LE P. JACQUES SCHMITT
DE LA MISSION DE SIERRA-LEONE, (Notices Biog III p. 441-444)
décédé à Moyamba, le 22 octobre 1908.


« Consummatus in brevi explevit tempora multa. » Cette parole des Saintes Écritures que l'Église applique aux Saints, morts à la fleur de l'âge, aux Louis de Gonzague, Jean Berchmans, Gabriel de l'Addolorata et tant d'autres, peut aussi, semble-t-il, se rapporter aux bons missionnaires, trop nombreux hélas! morts sans avoir donné de longues années à l'Apostolat. Ils ont en effet beaucoup vécu, car ils ont, dès leur Consécration, offert leur vie tout entière, au service du Maître. Souvent aussi ont-ils trouvé dans une intensité de travail et d’efforts apostoliques la cause de cette mort, trop rapide aux ,yeux de leurs confrères, mais, ne l'oublions pas, les enlevant à l'heure fixée par la sagesse et la bonté infinies de Dieu.

Le P. Jacques Schmitt n'avait que 27 ans, quand Dieu trouva cette âme mûre pour le Ciel, mûre aussi pour devenir la victime de ce sacrifice offert par le missionnaire pour la conversion des Mirs. « Ce qui donne confiance ici, écrit le P. Raymond, c'est la pensée que ce jeune missionnaire est la première victime que le Seigneur a sacrifiée à Moyamba. Du sang de cette victime, espérons-nous, sortira le salut d'un grand nombre d'âmes. »

Jacques Édouard Schmitt naquit à Suffelweyersheim, au diocèse de Strasbourg, le 26 février 1880. Il fut baptisé le .28 février sous le nom d'Édouard. Mais comme personne dans sa famille ne portait ce nom, sa mère demanda qu'on l'appelât Jacques comme son père, qui était mort peu de jours avant sa naissance.

Vers l'âge de 11 ans, Jacques Schmitt sentit naître en lui le germe de la vocation sacerdotale et apostolique; et cela, dit-il, à la suite d'un sermon du vicaire de sa paroisse. Ce vicaire lui donna les premières leçons de français. Deux ans après, il sol-licita son admission à l'école apostolique d'Amiens, tenue par les Pères de la Compagnie de Jésus. Par suite de la loi contre, les Religieux, l'école fut établie à Littlehampton, en Angleterre. C'est là que Jacques fit sa Première Communion, le 24 mai 1894, en la fête du Saint-Sacrement; il avait été confirmé huit jours auparavant. L'année suivante, l'école rentrait à Amiens, où Jacques termina ses études. Il fut reçu bachelier à la faculté de Nancy, en juillet 1900.

Que furent ces années d'études? Deux témoignages nous le diront. Le P. Schmitt écrit dans sa demande d'admission : « Je fus admis à l'école et je m'y rendis avec un grand bonheur. Vers cette époque, je désirais devenir prêtre et missionnaire; mais je n'avais aucune Congrégation en vue. Pendant sept ans, je restai à l'école apostolique. Durant ce temps, les épreuves ne me manquèrent pas. Ces épreuves, sans attaquer directement ma vocation, auraient pu la faire chanceler et m'en rendre indigne. Mais la grâce a été plus puissante que mes infidélités : ce qui m'est une grande preuve que Jésus m'appelle à son service. »Un témoignage tout à rait significatif vient corriger ce que l'humilité de Jacques peut avoir eu d'excessif dans le portrait qu'il fait de lui-même. « J'ai connu Jacques Schmitt pendant plus de quatre ans, écrit le R. P. Upsonier, de la Compagnie de Jésus, et je puis vous dire,,,en toute simplicité, qu'il m'a toujours fait l'effet d'un excellent enfant à tous points de vue. C'est lui qui était ici le premier réglementaire l'année dernière; et, d'ordinaire, on ne confie pas au premier venu cette charge importante... Si cet enfant s'était présenté pour la Compagnie, je suis persuadé que son admission se serait faite sans difficulté. »

Chose curieuse, avant d'entrer à l'école apostolique, comme pendant les sept ans de son séjour, Jacques Schmitt n'a pas pensé un instant à entrer dans la Congrégation. Il voulait être missionnaire. Mais le champ des missions est si vaste 1 Il pensa aux Rédemptoristes, puis à la Congrégation salésienne. Ce ne fut qu'à la sortie de l'école apostolique qu'il fit, pendant les vacances, la connaissance de deux Scolastiques ; et c'est à la suite d'entretiens qu'il eut avec eux, sur les oeuvres de la Congrégation, qu'il sollicita et obtint son entrée au Noviciat de .Grignon.

Admis à la Profession le 21 octobre 1901, il entra au Grand Scolasticat de Chevilly, où il fut ordonné prêtre le 28 octobre 1904, et fit sa Consécration à l'apostolat le 9 juillet 1905. M. Schmitt était ce qu'on appelle un bon scolastique. Il a travaillé très sérieusement et a été vraiment régulier tout le temps de son scolasticat. Ses notes, toujours au dessus de la moyenne, en font foi. Il réussissait dans ses études. Malgré certaines difficultés de caractère, occasionnées par de fréquentes souffrances d'estomac, il était aimé de ses confrères. D'ailleurs, plutôt réservé et timide, il ne les fréquentait pas moins tous.

Enfin vint l'heure de partir pour l'Afrique. Il s'embarqua le 29 septembre 1905, à Liverpool, pour la Mission de Sierra-Leone. Nous regrettons de n'avoir pour ainsi dire aucun détail sur sa vie de missionnaire. Serabu et Moyamba, tels furent les deux postes où il travailla pour les âmes. C'était l'homme de bonne volonté, sachant sacrifier ses vues personnelles sur les méthodes d'apostolat, pour se conformer aux vues de ses Supérieurs. Il ne ménagea peut être pas assez ses forces. « Il était inlassable, dit de lui le P. Raymond, et, sans doute, en voulant remplir son rôle d'instrument de Dieu, n'a-t-il pas tenu toujours suffisamment compte de sa santé. » Il consacrait tout son temps à ses devoirs de missionnaire ; et, à quelqu'un qui se plaignait de la rareté de ses lettres, il répondait « Une lettre de reproche ne me corrigerait guère. Je me dis je suis venu en Afrique pour être missionnaire, et non pour être épistolier, journaliste, romancier. Écrire est accidentel; et cela ne doit prendre que le temps libre laissé par les autres occupations nécessaires. »

Aussi quand la mort vint l'arracher à sa chère oeuvre son vénéré Vicaire apostolique, Mgr O'Gorman, écrivait-il au T. R. Père : « Hélas 1 quelle perte pour la Mission et pour nous tous !... Pour nous, c'est une perte immense; mais ce que nous avons de meilleur, nous le devons tout d'abord à Dieu ! »

Le P. Schmitt fut saisi par la fièvre bilieuse hématurique, à Moyamba. Son état devint vite grave. Son évêque, venu en toute hâte, ses confrères, les sœurs lui prodiguent leurs soins et le veillent plusieurs nuits. « Le jeudi 22 octobre. 1908, écrit Mgr O'Gorman, vers 7 heures du soir, je disais le chapelet avec les Sœurs près de son lit, quand la fin s'annonça immédiate. Une dernière absolution, un effort pour baiser le crucifix, et au Proficiscere, il est entré chez son Père, où les saints missionnaires se sont réjouis de la victoire d'un digne émule. » Consummatus in brevi explevit tempora multa.

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