

Malgré cette déclaration si catégorique, le digne curé, constatant l’intelligence de Charles et son heureux caractère, le décida à commencer les études secondaires et le plaça dans une sorte d’école apostolique, à l’orphelinat de Seillon, près de Bourg-en-Bresse. Le supérieur de cet établissement, satisfait des progrès du nouvel écolier, le fit admettre au petit séminaire de Meximieux, en 1896.

À Pâques 1898, une grave maladie vint diminuer la facilité du jeune homme pour le travail littéraire. Trouvant sa mémoire comme paralysée, Charles prit les études en dégoût : il les continua pourtant, vaille que vaille, jusqu’à la philosophie, et s’occupant, autant qu’il le pouvait, de mécanique.

Charles Morel entre cependant au noviciat des clercs, à Orly, le 6 octobre 1900. La difficulté des études l’effraie, il en revient à sa première idée, et demande à prendre place parmi les aspirants frères, au noviciat des frères, à Misserghin où il arrive le 9 août 1901. Il y fut exercé à divers travaux. Avec quel plaisir il se retrouva au milieu des outils ! Lui, qui aurait voulu ne plus s’occuper de livres et toucher une plume le plus rarement possible, dut pendant quelque temps s’occuper de la tenue des livres.

Le F. Charles fut ensuite chargé des enfants de l’école primaire. Vue la répugnance qu’il éprouvait à cette besogne, il eut besoin d’un vigoureux appel à son courage, afin de remplir ainsi les fonctions d’instituteur,

Le F. Charles dut aussi faire quelques sacrifices à l’occasion de son travail de prédilection, celui de la forge. Il eût aimé entreprendre de gros travaux (ne se rendant guère compte que ses forces physiques n’égalaient point son courage). On le chargea au contraire, des petites besognes, qu’il appelait “les bricoles”. Il les accepta cependant assez gaiement, comprenant « qu’il fallait bien que quelqu’un les fit ». Le 12 janvier 1902, il émit ses premiers vœux. À cause de sa frêle santé, les supérieurs le laissèrent encore dix-huit mois en Algérie.

Dans le courant de juillet 1903, le F. Charles était attaché à la mission de l’Oubangui. Le 3 août suivant, il s’embarquait, à Oran, pour Loango et Brazzaville. À son arrivée, il est placé à la communauté de Brazzaville, où on le charge d’abord de l’atelier de ferblanterie et des fonctions de sous-économe. Un peu plus tard, le voilà mécanicien du Diata ; emploi modeste, mais exigeant beaucoup de dévouement : le plus souvent, en effet, le rôle de ce bateau se réduit à traverser le Pool, pour transporter de Kinshasa à Brazzaville les matériaux et denrées nécessaires à la communauté. Rien de confortable sur ce vieux Diata : la machine ne compte point parmi les plus commodes ; c’est une rude tâche de la conduire. Entre temps, le F. Charles s’ingéniait à réparer des instruments divers. Depuis les plus humbles ustensiles de ménage jusqu’aux pièces délicates, comme montres et réveils, que d’objets sont sortis rajeunis des mains adroites de ce mécanicien, toujours occupé à s’utiliser de son mieux !

Le F. Charles était ennuyé, mécontent d’une seule chose, de la fièvre, à laquelle il ne pardonnait pas de l’abattre, parfois, pour une dizaine de jours. Hélas ! Au bout de deux ans de séjour à l’Oubangui, il dut revenir en France (septembre 1905), pour y chercher de nouvelles forces et un peu de santé.

Àprès avoir passé quelques jours à Paris, le F. Charles va à Notre-Dame de Langonnet continuer la lutte contre les maladies gagnées sur le sol africain. Au mois de mai 1906, il se rend en Suisse, au Technicum de Fribourg, avec l’espoir de se perfectionner dans son métier de mécanicien, tout en améliorant peu à peu sa santé. Beau rêve, auquel il se voit obligé de reconcer avant la fin du mois. Un séjour au sein de sa famille n’amène pas d’amélioration On l’envoie à Misserghin, dernière chance à tenter pour le sauver. Mais la fatigue du voyage achève de l’affaiblir. En arrivant, le 14 octobre 1907, il doit s’aliter.

Le 18 novembre, vers huit heures du matin, la crise dernière commençait. Voyant que rien ne soulageait le malade, le P. James lui propose l’extrême-onction, qui est acceptée de grand cœur. Le médecin, arrivé sur ces entrefaites, ne peut que procurer un bref soulagement au patient, qui s’éteint doucement à dix heures et demie du matin. -
Louis Dedianne - B, t. 3, p. 183.

Page précédente