CLAUDE-FRANÇOIS POULLART DES PLACES
Fondateur du Séminaire et de la Congrégation du Saint-Esprit
1679 – 1709

I - Sa jeunesse, sa vocation

Né à Rennes, le 21 février 1679, d'un avocat au Parlement de Bretagne, Claude-François Poullart des Places fut consacré par ses pieux parents à la Sainte Vierge, dès son bas âge. Pour obtenir la Protection de la Reine des Anges sur ce cher enfant, ils lui firent porter le blanc pendant sept années.

En 1687, vers l'âge de 8 ans, Claude commença ses études au collège de Rennes, dirigé par les Jésuites. il y fit connais­sance avec Grignion de la Bacheleraie, connu depuis sous le nom de Grignion de Montfort, qui était de six ans plus âgé que lui et qui l'avait précédé de deux années dans cette maison. Un manuscrit, envoyé de Rome par le postulateur de la cause de béatification et canonisation du serviteur de Dieu, nous fait connaitre les rapports qui existaient entre eux. « Ils étudiaient ensemble au collège des Jésuites à Rennes, y lit-on, et s'y lièrent d'une étroite amitié ; ils y formèrent une pieuse association avec quelques-uns de leurs condisciples sous les auspices de la Sainte Vierge, et cette association subsista encore quelque temps après le départ de Montfort pour Paris (1693), par le zèle de son pieux ami. » L'objet de cette association était d'abord d'assurer aux associés leur persévérance et leur avancement dans la vertu ; puis de procurer des soulagements aux pauvres et aux malades.

Après avoir terminé sa rhétorique, bien jeune encore, il n'avait que 13 ans, Claude Poullart des Places suivit son professeur qui était trnsféré à Caen, dans le but de se perfec­tionner dans l'art oratoire, parce que son père se proposait de lui obtenir une place de Conseiller au Parlement de Bretagne. Les deux années suivantes furent consacrées à l'étude de la Pbilo­sophie au collège des Jésuiles à Rennes. Choisi pour soutenir une thèse publique appelée le « grand acte » devant le Parlement de Bretagne et la haute société de Bennes, il s'en acquitta avec succès et sut mériter les aplaudissements de cette noble Assemblée.

Le cours de Philosophie terminé, comme la famille songeait à l'établir dans le monde et à lui faire voir la société, il y eut chez lui un peu de relâchement. Ce genre de vie avait pour lui un certain charme mais, d'un autre côté, se trouvant hors de sa voie et sentant les reproches de sa conscience, il éprouvait un malaise indéfinissable. Il s'en ouvrit à son confesseur, et il fut décidé entre eux qu'il se mettrait en retraite, tant pour se retremper dans la piété et la ferveur de la vie chrétienne que pour examiner devant Dieu, avec l'aide d'au sage directeur, la grande affaire de sa vocation. Il ne tarde pas alors à retrouver la paix de l'âme, et Dieu commence à lui faire entrevoir sa sainte volonté, il l'appelle à son service.

Lorsqu'il parla de ces aspirations à ses parents, il y eut, de leur côté, quelque désappointement; ils croyaient toujours que leur fils serait un jour conseiller au Parlement de Bretagne. Toutefois ils ne voulurent pas non plus s'opposer absolument à sa vocation. ils prirent, donc un moyen terme. Sous prétexte de mieux lui apprendre à connaître l’état où Dieu l'appelait, ils lui dirent d'aller faire son droit à Nantes. Il obéit, et malgré les séductions auxquelles il était exposé, au milieu d'une jeu­nesse dissipée et adonnée aux plaisirs, il persévéra dans son dessein.

Il resta d'ailleurs peu de temps dans cette ville. Nous le retrouvons bientôt à paris, où ses études juridiques sont couron­nées par un brillant examen de licence.

Puis, sous la direction des Pères Jésuites qu'il avait connus à Rennes et retrouvés au collège Louis-le-Grand, où il prit lo­gement, il fit une sérieuse retraite de fin d'études. Il s'agissait cette fois de prendre une décision définitive. Ses dispositions sont admirables : « 0 mon Dieu, écrit-il à cette occasion, vous qui conduisez à la céleste Jérusalem les hommes qui se confient véritablement en vous, j'ai recours à votre divine Providence , je m'aban­donne entièrement à elle; je renonce à mon inclination et à ma propre volonté pour suivre aveuglément la vôtre. Daignez me faire connaître ce que vous voulez que je fasse, afin que, remplissant, ici-bas le genre de vie auquel vous m'avez destiné, je puisse vous servir pendant mon pèlerinage, dans un état de vie où je vous sois agréable, et où vous répandiez sur moi abondamment les grâces dont j'ai besoin pour rendre à jamais la gloire qui est due à votre divine Majesté : « notam fac mihi, Doinine,viam in quam ambulem, quia levavi ad te animam meam ! »

N'ayant en vue que la gloire de Dieu et le salut de son âme, il examine ensuite longuement les raisons pour ou contre qu'il a d'embrasser, soit l'état religieux, soit l'état ecclésiastique, soit l'état laïque. Il n'éprouve que de l'aversion pour le ma­riage, comme aussi pour l'état militaire ou pour la finance , mais la magistrature est assez dans ses goûts. La vie religieuse ne paraît. pas lui convenir ; l'état ecclésiastique est celui pour lequel il semble avoir le plus d'attrait. Il s'en remet enfin à Dieu qui lui fera définitivement connaître sa sainte volonté, par l'organe de son directeur.

Après avoir ainsi mûrement considéré avec le guide de sa conscience ce qui paraissait être dans l'ordre de cette divine volonté, il fut décidé qu'il serait prêtre.

On était à la fin de l'année 1700. Il revint à Rennes. Ses pa­rents, qui n'avaient rien perdu de leurs espérances, lui firent essayer une robe de palais qu'ils avaient fait faire pour lui. Ne voulant pas les contrarier, il la revêtit et « se regarda dans un miroir ». Mais plus que jamais effrayé des dangers du monde, il se hâta de la déposer et déclara ouvertement à sa famille que Dieu l'appelait au sacerdoce.

Avec le consentement de ses parents, et conformément aux conseils de son directeur, à l'âge d'environ 20 ans, Poullart des Places se rendit de nouveau à Paris et rentra au célèbre collège Louis-le-Grand, mais cette fois pour y commencer son cours de théologie. Selon l'usage, avant de le mettre aux études, on lui fit faire une nouvelle retraite qui, à en juger d'après les notes laissées par lui, et les oeuvres qui en ont été la suite, fui fervente et fructueuse

« Pour me mettre dans un état plus propre à écouter vos sages conseils, dit-il à Dieu, je me tracerai un plan de vie qui approche autant de la perfection du Christianisme que ma con­duite jusqu'ici a approché de l'imperfection qu'on trouve dans l'ambition et la vanité du siècle. Il faut que je change de na­ture, pour ainsi dire, que je me dépouille du vieiI Adam pour me revêtir de Jésus-Christ; car désormais ou il faut que je sois entièrement à vous, mon divin Sauveur, ou je n'ai qu'à signer moi-même ma réprobation. Vous voulez, mon Dieu, que je sois homme, mais vous voulez que je le sois selon votre coeur. Je comprends ce que vous demandez, et je veux bien vous l'accor­der, parce que vous m'aiderez, vous me donnerez la force né­cessaire, vous m'oindrez de votre sagesse et de votre vertu!... »

« Daignez, ô mon Pieu, ajoute-t-il, graver dans mon coeur, par des traits de votre grâce qui soient ineffaçables, la Passion et la mort de mon Jésus, sa Vie sacrée, son Incarnation, pour que je m'en souvienne sans cesse, et que, j'y sois sensible comme je le dois. Remplissez mon coeur et mon esprit de la crainte de vos jugements, de la grandeur de vos bienfaits et de l'importance des promesses queje vousai faites par votre sainte grâce, pour qu'il m'en souvienne à jamais, vous suppliant de me donner plutôt mille morts que de permettre que je sois infi­dèle, que les moments perdus de ma vie passée me soient tou­jours présents à l'esprit avec l'horreur de mes péchés - quand même j'en devrais mourir de douleur, si cela n'est point opposé à votre sainte volonté - pour que je sois meilleur mesnager désormais, avec votre sainte grâce, de ceux qui me restent.

« Maintenant je n'ai plus, ô mon Dieu, qu'à vous demander le dépouillement entier de tous les biens terrestres et péris­sables : accordez-moi donc encore cette grâce ; détachez-moi absolument de toutes les créatures et de moy-mesme, pour que je sois irrévocablement à vous tout seul, et pour que mon coeur et mon esprit n'étant plus remplis que de vous, je sois tou­jours en votre présence.

« Faites, mon Dieu, que je vous demande cette grâce du plus profond de mon coeur aussi bien que celle de me charger d'op­probres et de souffrances, afin que, ô divin Maître, me rendant digne d'obtenir de votre infinie Bonté votre saint amour, celui de la Sainte Vierge, et la grâce de connaître et d'exécuter, avec une résignation parfaite, votre sainte volonté - trois grâces que je vous demande par-dessus toutes choses - je puisse être prest à souffrir plutôt la mort de la potence et de la roue, que de consentir à commettre un seul petit péché véniel de propos délibéré.

« Je vous supplie, mon Dieu, de m'humilier par tous les en­droits qu'il vous plaira; je ne désire rien davantage, et faites qae je ne désire rien autre chose »

Trois ans après cette retraite, Poullart des Places nous dé­peint lui-même, dans ses Réflexions sur !e passé, les saintes dis­positions dont son âme fut enrichie dès son entrée au collège Louis-le-Grand. .

« Il y a déjà plus de trois ans, écrit-il, que par une miséri­corde extraordinaire, le Seigneur me tira du monde... Il est à propos que je rappelle icy dans mon esprit ces moments de ferveur que j'eus le bonheur de ressentir dans mes premiers retours à Dieu... Rempli d'horreur pour moy-mesme et ne pou­vant plus me supporter, je demeurais dans des sentiments humbles, et j'avais du mépris pour moy-mesme, et je le faisais assez connaître à ceux que je voyais, en prenant quelquefois plaisir à m'humilier en leur présence. Cette vertu, que je com­mençais à pratiquer par un surprenant effet de la grâce, après avoir été, peut-être, l'homme du monde le plus vain, m'avait attiré de Dieu un grand nombre de bénédictions. Je les ressen­tais visiblement dans les saints empressements que j'avais pour m'approcher du sacrement de l'autel. Quoyque j'eusse l'hon­neur de communier souvent, je ne communiais pas encore autant de fois que je l'aurais désiré. Je souhaitais ce pain sacré avec une telle avidité que lorsque je le recevais, je ne pouvais souvent retenir mes larmes. C'était dans la participation du corps de Jésus que je puisais ce détachement qui me faisait mépriser le monde et ses manières. Je me souciais peu d'avoir son estime; je tâchais mesme quelquefois de lui déplaire en contrecarrant ses usages. Jésus-Christ crucifié m'occupait le plus souvent, et, malgré l'amour de ma chair qui me dominait encore, à la vue de la croix de celui que j'aimais, je commen­çais à me faire quelque violence et à m'imposer quelques petites mortifications. »

II - Fondation de l’OEuvre; son organisation.

M. Thomas, qui fut l'un des premiers compagnons du saint Fondateur et nous a laissé de lui une « Vie» manuscrite, écrit :

« Il y avait déjà longtemps qu'il méditait le dessein de se donner tout à Dieu; toutefois, il avait conservé, à l'extérieur et dans ses manières, un air fort poly selon le monde ; mais en 1701, il se montra tout autre qu'on ne l'avait connu jus­qu'alors. Il ne conserva que cette honnèteté, cette douceur et cette gaieté que la vertu demande pour ne point paraître farouche. On le vit, tout à coup, au milieu de ce collège si nombreux et où il était si connu, quitter tout l'éclat et les ma­nières du siècle pour se revêtir de l'habit et adopter la simpli­cité des ecclésiastiques les plus réformés. »

«Il avait, dès ce temps-là même, continue M. Thomas, un attrait particulier pour les oeuvres les plus obscures et les plus abandon­nées. Il assemblait de temps en temps de petits Savoyards et leur faisait le catéchisme selon qu'il en pouvait trouver l'occa­sion, persuadé que leurs âmes n'étaient pas moins chères à Jésus-Christ que celles des plus grands seigneurs, et qu'il y avait autant et mesme plus de fruit à en espérer. »


Il assistait en outre des jeunes gens pauvres en leur procu­rant les moyens de faire leurs études. Voici le témoignage de l'un d'entre eux, M. Faulconnier, devenu plus tard curé de St-Hilaire-St-Mesmin. « Je sçais, dit-il, qu'avant l'établissement de la Communauté, estant en pension chez les Jésuites, soit qu'il allast quérir ou qu'on luy apportast sa portion dans sa chambre, il en dormoit à des Messieurs qui étaient dans la mi­sère, et qu'il mangeoit les restes des Jésuites, surtout des fèves ou haricots, quelquefois cuits depuis longtemps et ayant par­dessus deux doigts de moisy. Il a payé pour moi, environ un an avant l'établissement de sa Communauté, trois on quatre mois de pension chez un particulier d'où je pusse aller en classe...

« Il m’envotait de costé et d’autre porter des aumosnes à des pauvres honteux… »

« Il commença l’eouvre du Séminaire, dit à son tour le P. de Clorivière, S.J., par prendre soin de deux ou trois de ces « pauvres escholiers » ; Lorsqu’ils furent parvenus au ombre de douze, il demandèrent à vivre en communauté. Ce n’état là que le premier essai de ce zèle qui bientôt devait obtenir le plus grand succès. D’autres personnes touchées d’un si bel exemple s’intéressèrent à une œuvre dont ils espéraient des fruits. Le recteur du collège, entre autres, promit de lui donner, pour ses jeunes gens, une partie de la table des pensionnaires. Le saint écclésiatique sut profiter d’une offre qui lui fournissait les moyens de subvenir aux besoins d’un plus grand nombre d’écoliers : et foulant aux pieds le point d’honneur ainsi que la gloire du monde, il ne craigfnait pas de paraître devant les plus distingués du collège chargé des restes qu’ilvenait de recevoir à la cuisine… »

« Le nombre des écoliers qu'il entretenait augmentant chaque jour, et sa charité lui faisant recevoir à bras ouverts tous ceux qui se présentaient à lui, pour peu qu'il pût juger, par les dis­positions qu'il découvrait en eux, qu'ils seraient un jour en état de servir l'Église, il loua d'abord une maison dans la rue des Cordiers, proche du collège dans lequel il avait demeuré. Ce fut là comme le berceau de la Communauté naissante. »

Après avoir ébauché l'oeuvre des « Pauvres Écoliers » pendant les années 1701 et 1702, il eut la joie de faire l'inauguration du séminaire du St-Esprit le 20 mai 1703, fête de la Pentecôte, dans une maison louée rue des Cordiers, comme on vient de le dire. Bientôt la Communauté, devenue plus nombreuse, exigea un local plus spacieux. Une autre maison fut donc louée par le vénéré Fondateur, rue Neuve-Ste-Geneviève, paroisse St ­Etienne-du-Mont, où le Séminaire resta jusqu'en 1731.

Fondée le jour de la Pentecôte, l'OEuvre nouvelle fut consa­crée au Saint-Esprit et placée sous la garde et la protection de l'Immaculée-Conception de la Bienheureuse Vierge Marie. On retrouve ici l'influence de Louis-Marie Grignion de Montfort, qui, du reste, fut sans doute présent à l'inauguration faite par son ami : il voyait en effet dans la dévotion à l'Esprit-Saint et la Vierge Marie le principe de toute sainteté.

« Dans les commencements de la Communauté, dit M. Faul­connier, il nous manifesta souvent l'estime qu'il avait pour les mépris. Il nous en parlait d'une manière si remplie d’amour de Dieu qu’il rendait aisée les humiliations qu’il y avait à endurer dans ces temps-là.

Le manuscrit de M. Thomas nous donne cet autre détail : Combien de fois l'a-t-on vu apporter luy-mesme ce qu'il avoit acheté, tant pour épargner quelque chose en faveur de ses « Pauvres Étudiants », que pour s'humilier. Il était charmé quand il se rencontrait quelqu'un de sa connaissance pour le voir ainsi chargé, à cause des humiliations qui luy en revenoient. Ces actes d'humiliation étaient animés des motifs les plus par­faits. Il les proposait souvent à ses « Pauvres Ecoliers », afin de les engager non seulement à recevoir avec courage les humi­liations, mais mesme à les rechercher avec empressement. Il réussit à le leur persuader : ses paroles et plus encore ses exemples l'emportaient sur le respect humain et la timidité si naturels aux jeunes gens. On n'avait honte que d'offenser Dieu ou d'être lâche dans son service. On était capable de faire les actions les plus humiliantes : dès que la Règle ou les besoins de la Communauté le requéraient, on y courait à l'envy. Ainsi, pendant la semaine, chacun, à son tour, avait le soin de balayer la rue; d'aller, en plein jour, quérir l'eau à la fontaine ; d'ap­porter du quay des planches et de la chaux. M. des Places s'abaissait jusqu'à laver la vaisselle et mesme à décrotter les souliers de ses étudiants - c'était une règle qu'il avait établie et dont il donnait l'exemple. »

Si le saint fondateur recommandait tant l'exercice des ver­tus d'humilité et de pauvreté, et par ses exhortations et par ses exemples, c'est parce que le but qu'il s'était proposé, en fondant l'oeuvre, était de préparer, de former des jeunes gens destitués des biens de la fortune, qui fussent disposés à remplir, soit en France, soit dans les Colonies, les ministères les plus humbles, les plus pénibles et les moins recherchés.

Les moyens employés devaient être proportionnés à la fin qu'il avait en vue : avec l'aide des Pères Jésuites il avait tracé les règles de l'établissement sous le titre modeste de Règlements pour la Communauté du, St-Esprit. Le chapitre premier donne les règles fondamentales de l'OEuvre ; le second prescrit les devoirs communs à tous ses membres; le troisième délimite les attributions et les devoirs des fonctionnaires ; et, enfin, le qua­trième contient quelques avis pour le bon ordre de la maison. La Communauté est consacrée au Saint-Esprit et placée sous la garde de la Reine des Vierges, conçue sans péché; ses fêtes principales sont, celles de la Pentecôte et de l'Immaculée-Con­ception. Les « Pauvres Écoliers » reçoivent la direction spirituelle des Pères Jésuites, qui, au commencement de chaque année scolaire, leur donnent une retraite de huit jours.

Pour l'admission des sujets, trois conditions sont requises : la pauvreté, une bonne conduite, et de l'aptitude pour les sciences. Tous les séminaristes sont soumis, deux fois par an, à un examen sérieux : les plus capables sont autorisés à soutenir des thèses publiques et même à, recevoir des grades en droit canonique. Les Pères Jésuites se chargent des différents cours, ainsi que des examens, qui ont lieu à Pâques et à la fin de l'an­née scolaire. L'exercice des cérémonies religieuses doit avoir lieu deux fois par semaine ; on débite un sermon ou l'on dé­clame une pièce littéraire pendant le souper, les dimanches et fêtes ; on fait le catéchisme une heure les jours de congé, quand il n'y a pas promenade. Puis le règlement traite des repas et de la discipline qui doit s'observer au réfectoire, inculque l'es­prit de mortification, et ordonne le jeûne pour la veille de la fête de l'Immaculée-Conception. Il indique les heures de récréa­tions et de promenades, et la conduite que l'on doit y tenir. Il recommande la modestie et la propreté. Il prescrit le silence en dehors des récréations et surtout pour le temps qui s'écoule de la prière du soir jusqu'après la méditation du lendemain. Enfin il exhorte à la pratique constante de l'obéissance.

Vient la classification des fonctionnaires de la Communauté, avec leurs attributions et leurs devoirs : c'est le chapitre troi­sième. On y traite successivement des répétiteurs ou conféren­ciers, dont le premier a pour objet l'Écriture Sainte ; le second la Théologie; le troisième la Philosophie; du réglementaire qui donne le signal des exercices de la journée et qui, tous les sa­medis, se charge de l'affichage et de la lecture de la liste des fonctionnaires pour la semaine; des bibliothécaires ; du sacris­tain ; du lecteur à la chapelle, au réfectoire et à la salle d'exer­cices...

Comme on le voit, ces Règlements nous font connaître les traits caractéristiques de l'oeuvre. Ils contiennent les préceptes d'une éducation cléricale solidement religieuse.

Le Séminaire est consacré an Saint-EspriLet à la Sainte Vierge conçue sans péché. L'amour de Dieu dont le Saint-Esprit est le principe et une pureté angélique dont la Mère de Dieu est le plus parfait modèle et la plus puissante protectrice : voilà l'es­sence même de la vie ecclésiastique de nos « Pauvres Écoliers ».

La vie divine est entretenue en eux par des exercices spiri­tuels fréquents : l'oraison, les prières vocales, la sainte Messe, les sacrements, les retraites viennent tour à tour les former a cette vie intérieure et surnaturelle, si nécessaire au ministère sacerdotal.

Puis les règles d'une forte discipline, ainsi que l'exercice des fonctions auxquelles tous sont soumis à tour de rôle, ne peu­vent qu'achever de les assouplir à la pratique des vertus chré­tiennes et ecclésiastiques.

Une attention toute particulière est donnée aux études. « Les étudiants, dit le P. de Clorivière, allaient en classe à Louis-le­Grand, et pour les obliger a étudier on leur faisait subir deux examens chaque année, l'un à Pâques et l'autre avant les va­cances. M. des Places disait qu'un clerc pieux sans science a un zèle aveugle, et que le clerc savant sans piété est exposé à de­venir hérétique et rebelle à l'Église. « Enfin, ajoute-t-il, on les prie d'être toujours attachés, dans tous les points de doctrine, aux décisions de l'Église, pour laquelle ils doivent être pleins de soumission. » (Règlern., c. 11, art. 2.)

Des exercices oratoires, des répétitions de chant et de céré­morlies complètent cette excellente éducation cléricale.

Ici se présente une question : le Séminaire du St-Esprit était-il régulièrement constitué?

Cette question fut longuement débattue à la suite d'un legs fait à l'établissement par l'abbé Ch. Le Bègue (7 sept. 1723), et dont la légitimité avait été contestée par les héritiers après le décès de ce bienfaiteur. Or, il fut alors démontré : 1° que cet établissement avait été fondé sans aucune opposition ni obser­vation de la part du cardinal de Noailles, archevêque de Paris; 2° que le même prélat admettait sans difficulté les séminaristes du St-Esprit aux ordinations ; 3° qu'il reconnaissait et con­firmait la nomination des Supérieurs; 4° et qu'à la prière de M. des Places, Son Éminence avait exempté les séminaristes du St-Esprit de l'obligation que voulait leur imposer l’Uni­versité de Paris de suivre ses cours et d'y prendre les grades. D'où il résulte que l'Archevèque a approuvé l'oeuvre au moins d'une manière indirecte et implicite : ce qui était suffisant dans ces commencements, alors qu'elle n'était encore qu'un essai.

Mais, au point de vue légal, l'établissement du St-Esprit n’était-il pas contraire à, l'Édit de 1666, exigeant l'autorisation du Roi?

Non. En effet, pour faciliter l'établissement des séminai­res, conformément aux prescriptions du Concile de Trente, 1,ouis XIV abandonnait entièrement le soin de ces fondations à la sagesse et à la discrétion des Évêques. D'ailleurs, l'oeuvre des « Pauvres Écoliers » était une oeuvre de charité. Enfin, Louis XIV lui-même s'était beaucoup intéressé à cette maison, et, par ses largesses, il a contribué a son entretien. Il ne peut donc v avoir de doute au sujet de la régularité de l'existence de cet établissement du temps de son vénéré fondateur.

III - Ses dernières années; sa mort.

Ce qu'il y a de surprenant, c'est que M. des Places, qui avait entrepris cette oeuvre avec tant de zèle et de prudence, et qui était le modèle de ces jeunes clercs, n'était pas lui-même, au début du Séminaire, dans les Ordres sacrés. Soit par un effet de son humilité, soit que sa charge de Supérieur ne lui en don­nât pas les facilités, il ne reçut les Ordres mineurs qu'aux Quatre-Temps après la Pentecôté, le samedi 6 juin 1705. Ce n'est que plus de deux ans après, aux Quatre-Temps de l'Avent, le samedi 17 décembre 1707, qu'il fut promu au Sacerdoce.

Ces différents ordres lui furent conférés par Mgr Henry de Thiard de Bissy, évêque de Meaux, devenu en 1715 Cardinal de la sainte Église romaine. C'était un prélat tout dévoué au St-Siège, grand ami des Jésuites, en même temps qu'adversaire déterminé des Protestants et des Jansénistes. D'abord évêque de Toul (1687), il fut transféré au siège de Meaux en 1704 après la mort de Bossuet.

Cependant, M. Poullart des Places menait une vie très aus­tère qui devait abréger ses jours ; il aurait poussé ses mortifi­calions plus loin encore, si un sage directeur n'avait été là pour inodérer son ardeur. Il ne croyait jamais faire assez pour Dieu et, se livrait à cette vie d'immolation et de sacrifice, tant pour sa propre sanctification que pour attirer les grâces et les bénédictions du Ciel sur ses chers séminaristes.

« On ne saurait dire, écrit le P. de Clorivière, combien il se donnait de peine et entreprenait de travaux pour pourvoir, à la fois, au bien spirituel et corporel de sa Communauté. C'était son occupation continuelle, qui ne lui laissait aucun repos. Il eut, il est vrai, la consolation d'en recueillir d'excellents fruits : il forma des élèves, dont l'Église retira, dans la suite, les plus grands services ; et quelques-uns d'entre eux se consacrèrent à la continuation d'une bonne oeuvre à laquelle ils reconnais­saient devoir tout. »

Mais tant de soins eurent bientôt consumé un homme en qui la force et la santé ne répondaient pas au zèle qui l'animait. M. des Places y succomba. Il fat attaqué par une grosse pleuré­sie qui, jointe à une fièvre continue et à un rhume violent, lui causa, pendant quatre jours, d'extrêmes douleurs.

Dès que l'on sut dans Paris que sa maladie était sérieuse, tout ce qu'il y avait dans cette ville de personnes distinguées par leur piété y prirent le plus vif intérêt, entre autres le P . Gourdan, chanoine régulier de St-Victor, si célèbre par sa piété, et qui s'était lié avec lui de l'amitié la plus étroite. Grand nombre de personnes d'nu rang élevé vinrent le visiter et n'en­tendirent jamais sortir de sa bouche la moindre plainte. Sa fer­veur redoublait à proportion de ses souffrances, et son esprit semblait prendre de nouvelles forces à mesure que la nature perdait les siennes. Son aspiration la plus ordinaire était celle que le Roi-Prophète exprima par ces paroles : « Que vos taber­nacles sont aimables, ô Dieu des vertus! Mon âme languit et soupire dans l'attente de votre céleste demeure! »

Ce fut dans ces sentiments que le pieux fondateur de la Communauté du St-Esprit, après avoir reçu les derniers sacre­ments avec une parfaite connaissance, expira doucement le 2 oc­tobre U09, âgé de trente ans et sept mois. Le Séminaire du St-Esprit comptait déjà 70 élèves présents.

Il nous reste de Claude Poullart des Places trois portraits peints à l'huile, dont l'un le représente revêtu des habits sacer­dotaux, distribuant la sainte communion; un autre nous le mon­tre sur son lit de mort. L'examen de cette physionomie nous aide à comprendre cette courte et sainte existence : elle est faite de distinction native, d'intelligence, d'énergie, de douceur, de recueillement et de bonté. On sent que la vie surnaturelle l’anime tout entière : c'est vraiment celle d'un saint...


Biographies par Mgr A. Le Roy 1er novembre 1908 Page 3 à 16

- Claude-François POULLART des PLACES
Fondateur du Séminaire du Saint-Esprit 1679-1709

(On trouvera des biographies de Poullart des Places par ailleurs.
Cette notice n’est qu’un aperçu sur le Fondateur)


Les années d'enfance et de jeunesse

Les Poullart des Places descendaient d'une vieille famille bretonne originaire de la région de Paimpol. L'histoire a retenu le nom de Geoffroy Poullart, l'un des écuyers de Beaumanoir, tué au combat des Trente qui opposa 30 Français à 30 Anglais près de Ploërinel en 1351 sur la route de Josselin ; et de Guillaume Poullart, évêque de Rennes puis de SaintMalo, qui mourut en 1384.

Le père du fondateur, François-Claude Poullart, était avocat au Parlement de Rennes. En 1677, il avait épousé Jeanne Le Meneust, gouvernante des enfants du Comte de Marbeuf, Président au Parlement de Bretagne. C'était un homme d'une prodigieuse activité. Juge-garde de la Monnaie de Rennes à partir de 1685, il était aussi Fermier général des revenus temporels de l'abbaye de Saint-Melaine et de plusieurs autres abbayes bénédictines, Receveur général des dîmes des évêchés de Rennes et de Saint-Brieuc. Toutes ces charges ne l'empêchaient pas d'être l'un des plus gros négociants de Rennes à cette époque.

Il ne tarda pas à acquérir une fortune considérable. A Rennes même, il acheta plusieurs maisons dont la maison noble des Mottais sise dans l'actuelle rue Waldeck Rousseau, et fit construire cinq grands immeubles près des rues de la Monnaie et de SaintGuillaume. En même temps que la maison des Mottais, il s'était rendu propriétaire d'une quarantaine d'hectares sur lesquels ont été construits récemment les quartiers des Mottais et de Maurepart. Toute cette activité de Poullart des Places visait à une fin bien précise, faire rentrer sa lignée dans la noblesse, dont il avait été écarté lors de la réforme de la noblesse bretonne en 1668.

Claude-François, son fils, vint au monde en l'année 1679, le 26 février, et fut baptisé le lendemain en l'église Saint-Pierre-en -Saint-Georges. Il eut pour parrain le Comte Claude de Marbeuf et pour marraine Mme Ferret, femme de l'un des plus grands banquiers de Rennes.

Enfant il fut confié à un précepteur, et dès l'âge de 7 ans il fut mis au collège des jésuites, dans la classe de sixième. Ses parents habitaient alors, sur la paroisse de Saint-Germain, une maison située sur l'emplacement de l'actuelle place du Palais.

Tout au long du cycle de ses études, le jeune garçon se révéla élève brillant aux multiples talents ' Il participa plusieurs fois avec succès aux ballets et pièces de théâtre qui étaient donnés, de temps en temps, au collège. A la fin de ses études, en 1695, il fut choisi pour soutenir le Grand Acte, thèse de philosophie dont la soutenance, confiée à l'élève le mieux doué, avait lieu chaque année en grande solennité. Sa thèse était dédiée au Comte de Toulouse, fils de Louis XIV et Gouverneur de Bretagne.

Mais surtout ses années de collège furent marquées par l'amitié qu'il noua avec Louis-Marie Grignon de Monfort, son condisciple et bientôt son voisin. En 1690, en effet, la famille de Poullart des Places vint résider dans la rue Saint-Sauveur, proche de la rue du Chapitre où demeuraient les Grignon et dans le voisinage immédiat du sanctuaire de Notre-Dame des Miracles.

Entre les deux jeunes gens, il y avait une sensible différence d'âge, Grignon de Montfort était l'aîné de six ans ; ils différaient également par le caractère. Mais leur commune dévotion envers la Vierge et leur identique amour pour les pauvres les rapprochaient en dépit de leurs dissemblances. Souvent, durant ces années d'études, Grignon fut, pendant des congés, l'invité de Claude Poullart dans la maison de campagne des Mottais.

C'est à cette époque qu'il faut placer la rencontre de Claude Poullart avec l'abbé Bellier. Julien Bellier, qu'un historien breton a cru pouvoir appeler le plus saint prêtre de Rennes, était chapelain de l'hôpital Saint-Yves, mais il était beaucoup plus que cela, et c'est à juste titre qu'on a vu en lui un précurseur d'Ozanam et de ses sociétés de Saint-Vincent de Paul. Les jours de congé, il réunissait les élèves les plus fervents du collège des jésuites, humanistes, philosophes et théologiens. Il ne se contentait pas de leur prêcher la charité, il la leur faisait pratiquer, les envoyant par petits groupes dans les salles de l'hôpital Saint-Yves ou dans les autres hôpitaux de la ville. Or, dans ces hôpitaux, il ne trouvaient pas seulement des malades. Saint-Yves et l'Hôpital général englobaient non seulement ce que nous appelons aujourd'hui hôpital, mais aussi un asile pour les pauvres, les infirmes et les vieillards, un orphelinat où les enfants abandonnés étaient gardé jusqu'à l'âge de dix ou douze ans, et une école d'apprentissage.

Les jeunes disciples de l'abbé Bellier n'étaient pas seule-ment invités àaider les religieuses dans les soins à donner aux malades, ils devaient aussi et surtout s'occuper des âmes, spécialement en enseignant le catéchisme aux malades et aux orphelins.

De temps à autre, M. Bellier quittait Saint-Yves et la ville de Rennes pour quelques semaines. Il faisait en effet partie de la troupe bénévole de ces prêtres qui, sous la direction de Dom Leuduger, continuaient, en HauteBretagne, les fameuses missions de Michel Le Nobletz et du bienheureux Julien Maunoir. A son retour, il enthousiasmait ses étudiants par le récit des miracles que la grâce de la mission avait opérés dans les âmes.

Il suffit de lire une biographie de saint Louis-Marie Grignon de Montfort pour se rendre compte à quel point M. Bellier l'avait marqué pour le reste de sa vie. A Poitiers, comme à la Rochelle, sans parler de la Salpêtrière lors de son séjour à Paris en 1703, il consacra aux hôpitaux une importante partie de son apostolat, et c'est d'abord pour le service des hôpitaux qu'il fonda la Congrégation des Filles de la Sagesse. Tout le reste de son temps, il le consacra aux missions, objectif unique assigné par lui à sa Compagnie de Marie.

Louis-Marie Grignon de Montfort était entré à Saint-Sulpice et avait donc quitté M. Bellier dès 1693. Claude Poullart des Places devait subir son influence plus longtemps et d'une manière nouvelle. Deux chanoines, Claude et Jean-François Ferret, grands amis de la famille Poullart, avaient été àl'origine de la fondation à Rennes, en 1684, d'un séminaire de pauvres escholiers. Or, en 1697, l'évêque de Rennes nomma M. Bellier directeur de cet établissement, dont voici les caractéristiques : personne ne pouvait être admis sans fournir préalablement un certificat de pauvreté ; les séminaristes suivaient chez les jésuites, les cours de philosophie et de théologie. Nul besoin d'un document explicite pour affirmer que le jeune Claude Poullart franchit bien des fois le seuil de ce séminaire où son maître en apostolat lui faisait découvrir de façon concrète les besoins matériels et spirituels des pauvres clercs. ,

C'est ainsi que, tout comme Grignon de Montfort, bien que différemment, Poullart des Places fut marqué lui aussi par M. Bellier. En servant de modèle à deux fondateurs de congrégation religieuse, le plus saint prêtre de Rennes avait été, entre les mains de la Providence, un instrument d'une particulière efficacité. Le caté-' chisme aux orphelins de Saint-Yves préparait l'apostolat des petits Savoyards ; surtout, ses visites au séminaire des pauvres escholiers, ses entretiens avec le directeur, ses contacts directs avec les séminaristes eux-mêmes ouvraient l'esprit et le coeur du jeune Poullart des Places aux dimensions réelles d'un problème dont l'heureuse solution devait être d'une si grande importance pour l'Église. A Paris, le problème sera le même. Il pourra donc recevoir une solution semblable.

La fondation du Séminaire du Saint-Esprit.

Le cheminement du futur fondateur vers le sacerdoce fut quelque peu retardé. Ses parents rêvaient, pour l'unique héritier de leur nom, un riche mariage et une charge de conseiller au Parlement. Claude-François dut étudier le Droit. Il le fit à Nantes puis à Paris. Il venait d'obtenir sa licence en droit quand, devant sa décision irréductible, ses parents lui permirent enfin de commencer ses études de théologie. A la rentrée de 1701, ClaudeFrançois redevenait, comme théologien, l'élève des jésuites, au collège de Louis-le-Grand.

Retrouvant à Paris les problèmes sur lesquels il s'était penché avec l'abbé Bellier, il s'intéressa aux petits Savoyards à qui il enseigna le catéchisme et aux séminaristes pauvres. Il commença par venir en aide à quelques-uns de ces derniers, leur procurant les fonds nécessaires pour se loger et payer leur nourriture. Bientôt il voulut faire plus et loua dans ce but une maison sise rue des Cordiers. C'est là qu'aux fêtes de la Pentecôte de l'année 1703 il fonda le Séminaire du Saint-Esprit.

Très vite la maison devint trop petite ; il fallut songer à s'agrandir. En 1705 ce fut chose faite et le séminaire se transporta rue Neuve-Saint-Etienne (actuellement rue Rollin), puis en 1707, un nouvel agrandissement s'avérant nécessaire, rue Neuve-Sainte-Geneviève (aujourd'hui rue Tournefort). Seuls étaient reçus, comme autrefois àRennes, les étudiants qui n'avaient pas les moyens de payer ailleurs leur pension. Le nombre des séminaristes ne cessa d'augmenter et à la mort du fondateur, en 1709, ils étaient déjà 70.

L'oeuvre de Poullart des Places se situait sur un double plan car en fondant le séminaire il avait voulu aussi jeter les bases d'une véritable Congrégation. Ses premiers associés furent : Michel Le Barbier, fils d'un notaire de Rennes, Jacques Hyacinthe Garnier de Janzé, Louis Bouïc qui avait commencé ses études à Saint-Méen, et Pierre Caris de Vem-sur-Seiche. Ils s'attachèrent à garder fidèlement le caractère propre et la physionomie particulière de son oeuvre.

Rayonnement de Poullart des Places et de son oeuvre.

L'amitié entre Poullart des Places et Grignon de Montfort eut son prolongement dans l'intime collaboration entre les deux congrégations qu'ils avaient respectivement fondées. Tout au long du XVIIIe siècle, le Séminaire du Saint-Esprit devait préparer à la Compagnie de Marie les deux tiers de ses membres et trois de ses Supérieurs généraux.

L'influence de Poullart des Places devait s'étendre aux Filles du SaintEsprit de Saint-Brieuc par l'intermédiaire de l'un de ses premiers disciples, Allenou de la Ville-Angevin, qui leur donna une règle adaptée de celle que le fondateur avait fixée pour le Séminaire du Saint-Esprit.

Les derniers mois de la vie de Poullart des Places furent marqués par une collaboration avec saint Jean-Baptiste de la Salle. Il s'agissait de former des instituteurs pour les campagnes. Un séminaire spécial fut même ouvert dans ce but à Saint-Denis en mars 1709. Mais la rigueur de l'hiver et la mort du jeune fondateur, jointes à d'autres circonstances, firent que ce projet d'une si grande importance resta sans lendemain.

De bonne heure, des élèves du Séminaire du Saint-Esprit s'orientèrent vers les missions étrangères, spécialement vers celles du Canada, de l'ExtrêmeOrient, de la Guyane et du Sénégal. Au lendemain de la Révolution ce fut exclusivement en vue des missions coloniales que la Congrégation de Poullart des Places reçut de Napoléon puis de Louis XVIII l'autorisation de reparaître.

Malgré tous les efforts de ses supérieurs successifs, elle avait beaucoup de mal à faire face à l'immensité de sa tâche. Le salut devait lui venir du Vénérable Libermann, fils d'un rabbin d'Alsace. Or, par une harmonie admirable, la divine Providence voulut que ce fût à Rennes, ville natale de Poullart des Places, et berceau de sa société, qu'en 1839 M. Libermann conçut le projet de fonder la Société du Saint-Coeur de Marie, dont les membres, en s'unissant à celle du Saint-Esprit, en 1848, la consolideraient définitivement.

La mort du Fondateur du Séminaire du Saint-Esprit.

Le P. Charles Besnard, auteur de la Vie de Louis-Marie Grignon de Monfort, raconte la mort de Claude-François Poullart des Places :

" Tandis que M. Desplaces se livrait tout entier aux soins qu'exigeait sa communauté naissante, et qu'il s'épuisait d'austérités, il fut attaqué d'une pleurésie jointe à une fièvre continue et à un ténesme violent qui lui causa pendant quatre jours des douleurs extrêmes. Elles ne purent arracher de sa bouche un mot de plainte, encore moins d'impatience. On n'apercevait le redoublement de ses souffrances que par les actes de résignation qu'elles lui faisaient produire. La défaillance même de la nature semblait lui prêter de nouvelles forces pour répéter souvent ces paroles du saint roi David: " Quam dilecta tabemacula tua, Domine virtutum, concupiscit et deficit anima mea in atria Domini. - Que vos tabernacles sont aimables, ô Dieu des armées ! mon âme ne saurait plus soutenir l'ardeur avec laquelle elle soupire après la demeure du Seigneur."

Dès qu'on sut à Paris que sa maladie était sérieuse, un grand nombre de personnes distinguées par leur piété et par leurs places, vinrent le voir : messieurs les directeurs du séminaire de SaintSulpice, de S Saint-Nicolasdu- Chardonnet, de Saint François-de-Sales. Le saint homme M. Gourdan, avec qui il était lié d'une étroite amitié, l'envoya aussi visiter de sa part. On lui administra de bonne heure les derniers sacrements, et après les avoir reçus avec un plein jugement et une parfaite liberté d'esprit, il expira doucement sur les cinq heures du soir, le 2 octobre 1709, âgé de 30 ans et 7 mois.

Tel fut le saint et célèbre M. Desplaces, instituteur du Séminaire du SaintEsprit à Paris. "
(Études du P. Joseph Michel)

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