M. Emile NEUMEYER, scolastique
décédé le 10 juin 1944 à Ouradour-sur-Glane
dans la 22 année de son âge et la 1e de sa profession.


Ce scolastique, sur qui plane le nom sinistre d’Oradour, fut précédé dans la Congrégation par son oncle, le Frère Marcian Neumeyer et par son frère aimé. L’oncle périt dans le naufrage de « l’Afrique », ouvrant ainsi la série des morts tragiques que la Divine Providence réservait à la famille.

Emile, le benjamin d’une famille ouvrière de sis enfants, fut joyeusement baptisé aux fêtes de l’Epiphanie 1923. Par dévotion à St François Xavier, son père tint à lui imposer comme deuxième nom, celui du grand missionnaire. L’enfant a laissé aux siens le souvenir d’un petit garçon délicieux, ardemment aimé , malgré l’espièglerie et les aspérités de caractère qu’il révéla de bonne heure et dont ne devait pas le guérir la profession religieuse.

La vocation spiritaine de cet enfant est marqué du signe de la croix. Elle commença dans le sacrifice et s’acheva dans le sacrifice.

Quand Emile eut dix ans, sa sœur aînée, religieuse de Saint Joseph de Cluny, vint l’embrasser avant de s’embarquer pour la Nouvelle Calédonie. Très portée au mal de mer, elle fit un voyage exceptionnellement pénible, et au quarantième jour de la traversée, elle succomba à une crise d’appendicite, en plein Océan Pacifique, au large deTahiti. Elle avait 23 ans.

La pureté radieuse de ce sacrifice décida de la vocation missionnaire du petit garçon. Il en fit la première confidence à la Religieuse qui, envoyée par la rue Méchain, était venue apporter aux parents la terrible nouvelle.

Emile fit ses études secondaires à Neufgrange, puis à Saverne et, après l’évacuation de sa famille en Haute-Vienne, à Cellule. Son noviciat, passé à cellule de 1941 à 1942 ; fut, au témoignage que qui l’a intimement connu, véritablement fervent. Sans doute y aura-t-il reçu des grâces qui devaient le préparer au grand sacrifice, à sa mort aux massacres d’Ouradour.

Ce grand sacrifice, la divine providence le prépare de loin, avec une précision troublante. En septembre 1939, le jeune homme de 16 ans se trouve brusquement mis en contact avec la réalité de la guerre. Sa famile, habitant la banlieue de Strasbourg est atteinte par l’ordre d’évacuation, trouve sa place dans un wagon à bestiaux ; la grande sœur, celle qui sera sa compagne dans la mort, est étendue, malade, sur la paille du wagon.

A quinze jours de là, le pénible voyage prend fin dans le bourg limousin d’Oeadour-sur-Glane. La famille Neumeyer trouve refuge tout près de l’église ; la maison n’en est séparée que par la pelouse sur laquelle brulera, en juin 1944, un horrible bucher. Pour Emile qui, en octobre 1939, entre à Cellule, Oradour est devenu une seconde patrie. Il aime cette petite ville semi-méridionale assise au milieu des collines boisées du Limousin : il aime surtout le vieux saint homme de curé, l’abbé Jean-Baptiste Chapelle, qui est devenu comme un membre vénéré de la famille.

Septembre 1940. Les parents d'Emile rentrent en Alsace. Emile a décidé de rester en France, afin de pouvoir suivre sa vocation. Sa grande sœur restera à Oradour, sur les instances très vives du vieux curé dont elle fait le ménage et qu'elle aide dans les oeuvres Paroissiales. Ce sacrifice est doublement cruel aux parents, à cause de la mauvaise santé de leur fille. Mais ils consentent à ce grand acte de charité pour un vieux prêtre, s’en remettant à la Providence de Dieu. Elle avait, en effet, ses desseins tout adorables.

Juillet 1943, Emile, jeune profès, est appelé aux Chantiers de la Jeunesse.

1944. La démobilisation, prévue pour février, n a pas lieu. Le scolastique mobilisé songe de plus en plus à déserter un travail forcé au service de l'ennemi. Au curé d’Oradour il communique. son projet de venir se réfugier chez lui, du moins provisoirement; ceci ressort d'une conversation du vieux prêtre avec l'un de ses confrères voisins, le 6 juin, quatre jours avant la tragédie.

Le 7 juin,lendemain du débarquement des Alliés, la sœur d'Emile lui adressa aux chantiers une lettre remplie de pressentiments tragiques; elle termine par ces mots : « je me tourmenterais a t'on sujet, si je ne t'avais entièrement donné au Saint Coeur de Marie »Cette lettre n'a plus trouvé son destinataire.

Il avait disparu du Chantier et était arrivé à temps à Oradour pour y trouver la mort avec sa sœur malade, avec le vieux curé et avec les centaines d'au­tres victimes, C’était le 10 juin, veille du dimanche dc la Fète-Dieu.

Le Grand Christ qui, aujourd'hui, est seul à garder les ruines de l'Eglise d'Oradour fut en 1940, restauré par le père d'Emile Neumeyer. Sur le dernier bout de carte envoyé a ses parents, la sœur d'Emile écrivait qu’elle ne pouvait passer devant le Calvaire sans penser à son père. C'est le Calvaire en effet qui reste à deux pauvres parents qui ont beaucoup donné à Dieu, mais qui espèrent que leurs sacrifices profiteront aux âmes pour qui le Christ est mort - amies et ennemies.

Quant à ce confrère, fauché, comme tant d'autres., à la fleur de l'âge il a sincèrement aimé la Congrégation, malgrès les soucis qu'il donna parfois à ses su­périeurs. La veille de sa séparation définitive d'avec ses parents, en septembre 1940, au presbytère d’Oradour, une tourterelle vint se poser sur son bénitier et y passa la nuit entière. Il en eut une grande joie,) lui qui aimait tellement les bêtes. Cette tourterelle venant égayer. le sinistre presbytère d'Oradour n'est-elle pas le symbole de l'Esprit Saint, du Père de notre famille religieuse, venant fé­conder les tristesses de cet enfant qui ignorait sa vocation de souffrance?

La Congrégation, à qui il doit la formation de son âme il ne l'oubliera pas, maintenant qu’il est du nombre de ceux "qui sont venus de la grande. tribulation et qui ont lavé leurs robes dans le sang de l'Agneau. Père Antoine Neumeyer, (son frère aîné)

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