Le Père Jean PRAT,
décédé à Langonnet, le 12 juillet 1952,
à l’âge de 83 ans.


Le P. Jean Prat était une âme candide et simple, qui n’admettait pas la discussion ; son intelligence n’était pas faite pour la science, mais pour la foi.

Dans les vingt dernières années de sa vie, quand son activité ne put plus s’appliquer à ce qui l’avait occupée pendant trente-cinq ans, il se lança dans les “découvertes” en matière de linguistique. Il n’était nullement préparé à de semblables études ; peut-on même dire que ce fut chez lui un sujet d’étude ? Il crut à une intuition sans fondement objectif ; il en vécut : les langues bantoues dérivées du latin : les langues nitales (nital, anagramme de latin). Il eut même la candeur de croire qu’il avait fait une découverte, que ses théories n’étaient pas de son fond, comme le serait une invention ; car ce que l’on invente peut ne pas avoir de réalité concrète ; ce qu’on découvre, au contraire, existe déjà, bien que tous l’ignorent. L’ardeur du P. Prat à maintenir ses positions faisait parfois la joie de son entourage ; elle lui valut aussi de pénibles rebuffades. Néanmoins il n’hésita pas à persister dans ses affirmations : pour lui, sa thèse était l’évidence même. Il ne ménageait pas ses contradicteurs qu’il traitait avec une pointe de dédain, parce qu’il les voyait dans une erreur grossière. Ce qui peint le mieux sa mentalité à ce sujet, c’est qu’il fit imprimer son travail, en même temps que ses poésies qui sont faites surtout de confidences. Il distribuait les deux opuscules au même titre, comme si sa science était sur le même pied que ses sentiments intimes.

C’est ainsi qu’apparut le P. Prat au temps de sa retraite ; mais cet aspect des dernières années ne saurait faire oublier qu’il fut un missionnaire très dévoué aussi longtemps que ses forces le lui permirent.

Il naquit à Tarbes, le 9 novembre 1868. Son père était cultivateur et dirigeait une exploitation de quelque importance. Après ses études au petit séminaire de Saint-Pé, il fit la majeure partie de sa philosophie et de sa théologie au grand séminaire diocésain où il fut ordonné sous-diacre. Et c’est alors seulement qu’il entendit le premier appel de Dieu pour les missions. Il demanda son entrée dans la congrégation (juin 1884). Entré au noviciat d’Orly, le 18 septembre 1894, il y passa sans bruit, fidèle dès le premier jour jusqu’au dernier à toutes les observances. Ordonné prêtre à la maison mère, le 22 décembre 1894, il fit profession, le 6 octobre 1895.

Il fut désigné pour le vicariat apostolique de l’Oubangui. De janvier 1896 à juin 1901, à Brazzaville il fit du ministère tout en s’occupant de l’œuvre des enfants. Il fut ensuite successivement, de juin 1901 à septembre 1902, à Notre-Dame de Lékéti ; de septembre 1902 à avril 1918, à Saint-François de Boundji ; d’avril 1918 à octobre 1922, de nouveau à Notre-Dame de Lékéti puis à Boundji. À la fin de 1932, il est à Mindouli (sur sa demande, fait-il observer). En 1936, on le retrouve à Kibouendé.

Rentré en France en 1903, il séjourna à Bordeaux. Son second congé, en 1910, fut passé à Fribourg, et celui de 1923, à Tarbes; Il eut encore un congé en 1931 avant de rentrer définitivement en Europe, en 1937.

Le premier témoignage que donne de lui Mgr Augouard (16 mars 1898) est flatteur : « Le P. Prat est un excellent religieux, obéissant et dévoué, vraiment pieux ; avec un peu de pratique, il donnera un bon et excellent missionnaire. »

Cette pratique que lui souhaitait son supérieur, il l’acquit très vite par son assiduité au saint ministère, à l’enseignement du catéchisme et à l’étude de la langue indigène. Il composa catéchisme, livre de piété, grammaire, dictionnaire. Il se munit d’une petite presse à imprimer, tirant deux pages à la fois. Il aurait voulu faire mieux pour être plus utile. Son unique objectif fut de rendre service et, si parfois il se trompa, son intention n’en resta pas moins toujours pure et droite.

À son retour, en 1937, on lui assigna pour résidence l’Abbaye de Langonnet. De là, il rendit visite à sa famille et la guerre le surprit à Tarbes. Il resta donc parmi les siens, heureux de se reposer dans la solitude, jusqu’à ce que les communications fussent rétablies entre le Sud et le Nord.

Il parlait peu, sauf quand on abordait son sujet familier, les langues bantoues. Il défendait alors ses idées, traitant de haut ses contradicteurs ; il donnait ainsi à ses confrères une récréation toujours nouvelle. Puis, avec l’âge, vinrent les infirmités. Il se confina dans sa chambre, heureux pourtant de recevoir la visite de ses amis d’autrefois, ses contemporains. À plusieurs reprises on le crut près de rendre l’âme, mais sa robuste constitution prenait le dessus, et il continuait de mener sa vie misérable, sans se plaindre, entouré, il est vrai, de soins assidus. Il reçut les derniers sacrements à deux ou trois reprises. Au début de janvier, il déclina sérieusement et mourut le 12 janvier 1952. -
BPF, n° 58.

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