Le P. Prudent RAOULT,
décédé à Kranitza (Serbie), le 15 septembre 1918,
à lâge de 35 ans.


Prudent Raoult, né à Cancale le 3 octobre 1883, appartenait à une famille de marins, et fut marin lui-même.

Dès son enfance, il entendit l’appel de Dieu au sacerdoce, et entra au petit séminaire de Saint-Méen. Cependant, effrayé des responsabilités d’un ministre des autels, il quitta les études pour revenir à Cancale après sa seconde. L’attrait de la mer, le souvenir des récits de longs voyages qu’il avait entendus de son père, capitaine au long cours, le poussèrent à prendre du service dans la marine.

Sa mère était veuve, elle le vit partir cependant avec moins de craintes, car elle l’avait confié à un très bon capitaine qui faisait cette année-là une saison de grande pêche au homard sur les bancs de Saint-Jean de Terre-Neuve. La campagne fut bonne, et le jeune marin revint enchanté. Sa résolution était prise, il ferait son service militaire dans la marine de l’État.

Il fut envoyé à Brest, mais bientôt, après une nuit passée dans un bateau-pompe à combattre un incendie, il contracta une grave bronchite pour laquelle il fut réformé. La mer devait le remettre de cet accident ; la pêche au large de Cancale durant la belle saison, les soins maternels dont il fut entouré lui rendirent la santé.

En 1906 il faisait son entrée au noviciat de Chevilly. Parmi ses confrères, au noviciat, au scolasticat et plus tard en Afrique, le P. Raoult trouva de nombreux amis. Il avait un cœur d’or, une franchise de marin, un dévouement inlassable. D’une piété simple mais profonde, il avait un grand esprit de foi. On reconnaissait en lui la formation foncièrement religieuse des familles des pays si chrétiens de nos côtes bretonnes.

Le P. Raoult savait mettre dans ses rapports une gaieté et un agrément qui le rendaient vite sympathique à tous. Et si des nuages vinrent de temps en temps assombrir son horizon, un mot, un encouragement charitable, avaient vite fait de le remettre au calme. Ce n’est pas dire que son âme et son caractère pouvaient, à l’image de la mer contemplée si souvent de la Houle de Cancale, passer par la tempête, mais son impressionnabilité, disons mieux, sa délicatesse le mettait parfois à de rudes épreuves.

En 1913, le P. Raoult partait pour l’Afrique. Destiné à la mission du Haut-Congo Français, il passa la plus grande partie de son apostolat à Brazzaville, chargé de l’Œuvre des enfants et du petit séminaire.

Survint la guerre ; en 1915, au mois de mai, il fut mobilisé, suivit la colonne expéditionnaire du Cameroun et fut rapatrié, atteint de dysenterie et de paludisme. Il rentrait en France avec la médaille coloniale.

Après un séjour de quelques mois à Cherbourg, on l’envoie à Valréas suivre les cours d’élève officier. Il en sort sous-lieutenant, va dans un camp de tirailleurs sénégalais et part bientôt pour Salonique.

Au premier jour de l’offensive qui devait amener la Bulgarie à capituler, le P. Raoult est tombé en combattant à la tête de ses hommes ; le P. de Genlis, aumônier de son bataillon, l’a soutenu à ses derniers moments, et maintenant il repose en paix en terre étrangère. -
BG, t. 29, p. 256.

Page précédente