Le Père Louis QUéLENNEC,
1882-1951


Le P. Quélennec naquit le 27 septembre 1882, au passage de Lanriec, face à la Ville Close de Concarneau, véritable nid de marins et de quelques rentiers auxquels ne déplaît pas la vue des vieux murs crénelés de Vauban, du bassin avec ses bateaux de pêche, ses thonniers rangés au quai du port, du môle et de la haute mer.

Il fit ses études primaires sur place avant d'entrer successivement au petit séminaire diocésain de Pont-Croix et au grand séminaire de Quimper où il reçut la tonsure. Convaincu que Dieu l'appelait à être missionnaire, il demanda à entrer dans la Congrégation avec l'agrément de son directeur de conscience, oubliant d'en faire part au supérieur et de solliciter l'agrément de son évêque. L'obligeance du supérieur, M. Gadon, corrigea cette incorrection. Louis Quélennec entra au noviciat de Grignon, le 9 octobre 1902, et y prononça ses premiers vœux, le 1er octobre 1903, avant l'année canonique achevée : nouvelle incorrection, qui fut corrigée comme la première. Ordonné prêtre à Chevilly le 28 octobre 1906, il est prêt, en juillet suivant, à accepter n'importe quelle mission, celle qu'on voudra bien lui assigner. Il désirait l'Oubangui, sans trop savoir pourquoi ; désormais il est prêt à tout.

On le juge original, sans excentricité pourtant. Il paraît d'esprit embarrassé, parce qu'il a trop d'idées à la fois, qu'il exprime mal ; il parle d'ailleurs trop précipitamment : on a peine à le comprendre.

Enfin sa poitrine n'est guère solide et réclame des ménagements bon pour le Sénégal ! Il y restera vingt-huit ans, et y fera du bon travail, toujours s entièrement appliqué à la besogne qui lui est confiée. Il évangélise, bâtit maisons ou églises selon l'occasion, change de résidence sans se soucier de ce qu'il laisse derrière lui, ni de ce qu'il va trouver.

Trois congés en France, en 1911, 1920 et 1927, avant le rapatriement définitif, en septembre 1935.

En 1927, il avait été provisoirement rattaché à sa province d'origine, pour trois ans ; et sa santé paraissant raffermie, il lui fut permis sur ses instances, de retourner dans sa mission.

Au Sénégal, il vécut surtout en Casamance, passa quelque temps à Gorée pour s'y reposer, et à Saint-Louis dont il fut curé trois ans durant. Ce qui le distingua dans ses différentes résidences, ce fut son dévouement et sa piété. il aimait ses pauvres gens et savait les toucher. Si quelques-uns, semble-t-il parfois, estiment leur activité apostolique au nombre de kilomètres parcourus à bicyclette, pour lui il semblait n'être jamais pressé d'ouvrage. Après avoir catéchisé, confessé, dirigé les travaux de construction, il s'asseyait volontiers dans une case, causait familièrement avec les gens, s'enquérait de leur santé et de tout ce qu'il croyait les intéresser. Il gagnait ainsi leur confiance pour les amener plus sûrement à Dieu.

Durant ses congés, en 1927 en particulier, il s'offrit volontiers pour rendre service selon ses forces. On le jugea capable de succéder au P. Liagre comme père spirituel du scolasticat de Mortain, et pendant trois ans, il occupa ce poste à la satisfaction générale. Il en tira lui-même le plus grand profit pour son propre avancement dans les voies de la sainteté.

Quand il dut se résigner à rester en France, en 1935, il fut d'abord placé à Bordeaux jusqu'en 1939. C'est alors qu'il fut nommé supé rieur de l'école paroissiale de Landudec où il resta jusqu'en 1945 et fut reçu à l'Abbaye de Langonnet pour diriger les retraitants de passage et exercer le saint ministère auprès de ses confrères et de quelques personnes du dehors. Cependant sa vue baissait : il ne pouvait plus ni réciter son bréviaire ni célébrer la messe du jour. Les soins qu'il reçut restèrent d'abord sans grand effet ; mais peu à peu une amélioration se fit sentir sans toutefois lui permettre de longues lectures.

Il désirait pourtant se livrer à l'étude, et quelques confrères lui vinrent en aide : il écoutait et dictait ; il écrivait encore quelquefois en caractères forts et bien moulés.

Depuis très longtemps, il avait été captivé par les écrits du Vénérable Père, et à force de les lire et de les relire, il en était venu à se les assimiler, à les comprendre de mieux en mieux, et à les goûter ; il y trouvait l'aliment spirituel de sa vie intérieure, en même temps que son intelligence, pénétrait de plus en plus une doctrine qui le comblait d'aise. On a pu dire de lui, au cours de ses études, qu'il était, au point de vue de l'esprit, un sujet fort médiocre, mais au contact d'une intelligence supérieure, celle du Vénérable Père, ses horizons s'étaient élargis.

Il s'était fait une spécialité de l'étude du Commentaire sur l'Evangile de Saint Jean. En Casamance, bâtissant une chapelle grâce au concours bénévole des gens de l'endroit, il récompensait ses travailleurs, la journée finie, en leur expliquant l'évangile de Saint Jean ; il se servait du Commentaire du Vénérable Père. On put plaisanter à ce sujet. Ce qu'il cherchait dans son livre, ce n'était pas la pensée sublime, mais l'élan du cœur du Vénérable Père vers Notre-Seigneur. Plus tard, à Mortain, il se plaignait que les scolastiques ne fussent pas initiés aux beautés du Vénérable Père ; il fit tout pour les entraîner et peut-être éveilla-t-il quelque écho dans leurs âmes.

Il a tenu à écrire ses impressions personnelles à ce sujet ; nous avons un essai de lui où il traite de la mystique du Vénérable Père.

L'interprétation qu'il fait de certains textes du Commentaire est vraiment remarquable par l'exégèse qui en est la base. Il n'a pas étudié à fond les grands mystiques ; il a lu saint Jean-de-la-Croix et sainte Thérèse. Cela lui suffit pour découvrir des aspects très profonds de paroles qui paraissent fort simples à première lecture.

Durant ses loisirs à l'Abbaye de Langonnet, il composa une petite étude : Principes directeurs de la doctrine missionnaire du Vénérable Père. Il tire ces principes des Instructions aux Missionnaires, où le Vénérable Père a voulu les exposer. Les bases de ce travail sont donc très solides. Les explications sont puisées surtout dans le Commentaire de Saint Jean ; les autres écrits spirituels et les Lettres sont mis à contribution, ainsi que la Règle provisoire de 1840 tout cela est de la meilleure venue.

Ce qu'on y peut surtout remarquer, c'est la valeur du procédé illustrer la doctrine du Vénérable Père par ses manifestations authentiques, ne pas laisser place à l'arbitraire ou au sens personnel de l'interprète. On conviendra en même temps qu'on ne peut aborder un tel travail sans s'être fait à soi-même une réserve de doctrine puisée dans l'étude assidue des sources.

Tout en appliquant son attention à la doctrine, le P. Quélennec était entraîné à approfondir l'activité extérieure et les diverses phases de la vie du Vénérable Père. Il nous a laissé ses notes ; elles sont conçues dans le même esprit : expliquer le dehors par le dedans, ce qui est l'unique méthode pour demeurer dans la vérité.

Le Père Quélennec est mort à Langonnet, le dimanche 18 novembre, quelques minutes avant minuit. Le jeudi précédent, il se sentit indisposé. Le lendemain son cas parut assez grave pour qu'on appelât le médecin qui crut àune indigestion. Le soir du même jour, le Père perdit connaissance : c'était une congestion cérébrale. La sœur, appelée en hâte près de lui, ne put qu'assister à sa longue agonie sans pouvoir obtenir un seul mot du moribond. Il avait 69 ans.

Cette notice est du P. Alexis Cabon (Un tel commentaire sur le Père Libermann ne pouvait provenir évidemment que du P. Cabon ! )

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