LE P. Yves MORTELLEC
Not. Biog. IV p. 425-427
Décédé à Paimpol, le 24 Mars 1910 de 39 ans


Le dossier du P. Mortellec, à notre grand regret, ne nous offre rien qu'une statistique précise mais sèche. Il eût été cependant si édifiant de pénétrer un peu dans l'intime de son âme ! Ses pensées, ses sentiments, sa ferveur, n'est-ce pas ce qui a été le secret de cette généreuse abnégation, source de son zèle et de ses labeurs pendant son court apostolat Il est en effet une de nos victimes de la maladie du sommeil, celles que nous entourons d'une plus religieuse sympathie, jointe à une secrète vénération, les sachant choisies par Dieu pour une sorte de sacrifice de propitiation. Pleins de forces, d'entrain, dans toute l'ardeur de leur jeunesse et de leur amour des âmes, ils se sentent soudain arrêtés, n'ayant plus qu'à soutenir avec toute l'énergie de leur foi et de leur résignation, ce long effort de patience que leur impose le mal qui les torture, et qu'ils savent ne pardonner jamais. Oui, il est amer de les voir retranchés si vite du nombre des ouvriers évangéliques. Mais leur souvenir, si voilé de deuil qu'il se présente, ne doit en être que plus précieux pour nous qui savons unie à l'immolation cette rédemption du missionnaire, plus efficace encore que toutes ses autres oeuvres

Le P. Mortellec naquit à Kérity (Côtes-du-Nord) le 7 avril 1871. Il fit son oblation à Langonnet le 31 mai 1892, demandant et obtenant pour patron de religion l'apôtre saint jean. Profès le 15 août 1897 à Grignon, il s'embarqua à Marseille le 25 septembre suivant à destination du Gabon. Là nous le voyons attaché à la communauté de Saint-Joseph du cap Estérias.

Il renouvela à perpétuité ses premiers voeux expirés. Cette grâce le remplit d'une ardeur nouvelle. Mais voilà que vient la suppression, très sagement motivée d'ailleurs, de sa mission du cap Estérias. Il en résulte pour lui une nouvelle obédience qui l'envoie à Boutika remplacer le P. Briault rentré en France. Fatigué, il revient lui-même en Europe l'année d'après en 1905. Quelques mois lui suffisent pour se remettre et le 15 janvier 1906 il se rem­barque à Bordeaux pour rentrer au Gabon. Il retrouve sa station et ses oeuvres de Boutika - mais nous le voyons plus spécialement appliqué au ministère évangélique. Nul autre détail plus ample ne nous est fourni de ses occupations et de l'exercice de son zèle auprès des chrétiens et des païens de sa mission. Il faut croire qu'il se trouva dans un contact incessant avec les indigènes, allant dans leurs cases, les catéchisant, les secourant de toute ma­nière, affrontant pour y porter remède et leurs misères spirituelles et leurs souffrances physiques. Ce fut dans l'exercice de ce ministère tout de dévouement qu'il con­tracta la maladie du sommeil. Au bout de quatre années environ il est contraint de revenir à la Maison-Mère. On l'autorise après examen des médecins compétents à se rendre en Bretagne au sein de sa famille. Mais ce n'est que pour y souffrir atrocement et y mourir de la façon la plus édifiante.

Voici ce qu'écrivait en date du 2 mars 1910, le vicaire de la paroisse M.. l'abbé Le Coat: « Je viens de recevoir les dernières volontés du P. Mortellec que je vois chaque jour depuis deux mois. Il a la maladie du sommeil et maintenant il est à toute extrémité. Il a reçu les derniers sacrements avec une piété touchante. Comme je lui demandais de renouveler le sacrifice de sa vie, il m'a répondu qu'il le faisait depuis quelque temps. Ce pauvre Père souffre le martyre depuis quatre mois ; mais il montre une énergie remarquable et une patience souvent héroïque. Il m'a demandé à renouveler ses voeux je les lui ai lus et relus et il les a répétés de son mieux, se plaignant seulement de n'avoir pas toute la présence d'esprit désirable pour graver toutes ces paroles dans son âme. C'est son désir que ses frères prient pour lui.

Le 24 mars, la mort achevait son oeuvre, le Père Mortellec entrait dans son éternité. Ses funérailles eurent lieu à Paimpol le jour du samedi­saint. Le P. Bouleuc y représentait la Congrégation et les Missions.

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