Le Frère Hyacinthe SCHULTE,
décédé à Brazzaville, le 3 juin 1953,
à l'äge de 78 ans.


Antoine Schulte naquit à Ribeauvillé (Haut-Rhin), le 17 juillet 1874, et fit profession à Chevilly, le 8 septembre 1903, sous le nom de F. Hyacinthe. Sur la feuille de ses états de service, on ne trouve que ces simples mots tracés de sa main : « missionnaire à Brazzaville. »

C’est là, que le F. Hyacinthe fit ses premières armes, et l’on peut dire qu’il fut toujours un ouvrier de Brazzaville. Car, s’il rendit de multiples services en brousse, pour l’achèvement de Linzolo, la construction de Mbamou, puis de Kibouendé, et enfin de Voka, ce ne fut jamais qu’à titre de prêt. Mgr Augouard, Mgr Guichard et Mgr Biéchy appréciaient trop ses services pour se priver longtemps d’un auxiliaire aussi indispensable. Il fit tous les métiers, sauf la mécanique ; et encore ! on ne peut oublier le fameux bélier, monté par lui, qui pendant plus de 25 ans donna l’eau de la source à la mission centrale de Brazzaville.

Mais il fallait vivre, et le F. Hyacinthe, à qui l’on put décerner le titre de Père nourricier de la mission et de ses œuvres, entreprit d’abord de développer et d’enrichir le jardin potager déjà existant, tout en formant des apprentis qui seront plus tard les premiers maraîchers de Brazzaville. À une époque où la cité comptait à peine 300 Européens, on voyait chaque matin, surtout en saison sèche, une théorie de boys montant vers la mission pour y chercher légumes et fruits variés. Lorsqu’on institua, le 14 juillet de chaque année, une exposition de fruits et légumes, le F. Hyacinthe eut toujours les premiers prix. En récompense, il reçut de bonne heure la médaille du mérite agricole.

Il fut cordonnier aussi et c’est près de lui que se formèrent les prerniers apprentis qui ont fait souche et sont un des petits artisanats florissants de Brazzaville. Il n’existait pas, sauf a l’artillerie, d'autre atelier de ressemelage que celui du F. Hyacinthe.

Mais il fallait aussi bâtir, et pour cela, trouver des matériaux; La première briqueterie existait, certes, puisque déjà Mgr Augouard et le P. Rémy avaient pu construire la résidence, la cathédrale et quelques dépendances de la mission. Le F. Hyacinthe fut chargé de cette industrie On ne peut chiffrer le nombre de briques sorties de ses fours. C’est par millions que, chaque, année, les briques vinrent à la mission portées sur un petit decauville qui grimpait la pente de la colline Augouard, ou se répandaient dans la cité naissante de Brazzaville. Le frère briquetier les vendait généreusement 5 à 10 centimes pièce et attendit la crise d’après guerre pour les livrer à 25 centimes. Peu après 1930, il dut émigrer à Mpila ou il continua son industrie jusqu’en 1950.

Bâtisseur enfin, le F. Hyacinthe fut un maçon extrêmement courageux. On ne peut enumérer toutes les maisons et églises sorties de ses mains Citons pourtant l’agrandissement de la Cathédrale en 1908, tous les grands bâtiments scolaires de la mission centrale, l’église et le presbytère Saint-François, l’orphelinat Augouard et la résidence des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny, les écoles de Poto-Poto et de Bacongo, l’église d’Ouenzé…

Dur au travail, taillé en hercule, fort comme un chêne, le F. Hyacinthe exigeait beaucoup de ses ouvriers. Il tempêtait, reprenait, morigénait. Mais ce taciturne, toujours en action, voilait à peine un cœur d’une sensibilité et d'un dévouement extrêmes. Il aimait ses ouvriers qui le lui rendaient bien. Certains demeurèrent avec lui 25, 30 et même 40 ans. Lorsqu’en 1950, le vénéré F. Hyacinthe ferma son dernier chantier, c’est en pleurant qu’il dut se séparer de ses vieux compagnons de travail. Figure légendaire dans tout le bas Congo, il était connu d’un grand nombre d’Africains de Poto-Poto et de Bacongo à qui il rendit de multiples et inappréciables services pour la construction de leurs cases.

Tel était le F. Hyacinthe, ouvrier infatigable qui, en cinquante ans de vie missionnaire, prit à peine trois années de congé dans son Alsace natale. Et nous n’avons presque rien dit de l’homme : dévoué, sensible, infatigable ; du religieux : fervent, attaché à sa famille spiritaine ; du compagnon de vie : frère au fin sourire, aux réparties amusantes qui déridaient la communauté ; du modèle : qui sut toujours, humblement, nous donner l’exemple de la fidelité religieuse, du travail consciencieux et du dévouement à tous.

Le Gouvernement de la République s’honora en faisant le F. Hyacinthe Chevalier de la Légion d’honneur. Il reçut la précieuse médaille des mains de M. Jacquinot, alors Ministre de la France d’outre-mer, aux fêtes du centenaire de Savorgnan de Brazza.

Un mois avant sa inort, le frère avait fait une chute dans l’escalier de la résidence épiscopale. Il était bien fatigué et souffrait d’une vue qui ne fut jamais excellente Hospitalisé pendant deux jours, le frère avait bien vite demandé à retourner à la communauté. Pourtant, une dépression physique très nette s’ensuivit, avec la perte d’un appétit qui avait été autrefois légendaire, et des troubles mentaux qui, par intervalles, lui faisaient perdre la mémoire et le faisaient moralement beaucoup souffrir. Le 27 mai, Mgr Biéchy lui administra le sacrement des malades qu’il reçut avec une paix toute religieuse. Le 29, le docteur proposa de le transporter à l’hôpital général où l’on pourrait lui donner plus facilement les derniers soins nécessaires. C’est là que le cher F. Hyacinthe s’éteignlt doucement, le 3 juin, à 3 h. du matin. Les funérailles de l’humble religieux ressemblèrent autant a une apothéose qu’à une cérémonie de deuil. -
BPF, n° 75.

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